La ville de Seddouk érigée par les colons français vers les années 1880 semble immuable dans son charme légendaire et sa beauté éternelle malgré une évolution permanente à tous points de vue.
Elle reste une ville séduisante, fascinante et attrayante à la fois, et ceux qui la découvrent ne l’oublient pas de sitôt. C’est un coin paradisiaque, chaque soir enveloppé dans une lumière ardente, vers où jeunes et vieux affluent des villages avoisinants, dès la rupture du jeûne. Et ce fut le cas dès le premier jour de ce mois de Ramadhan. Ils viennent passer des moments de plaisir dans une citadelle qui rayonne d’un décor fabuleux qui s’ajoute à l’accueil chaleureux de ses habitants qui respectent leurs hôtes. Samedi soir, après un périple nocturne dans les villages d’Amdoun n’Seddouk où la morosité régnait en maître absolu, nous avons voulu découvrir la ville de Seddouk. Après sept kilomètres d’une route serpentée, nous voilà arrivés à destination. Premier bémol, il faut vraiment galérer pour trouver une place où garer la voiture, dans des ruelles saturées de véhicules. La ville grouille de monde. Dès la rupture du jeûne, les trottoirs sont pris d’assaut. Chacun a sa destination. Il y a ceux qui se dirigent vers les deux grandes mosquées de la ville dont l’une est située au centre de l’ancienne ville et l’autre dans la nouvelle ville et ceux qui préfèrent les cafés pour siroter un thé ou jouer au domino ou au cartes. D’autres rendent visite aux proches ou prennent la direction du parc de loisirs situé à la gare routière pour faire plaisir aux enfants qui ne se lassent pas des différents jeux mis à leur disposition. La ville de Seddouk a différentes entrées mais nous, nous avons emprunté la porte Sud, c’est-à-dire par le quartier Ighil Hamama.
Les parkings-autos font défaut
Le café situé à l’entrée affiche complet et il faut jouer des coudes pour arriver au comptoir. A défaut de place, certains préfèrent prendre leur café dans un gobelet jetable et vont le siroter dehors, en plein air. Des groupes se forment et discutent. Le principal sujet abordé reste le blocage de l’APC, une situation qui inquiète à plus d’un titre, bien évidemment. Un peu plus loin, se trouve le siège de l’association Tidoukla où ses membres ont construit en un laps de temps record un local pour l’ouverture d’un restaurant Errahma, lequel est annoncé sur une grande banderole à l’entrée du quartier et une autre affichée sur le fronton du local. Lors de notre passage, les chaises ont été sorties dehors pour donner un grand nettoyage à coup de balai et jet d’eau. Nous prenons par la rue Oualem Seddik, la plus fréquentée tant elle débouche sur une mosquée, la grande placette de la mairie, le marchée et la gare routière. Des effluves de cacahouètes grillées, de steaks et de brochettes nous parviennent de loin. Pour prendre leur revanche sur une journée entière de privation, les gens forment des files devant les gargotiers. Cela dit en passant, l’hygiène laisse à désirer chez certains. Deux vendeurs de zlabias et autres gâteaux orientaux sont assaillis par des clients. Il fut un temps, cette rue comptaient jusqu’à une dizaine de vendeurs avec un ressortissant tunisien qui en a fait sa spécialité en ouvrant toute l’année. La placette est bondée de monde et les quelques bancs installés sur le trottoir de l’une des façades du siège de l’APC affichent complet. En haut de la placette, la cour du café Méloui, situé sur un angle, reçoit son lot de clients qui du haut de la terrasse regardent le mouvement intense sur la placette. En continuant notre route, nous atteignons les cafés Beztout et celui de Hidra, situés face à face et séparés seulement par la chaussée. Les chaises sont toutes prises par des clients habitués des lieux. La gare routière située juste à deux pas de là devient en soirée un parking de stationnement pour voitures. Un seul bus de transport de voyageurs était là. Quatre ou cinq étudiants voulant aller sur Béjaïa rejoindre leur université étaient déçus à l’arrivée du chauffeur qui leur a signifié qu’il ne se déplacerait pas s’il n’y a pas une bonne quantité de voyageurs. Heureusement pour eux, un chauffeur d’un pick-up les prendra pour les déposer à la gare routière de Sidi Aïch où ils pourront prendre un bus venant des grandes villes comme Akbou et Tazmalt. La gare routière de Seddouk est l’endroit le plus prisé par les citadins et les ruraux, notamment les familles qui fréquentent le parc de loisirs ouvert de nuit à l’occasion du Ramadhan. Les enfants ont le choix entre deux piscines, l’une pour la nage et l’autre pour les pédalos, un gonflable pour les glissades et les voitures tamponneuses. Leurs parents les surveillent assis sur les très nombreuses chaises installées sur toute la surface, en prenant des rafraichissements ou des boissons chaudes que proposent les cafétérias environnantes. Le gérant du parc que nous avons approché nous dira qu’en plus du plaisir de donner la joie aux familles et à leurs enfants, il fait de bonnes recettes. «C’est ma deuxième année d’activité dans ce domaine. L’année dernière, j’ai décidé d’investir dans ce créneau qui s’avéra très coûteux. Ça m’a fait vraiment plaisir d’avoir donné la chance aux familles de sortir en soirée, prendre l’air, dans un endroit sécurisé et d’offrir des loisirs à leurs enfants. Le parc a vite rencontré un grand succès auprès des familles, ce qui m’a vraiment encouragé à persévérer. C’est la raison pour laquelle je l’ai encore ouvert cette année. Vous pouvez constater comme il est plein, alors que je n’ai pas installé tous les équipements. En effet, avant le Ramadhan, j’ai installé sur ce terrain une quinzaine économique. Il fallait donc enlever le chapiteau pour installer les équipements du parc. L’année passée aussi, j’ai organisé sur ce lieu, ma première quinzaine commerciale», a expliqué notre interlocuteur. Une mamie nous dira : «Avec mon petit fils, nous sommes devenus des habitués des lieux. Dès la rupture du jeûne, mon petit fils me prend par la main et me demande de l’emmener au parc. Après, à son retour des tarawih, mon fils vient nous récupérer.
Cafés, mosquées, piscines…
Dans le parc, mon petit-fils s’amuse avec les enfants et moi je prends place sur une chaise pour le surveiller tout en dégustant une glace. Je me suis fait des amies, des habituées comme moi. Ce parc nous donne la chance, nous les femmes, de sortir dans la soirée après une journée harassante faite de corvées ménagères». L’entrée au parc coûte 20 DA. Après avoir terminé de siroter nos cafés, nous quittons le parc de loisirs et notre curiosité fut attirée par l’ouverture de la porte d’un grand local se trouvant à côté d’où nous parviennent des voix qui énoncent des chiffres. Nous entrons à l’intérieur et nous découvrons une grande salle où des gens jouent au loto. Un jeu qui avait disparu mais qui est réapparu cette année. Les gens assis sur des madriers alignés face à des tables où chacun a un espace pour poser le carton et un petit tas de cailloux. Tout le monde est concentré sur son carton lorsque le tireur des numéros annonce à haute voix les chiffres puisés d’une sacoche après les avoir mélangés. Une opération qu’il renouvelle à chaque fois. L’animateur du jeu tire un à un les pions, au hasard, d’un sac où il y en 90, portant des chiffres de 1 à 90. Les joueurs ont dans une main de petites pierres pour cocher au fur à mesure les cases numérotées de leurs cartons correspondants à ceux qui sont annoncés par l’animateur. Ils écoutent attentivement l’animateur. Chaque carton est composé de 15 numéros. Et celui qui remplit le premier son carton crie «Barkat» pour l’annoncer. Il le remet ensuite à l’animateur qui le confronte avec les numéros sortis du sac. En constatant la véracité il le déclare vainqueur. Il encaissera en fonction du nombre de joueurs et du montant des cotisations. Les encaisseurs entament une nouvelle tournée pour une nouvelle collecte d’argent. Signalons que pendant l’annonce des numéros, un silence religieux plane dans la salle. Nous avons interrogé l’un des gérants qui nous informera que l’APC a loué le local pour un groupe de jeunes qui organisent ce loto. En dernier, nous avons fait un saut à la polyclinique où un médecin urgentiste nous expliquera qu’il y a moins de malades accueillis par le service des urgences par rapport aux années passées. «Peut-être que les gens font plus attention, notamment les diabétiques et les hypertendus. Les campagnes de sensibilisation ont donc été efficaces quant à la conduite à tenir et le régime à observer pour éviter de tomber malade», a-t-il déclaré Nous sortons de cette polyclinique vers 2h du matin, la ville commence à se vider. Elle est livrée aux chiens et chats qui se disputent les poubelles qui débordent. Le mois de Ramadhan est en effet, et malheureusement, un mois où les consommateurs ont les yeux plus gros que le ventre. Ils mangent peu et le reste va à la poubelle. Le lendemain, 8h, début de la dernière journée du printemps. Le temps est clément, la ville de Seddouk est sou un soleil doux. Les rues sont encore désertes et rares sont les bus et les voitures qui passent transportant les travailleurs qui commenceront la semaine de labeur. Sur les murs sont affichés les programmes que les associations ont concoctés pour ce mois sacré mais dont aucune activité n’a débuté pour le moment. Ainsi va le Ramadhan dans la ville de Seddouk où il fait bon vivre. Gare à l’excès de dépenses ! Il y a bien un adage qui dit «Après la fête, on creuse la tête».
L Beddar