A l’initiative du comité autonome du département de langues et culture amazighes (DLCA) de l’université de Bouira, une conférence débat a été organisée, hier, autour du parcours et du combat du militant Kamel Amzal, assassiné le 2 novembre 1982 à la cité universitaire de Ben Aknoun par des activistes islamistes. Pour l’occasion, et il faut dire que c’est la première initiative du genre à être organisée par des étudiants à Bouira, c’est un ami d’enfance du défunt, en l’occurrence le journaliste et confrère Amar Nait Messaoud, qui a été invité pour apporter son témoignage sur l’homme que fut Kamel Amzal. Ainsi, après une minute du silence à la mémoire du défunt et un bref aperçu sur son parcours, la parole a été cédée au conférencier. Ce dernier a passé en revue, dans le détail, les années passées, du primaire jusqu’au secondaire, en passant par le collège, avec Kamel qu’il appelait affectueusement Madjid. Amar Naït Messaoud a décrit un élève studieux et amoureux des lettres. Ce qui a, selon lui, présidé à son choix des lettres bilingues, au lycée, et des lettres modernes plus tard à l’université. En évoquant quelques souvenirs d’enfance, le conférencier se rappelait de Kamel Amzal portant un béret sur lequel le Z d’imazighen est bien mis en évidence. «Kamel aimait narguer les gendarmes de la brigade de Michelet», témoigne Amar Nait Messaoud. Et d’ajouter : «Nous faisions tout pour nous procurer des exemplaires d’une revue amazighe éditée par l’Académie Berbère». Des faits qui renseignent sur l’intérêt de Kamel Amzal, encore adolescent, pour la cause amazighe. En revenant sur cette cause, le conférencier se remémore la marche des collégiens et lycéens d’Aïn El Hammam à Larbaâ Nath Irathen à laquelle lui et Kamel avaient pris part. Une marche intervenue juste après les évènements du 20 Avril 80 à l’université de Tizi-Ouzou laquelle sera stoppée net à l’entrée de la ville de Larbaâ et réprimée par les forces de l’ordre. Selon le conférencier, c’est à cette époque-là c’est-à-dire au début des années 80, que son chemin et celui Kamel Amzal se sont séparés. «Après le bac, Kamel est parti étudier les lettres étrangères à Alger et moi-même je me suis inscrit à l’université de Mostaganem», a-t-il raconté. Peu de temps après, Amar Naït Messaoud apprenait la nouvelle de l’assassinat de son ami d’enfance. Emu à l’évocation de ce drame, dont la nouvelle tomba comme un couperet dira-t-il, le conférencier confia qu’il avait appris ce malheur dans le journal El Moudjahid. Il racontera : «Le quotidien titrait ce jour-là : un étudiant mort lors d’échauffourées à la cité U. Or, Kamel Amzal avait été lâchement assassiné par une bande d’islamistes, dont des extras, armés de couteaux et de barres de fer». A l’ouverture du débat qui fut riche en questions, des étudiants se sont interrogés sur le combat de Kamel Amzal à l’université son parcours de syndicaliste, ses aspirations démocratiques, mais aussi sur les luttes entre démocrates et islamistes au sein de l’université. Certains intervenants ont questionné le conférencier sur l’influence qu’exerçait Malek Benabi dans les milieux étudiants. D’autres étudiants présents à la conférence ont aussi évoqué le contexte de l’époque et celui d’aujourd’hui s’agissant du droit à l’organisation en comité autonome. Autant de questions auxquelles le conférencier a pris le temps de répondre. Revenant sur la lutte acharnée qui existait entre islamistes et démocrates, Amar Naït Messaoud est remonté très loin dans l’Histoire du pays, 40 ans avant l’assassinat de Kamel Amzal, pour rappeler un épisode douloureux, celui de la liquidation du militant nationaliste Ouali Benai. Ce dernier, dira-t-il, militait déjà à l’époque au sein du MTLD pour une Algérie algérienne et il menait une lutte acharnée avec Messali et son cercle. Pour lui, l’islamisme avait déjà commencé avec l’association des Oulémas pour se prolonger dans les années 70 avec la pensée de Benabi. A propos de ce dernier, le conférencier a reconnu que cet intellectuel a été le premier à introduire les salles de prière «moussala» au sein des résidences universitaires. Sur un autre chapitre, Amar Naït Messaoud a soutenu que les contextes ont bien changé entre hier et aujourd’hui et a admis les difficultés que rencontrent les étudiants pour s’organiser dans un cadre autonome. D’ailleurs, il s’est montré compréhensif et même admiratif quant à la lutte que les étudiants, notamment ceux de Bouira, mènent pour se constituer en comité autonome, en encourageant ces derniers à aller de l’avant. La conférence fut intéressante à plus d’un titre et d’aucuns espèrent que des espaces de débat, tel celui initié par la jeune militante Nesma Tigrine et son cercle d’amis, se pérennisent.
D.M