Tahanouts aurait pu être propulsé au-devant de la scène nationale et devenir le village le plus populaire de l’Histoire contemporaine, plus précisément celle de la guerre de libération (1954-1962), si ce n’étaient ces circonstances préjudiciables qui ont contraint les organisateurs du pré congrès à quitter les lieux.
Cette rencontre qui a enfanté le congrès de la Soummam s’est tenu dans ce village, les 29,30 et 31 juillet 1955, en présence de ces vaillants révolutionnaires de la région III : Krim Belkacem, Amar Ouamrane, Moh Lhadj Amar, Oudaï Mohamed et Si Ouakli, entre autres.
Ce village ‘’oublié’’ de 1 200 âmes était, jadis, le berceau des familles qui ont peuplé l’actuel territoire d’Ath Ouaguenoun. Avant de sombrer dans sa léthargie, la localité avait un statut de commune pendant la période coloniale, même si elle fut déclarée, peu après, zone interdite. Entourée des villages d’Ighil Bouchène, Aït Khelfat, Imkecherène et Bousoir, cette bourgade qui se situe à 15 kms de la ville de Tizi-Ouzou est rattachée, actuellement, à la commune d’Aït Aïssa Mimoun, l’aâch n’Ath Ouaguenoun.
Origine du nom Tahanouts et Aït Aïssa Mimoun
Au début, le nom Tahanouts désignait l’atelier du forgeron en kabyle, même si avec le temps, il finit par désigner un magasin d’alimentation générale. Le sens original du mot Tahanouts est lié donc au local où s’était installé le forgeron du village. Et d’après notre source, Med Kasdi, un habitant de la localité ce forgeron venait de Tarihant, dans la région de Boudjima. Voici son histoire. «Dans le village de Tarihant, un homme qui s’appelait Abouzeggane avait six (6) enfants, dont un aux cheveux blonds. Ces bambins jouaient souvent avec les autres enfants du village à un jeu consistant en une pelote qu’on frappait avec des bâtons. Mais à chaque fois que le gamin aux cheveux blonds touchait la balle, un des adversaires le dénigrait en le traitant de ‘’Izem n talaxt’’ (Lion en poterie). Acculés et humiliés, ses frères lui demandèrent de se venger et de rétablir l’honneur de la famille. Le lendemain, ce qui devait arriver arriva : juste après l’injure du méchant, le garçonnet blond lui asséna un coup de son bâton sur le crâne, le tuant. Paniquée, la famille Abouzeggane fuit la région vers le saint Sidi Boubebkeur en sollicitant sa protection. A la rencontre du Cheikh, ce dernier lui demanda de laisser son troupeau brouter à sa guise jusqu’à satiété et de s’installer définitivement à l’endroit où les bêtes se seraient posées. Le fugitif suit les conseils de son protecteur à la lettre, et s’installa à la place choisie par son troupeau. Avec le temps, il y érigea son atelier. Et vers la fin du 19 siècle, c’est l’administration française qui donnera le nom Tahanouts au village actuel. Quant au nom Aït Aïssa Mimoun, et parmi les hypothèses avancées, nous vous rapportons la plus plausible : on dit qu’un certain Sidi Slimane avait trois filles (Stita, Makouda et Mimouna) et chacune d’elle hérita d’une région qui prendra, par la suite, son nom. C’est ainsi qu’on trouve : Makouda, Stita et Aït Aïssa Mimoun.
Le pré congrès de 1955 à Tahanouts
D’après le témoignage de plusieurs personnes de la région, un pré congrès s’est tenu, les 29, 30 et 31 juillet 1955 à la périphérie du village de Tahanouts en présence de Krim et de Ouamrane. «J’ai été au lieu du rendez-vous, mais je n’étais pas autorisé à y prendre part. Ils étaient dans une vieille habitation à la sortie du village. Actuellement, le lieu est en ruine et personne ne se soucie malheureusement de la portée historique des lieux», nous dira ce vieux maquisard. Il nous racontera encore que suite à une dénonciation, la réunion fut interrompue et les congressistes contraints à quitter les lieux en hâte. Des documents concernant ce pré congrès sont actuellement chez un citoyen du village qui refuse d’en divulguer le contenu des textes.
Les habitants de Tahanouts ne portaient et ne portent toujours pas les Turcs dans leurs cœurs. D’après un récit, les Turcs demandaient à une famille de leur préparer un couscous au poulet. En venant le récupérer, ils constatèrent qu’une cuisse manquait à un poulet. Voulant savoir le pourquoi de la chose, une femme leur expliqua : «Nous avons donné la cuisse à notre enfant». Un des Turcs, en représailles, déboita la cuisse du bébé ce qui mit le père dans une rage folle et le poussa à tuer le soldat turc. Par la suite, ces sanguinaires décimèrent toute la famille. Un peu plus tard, les villageois décidèrent d’organiser un dîner en guise de réconciliation et invitèrent les Turcs. Le jour du dîner, les villageois apportèrent chacun une arme blanche ou à feu, dissimulée sous leurs vêtements. A peine le repas commencé les villageois armés s’en prirent à leurs invités et les décimèrent.
La riposte des Turcs ne se fit pas attendre à partir de Bordj Menaïel. Mais les villageois, ayant anticipé les représailles, ont quitté leur village, ne pouvant faire face à une véritable armée.
Une mosquée à l’ancienne
«Chez nous, les fidèles connaissent les horaires de prières. Nous n’avons pas besoin de haut-parleurs pour appeler les gens à la prière», nous dira Ramdane Z. La mosquée du village est restée telle qu’elle était au siècle dernier avec seulement quelques petites retouches de réfection. Autrement dit, le décor est le même, à l’ancienne. Pas de clim, pas d’esthétiques. Pas même de sonorisation. Un patrimoine authentique à préserver, selon nos interlocuteurs. «Des salafistes ont tenté à une certaine époque, d’en construire une autre, mais tout le village leur a opposé un refus catégorique», nous dira un autre citoyen. Le territoire d’Ath Ouaguenoun est en effet réputé pour être le fief de la démocratie et de la laïcité. Les valeurs héritées des aïeux sont transmises d’une génération à l’autre. Et ce n’est sûrement pas par hasard qu’on surnomme la région ‘’Le territoire libéré’’.
Quelques personnalités de la région.
Rahim : chanteur populaire, décédé en 2010 à l’âge de 50 ans.
Karim Khelfaoui : un chanteur connu pour sa superbe chanson ‘’Ay irrij’’.
Kasdi Ali, Zaatri Med et Zaif Salah : des poètes.
La troupe Mizrana : une des premières de Kabylie.
H. Moula