Mustapha Bacha, l’homme entier

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Par S. Ait Hamouda

Mustapha Bacha habite encore nos mémoires et il ne les quitterait jamais tant il fut de la trempe de ceux qui ne vont pas s’en aller sans laisser de traces. Il était de la trempe des hommes qui marquent leurs semblables d’une empreinte indélébile. C’est précisément aujourd’hui que Tassaft, son village natal, évoque son souvenir. Tassaft sa petite patrie, ce petit bout de schiste bleu, de chênes verts et de tombes immémoriales, le voit galoper à cheval, il fut un bon cavalier, gambader dans ses venelles, tandis qu’il grandissait en culture et en connaissances. C’est dans ce village de la commune d’Iboudraren qu’il fit ses premières armes, qu’il affuta son langage, qu’il l’acéra au contact des vieux sages du cru et des livres. De Karl Marx, d’Engels, de Lénine, de Trotski de Rosa Luxembourg et d’autres auteurs de la gauche révolutionnaire. Existe-t-il une gauche autre que révolutionnaire ? Bien sûr que Mustapha ne l’imaginait pas autrement. Il ne disait pas Tamazight point, son amazighité ne va pas sans épithètes puisés dans le vocabulaire de poudre, de sueur et de poing brandi au soleil. Il ne savait pas édulcorer ses propos, il disait à l’époque où l’on cherchait à diluer la démocratie dans l’islamisme «modéré» que «l’islamisme politique, modéré n’existait pas. Qu’un islamiste tolérant est un islamiste qui n’a pas les moyens de sa politique.» Il appelait les choses par leurs prénoms pour ainsi dire. Et il avançait très tôt, largement avant les autres que «si les divergences idéologiques nous ont jusqu’à présent éloignés les uns des autres, il est nécessaire que Tamazigt nous réunisse aujourd’hui». Après les événements d’octobre 88, dès le 9 novembre, il est parmi les quatre appelants à la tenue des assises du MCB. Elles eurent lieu les 9 et 10 février1989 à l’issue desquelles, le RCD était proclamé par Mustapha qui en devient le secrétaire national à l’organisation et à la formation en même temps. Il était un des animateurs les plus efficaces du MPR (mouvement pour la république). Il était volontaire, aguerri et frondeur, il ne reculait devant rien. Il était d’un franc parler. Il était entier, comme Talletat au milieu de la dorsale du Djurdjura. Il a succombé à la fleur de l’âge, dans une Algérie en feu, victime d’un AVC le 8 août 1994.

S.A.H

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