Là-haut, où on respire du Cherif Kheddam…

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Le village Boumessaoud, dans la commune d'Imsouhal sise à 70 kms au Sud-est du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou, composé d’une dizaine de familles, est perché sur une crête dépassant les 900 mètres d’altitude et fait face au mont d’Azrou n’Thor.

Les maisons longeant les deux bords de l’allée principale du village sont bien alignées et bien rangées. Serrées les unes contre les autres en file indienne sur les hauteurs d’une colline en forme de dos de mulet, ces maisons dominent ainsi la totalité des villages de la commune d’Imsouhal, dont la vue s’ouvre sur la vallée de la commune d’Illoula Oumalou et une partie des plaines de Souamaâ et d’Azazga, mais également sur les monts et les vallons des localités d’Iferhounène et d’Illiltène.

Un emplacement d’où l’on peut admirer les sites paradisiaques des sommets d’Azrou n’Thor, le col de Chellata et au plus loin à l’horizon la montagne de l’Akfadou, qui offre aux visiteurs un paysage splendide, notamment en hiver où arbres et sol s’habillent de leur robe blanche. Pour les autres saisons de l’année, notamment en été les touristes et visiteurs rallient ces lieux pour fuir la chaleur suffocante de l’été la pollution et le bruit de la ville afin de respirer quelques bouffées d’air frais et pur ou pique-niquer en famille à l’ombre des arbres, tels sont les caprices que nous offrent dame nature au milieu de ces sites enchanteurs où la faune et la flore cohabitent ensemble dans une harmonie parfaite. Boumessaoud a postulé pour remporter le concours du village le plus propre de la wilaya, un concours initié par feu Rabah Aissat afin d’encourager les citoyens à préserver et à protéger la nature pour mieux vivre sainement dans leur milieu environnemental.

La localité a accueilli, la semaine dernière, la commission de l’APW de Tizi-Ouzou, dans le cadre d’évaluation de cette compétition dans laquelle concourent pour cette édition 73 villages de la wilaya. La délégation était composée des membres du jury mais aussi de différents cadres des services de la wilaya, notamment celui de l’hygiène, de la santé des forêts mais également des membres des comités de villages ayant déjà obtenu ce prix. Au demeurant, à 600 mètres à l’entrée du village de Boumessaoud, le visiteur est attiré par des panneaux implantés tout au long des abords du chemin communal CCN°07, appelant à la sensibilisation et au civisme des citoyens à protéger la nature et l’environnement ainsi qu’à la protection de la faune et de la flore, dont certains espèces sont aujourd’hui en voie de disparition, comme le rouge gorge et les moineaux, à cause de la pollution et des décharges sauvages qui fleurissent dans de nombreux coins de la région, notamment sur les routes où des individus inciviques ouvrent des bars à l’air libre.

Pour la circonstance, la délégation a tété accueillie par les membres du comité du village dans une ambiance conviviale. Au fait, la commission a entamé sa visite par le portail de l’entrée principale du village, où elle a été accueillie par un tableau électronique lumineux posé sur des piliers cimentés en style de bois, où défilent des enseignes indiquant par alternance la date et l’heure, en souhaitant à priori la bienvenue aux visiteurs dans le village du maestro de la chanson algérienne en général et kabyle en particulier, en l’occurrence Cherif Kheddam.

Face au mont d’Azrou n’Thor

Cependant et après cet accueil chaleureux, la commission a sillonné tout le village en visitant de nombreux sites, à commencer par l’aire de jeux et de repos construite par les jeunes du village avec des chutes de bois sciées à la main, qui «sera entourée d’un flambeau géant d’environ 7 mètres, dont les travaux sont en voie d’achèvement», ajoutera le chef du village. Poursuivant sa visite, la délégation a été attirée par un joli décor dessiné sur le mur d’une maison, dont un paysan labourant la terre et un autre sur le départ. Par ailleurs, un hommage a été rendu à la femme kabyle en général et celle de Boumessaoud en particulier par une fresque la représentant avec une cruche d’eau sur la tête.

En face, nous découvrirons une bibliothèque et un abribus, dont les murs placardés de photos et une cartographie 3D mentionnant les principaux sites et placettes du village, à savoir la maison de Cherif Kheddam, la plateforme du séchage des figues étalées sur des claies (idhenyen), l’huilerie traditionnelle (lemainsra)… Tandis que l’ancienne plateforme de fabrication de tuiles dans les années 1800, que les habitants avaient transformé en décharge sauvage à l’indépendance, a été aménagée en un musée à ciel ouvert, clôturé d’une haie en bois sur laquelle se dressent deux bustes, dont l’un représente un artiste jouant à la guitare et l’autre une femme ordinaire, en face se trouve une main soulevant le signe amazigh, symbolisant sans doute les luttes héroïques de ce peuple qui n’ont d’ailleurs pas été sans sacrifices.

Cependant, ce musée d’une architecture typique abrite une fontaine à l’intérieur d’une caverne rocheuse où l’eau jaillit en cascade de la bouche, du nez et des yeux de deux têtes humaines pour atteindre des bassins où nageaient des poissons de différentes espèces, mais il y a aussi des crabes pêchées dans la rivière «assif remane» et du plafond de la grotte pendent des stalactites en fonte goutte à goutte. Cependant, le visiteur qui y met les pieds pour la première fois restera ébahi et émerveillé devant le monument des martyrs de novembre 1954 qui s’élance tête haute vers le ciel.

Par ailleurs, la descente vers le village continue sur cette jolie avenue bitumée, où s’alignent des lampadaires multicolores pour éclairer les longues sombres d’hiver et dont les rives enjolivée par de la pierre taillée sur les côtés donnant ainsi du caractère aux deux cimetières, dont celui de Dda Cherif Kheddam devenu aujourd’hui lieu de pèlerinage pour de nombreux artistes et autres citoyens anonymes.

D’ailleurs, on apercevra de loin sur la façade d’une maisonnette le portrait géant de cette icône de la musique universelle, enfant prodige du village, debout au milieu d’une prairie traversée par une rivière, scrutant l’horizon au loin face à Azrou n’Thor se demandant «où est passée toute cette jeunesse flamboyante de la Kabylie ?», se demandait-il dans sa chanson «Anda lan yergazen anagh, dachu bwadhu ith en yebin». La réponse fut toute trouvée : «Ils se sont tous exilés vers l’étranger à la recherche du pain».

À quelque pas du centre du village, l’ancienne Tajmaât transformée en Tala couronne avec sa décoration en galets, robinets et bassins pour le breuvage des bêtes. Rien n’est laissé au hasard au village pour accueillir leurs hôtes venus pour s’imprégner des voies et moyens utilisés par ce village pour arriver à se distinguer comme le village le plus propre de Kabylie et peut-être de toute l’Algérie. Dans ce village, la propreté est visible partout et à tout moment. Des poubelles sont installées à chaque coin de rue.

Un voyage dans le traditionnel

Des ruelles aménagées en espace vert tout au long des allées agrémentées dans certains endroits d’un dessin artistique d’objets kabyles. À quelques mètres, la maison de Cherif Kheddam transformée en un musée d’arts où sont exposés différents objets traditionnels, dont un vieux moulin manuel à moudre le grain, des cruches et des couffins, ainsi que diverses poteries en argile, un métier à tisser occupant à lui seul toute la façade intérieur de la maison. En revanche, en revenant quelques pas en arrière, des motifs de fantaisie kabyle, comme les boucles d’oreilles et colliers en argent, décorent les façades des murs.

Mais également d’autres objets et outils utilisés dans la vie quotidienne de nos ancêtres, à savoir une huilerie traditionnelle et autres objets d’arts, comme la flûte en roseau, le bendir, une troupe d’idhebalen décore ces surfaces. Par ailleurs, le centre du village, d’une beauté féerique qui a subjugué plus d’un, compte une grande mosquée, une maison de jeunes baptisée au nom de Cherif Kheddam, une salle de réunion, une scène de fête et un aquarium prend le devant de la scène avec de jolis poissons dedans.

Une plateforme de tri sélectif des déchets, où des bacs de tris pour le verre, le plastique, l’acier et les déchets ménagers occupent le coin de la placette. En effet, les villageois de Boumessaoud ont le droit de rêver pour remporter ce prix tant désiré car s’ils sont arrivés là c’est grâce aux sacrifices de leurs jeunes qui organisaient quotidiennement des volontariats même durant le mois de Ramadhan passé et ce, de 21 heures à 2 heures du matin, mais également grâce aux dons des villageois dont la solidarité est une vertu hautement cultivée à Boumessaoud depuis la nuit des temps.

En outre, Boumessaoud est un village organisé qui a un registre du règlement intérieur voté à l’unanimité en assemblée générale et quiconque transgresse ce règlement sera passible d’une amende suivant le degré de l’infraction fixée par le règlement ultérieurement approuvé. «Toutes ces opérations sont réalisées avec les propres moyens des villageois, sans recevoir aucune aide de la mairie, à l’exception de deux bidons de peinture de 10 kg chacun, offerts par l’APC d’Imsouhal», notifiera Amara Hamdi, vice-président du comité du village.

Après la pause déjeuner, les membres de la commission ont profité de l’occasion pour prendre des photos souvenirs à côté de la tombe de Chérif Khedam, géant de la chanson Kabyle qui a sorti ce petit bourg de l’anonymat, mais les jeunes de Boumessaoud voudraient également prendre exemple sur ce monument «Dda Cherif» pour émerger encore plus avec leur savoir-faire.

D’autre part, le comité du village a renouvelé son invitation à la commission afin de revenir visiter le village, pendant la nuit, pour voir les décors tricolores, notamment le vert, blanc et rouge auquel on a rajouté la couleur indigo des couleurs berbères scintillant sur le minaret de la mosquée, symbole de l’unité nationale dans toute sa diversité mais également sillonner toutes les ruelles du village pour visiter les édifices, notamment le jet d’eau de la fontaine rocheuse.

Madjid Aberdache

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