Ismail Djelid est un algérien établi en Suisse depuis plusieurs années. Il est entraîneur professionnel chez les Helvétiques au sein du club BSC Young Boys Berne. Dans cet entretien, il parle de la formation en football.
La Dépêche de Kabylie: Racontez-nous votre parcours professionnel pour une meilleure présentation à nos lecteurs ?
Ismail Djelid: Je suis un entraîneur professionnel exerçant en Suisse et détenteur de la licence «UEFA A» avec 17 ans d’expérience. En plus de mes diplômes d’entraîneur, je suis en possession d’une licence en économie et d’un master en technologies de l’information. Je parle 4 langues : le français, l’anglais, l’allemand et, bien évidemment, l’arabe. Mon expérience d’entraîneur dans le football d’élite, au BSC Young Boys Berne Super League Suisse, me permet de cerner les exigences du football de haut niveau. Parallèlement à mes études universitaires, je jouais en 1ère Ligue suisse et j’étais semi-professionnel. En 1999, suite à une blessure au genou et une opération aux ligaments croisés, j’étais contraint de mettre un terme à ma carrière de joueur et d’entamer une nouvelle expérience d’entraîneur. Par la suite, j’ai suivi des formations au niveau de l’Association suisse de football (ASF).
Qu’entend-on parformation en football ?
C’est développer le potentiel de chaque joueur et l’accompagner dans son développement. C’est aussi d’encadrer les jeunes joueurs et leur fournir les meilleures conditions pour un apprentissage optimal.
Quelles sont les méthodes de travail utilisées dans la formation des jeunes joueurs ?
Dans la formation, le jeune joueur doit toucher le ballon au minimum 1000 fois par entraînement. La méthode de travail que j’utilise est la méthode GAG. La méthode GAG signifie GLOBAL – ANALYTIQUE – GLOBAL. En d’autre terme, Exercer – Jouer- Exercer. Pour ne pas rentrer dans les détails, cette méthode est avant tout une méthodologie et une certaine philosophie de conduire l’entraînement. Cette méthode que j’utilise depuis plusieurs années m’a toujours permis d’atteindre mes objectifs.
Quelles sont les qualités à développer chez le jeunejoueur ?
Ce qu’il faut développer chez les jeunes footballeurs algériens ce sont les fondamentales techniques, les qualités de coordination et les qualités cognitives. J’entends par les qualités de coordination : les qualités d’orientation, réaction, différenciation, rythme et équilibre. Les qualités cognitives c’est la perception des situations de jeu, la prise d’information, l’anticipation et la prise de décision. Pour faire face aux exigences du football de demain, il est nécessaire de former le joueur au jeu collectif. Cela signifie former le joueur aux différentes situations liées au jeu, le rendre conscient de ce qu’il fait et ce qui va faire. Donc, développer son intelligence de jeu. Mon expérience d’entraîneur m’a fait comprendre que former le joueur au jeu collectif et développer son intelligence de jeu passe par le jeu et une bonne méthodologie.
Les centres de formation sont-ils indispensables pour assurer une bonne formation aux jeunes joueurs ?
Nous ne possédons pas un centre de formation comme à l’Olympique Lyonnais ou au Bayern Munich, où les joueurs peuvent y résider. Chez nous, on a un autre concept : on fait de la formation comme dans les grands clubs en Europe. Au lieu d’avoir un centre, on organise pour les joueurs talentueux, des familles d’accueil qui acceptent d’héberger les jeunes et on organise leur scolarité pas loin des lieux d’entraînement. Nos joueurs sont suivis de près à tous les niveaux. Pour assurer la progression des joueurs, il faut d’abord mettre l’accent sur la qualité de l’entraînement, la méthodologie, le bon coaching ciblé. Pour le volume horaire, il faut se baser sur 3-4 séances hebdomadaires de 1:30 par entraînement. Pour la saison, ça nous fait un volume horaire d’environ 233-235h. Par exemple, à l’école de la Masia du FC Barcelone, on ne s’entraine pas plus de 4 séances par semaine.
Quels sont les manques constatés chez nos joueurs locaux ?
Le plus grand manque qui me saute aux yeux c’est l’intelligence collective. Les joueurs formés en Algérie manquent cruellement de culture tactique. Dans la préformation, il faut mettre plus l’accent sur l’aspect technique et dans la formation, il faut mettre l’accent sur l’aspect technique et tactique.
Quel est le profilidéal d’un formateur ?
Le profil idéal d’un formateur est celui qui met le joueur au centre de sa réflexion. C’est-à-dire, comment faire pour faire progresser le jeune et développer ses qualités.
Suite aux échecs des équipes nationales algériennes des jeunes, la FAF a décidé de relancer l’académie de la FAF et confier les barres techniques des sélections des jeunes à des formateurs étrangers. Qu’en pensez-vous ?
Le projet de l’académie de la FAF est un excellent projet et un pas en direction de la formation des talents. Pour son bon développement, il serait idéal et optimal de faire appel aux compétences algériennes formées en Europe. Concernant le recrutement des formateurs étrangers, non, faire appel à ces derniers, ce n’est pas une meilleure décision. Personnellement, je ne partage pas cette idée de mettre à la tête des équipes nationales des jeunes des entraîneurs étrangers. L’Algérie possède des entraîneurs passionnés qui méritent plus de considération et plus d’encadrement. Quand je parle de formation, je songe aussi à celle des entraîneurs, qui ont besoin de se former et de se perfectionner régulièrement, tous les ans ou tous les deux ans, pour être à jour avec les nouvelles méthodes d’entraînement et, surtout, pour mieux encadrer les jeunes joueurs.
Vous étiez pressenti pour prendre en main plusieurs clubs algériens, pourquoi ça n’a abouti avec aucun d’eux ?
Il est vrai que j’ai eu des contacts avec des clubs de Ligue 1 sans donner du concret. Je ne sais pas pourquoi ça n’a pas abouti. Peut-être, les dirigeants des clubs préfèrent des entraîneurs qui ont déjà entrainé en Algérie.
Et au niveau de la fédération,ne vous a-t-on jamais proposé un projet ?
Enfin oui et non. À un moment, j’étais en contact très avancé avec l’ancien directeur technique national, Saïd Haddouche, pour travailler au sein de la DTN. Mon projet avec l’ex-DTN était très intéressant et ambitieux à la fois. J’ai failli venir travailler avec lui comme cadre fédéral et entraîneur des équipes nationales, dommage qu’il soit parti prématurément.
Interview réalisée par Louni Rachid