Ce que Kheloui voulait nous dire…

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Enregistrés juste avant son décès comme s’il s’agissait d’un testament ou d’une confession sur les récits de sa vie, deux nouveaux opus du regretté Lounes Kheloui sont actuellement sur les étals.

Deux albums posthumes qu’il lègue en guise d’adieu à ses fans, en particulier, et à la chanson kabyle en général. La chanson kabyle qui vient de perdre, encore une fois, une icône du chaâbi pure et digne de ces précurseurs du siècle dernier. Cet adieu amer, il l’exprime clairement dans les textes de ses chansons en ayant un pressentiment d’un pressant rendez-vous avec la mort. Autrement dit, il savait qu’il était condamné. Pour lui, c’est une question de jours. Terrassé par une maladie incurable, le regretté n’avait qu’un seul espoir à lequel il tenait vraiment de son vivant, à savoir un dernier concert à la maison de la culture de Tizi-Ouzou pour promouvoir ces deux derniers albums. Dans un entretien qu’il a accordé au journal La Dépêche de Kabylie au moment de son hospitalisation au Sanatorium de Tizi-Ouzou, le feu Kheloui qui trainait une maladie depuis 2009, avait exprimé ce souhait à vive voix au journaliste qu’il l’a interviewé : sortir son nouvel album déjà prêt et un gala d’adieu à Tizi-Ouzou. Un souhait qu’il n’a pas pu exaucer, même si un pan de cet objectif est atteint aujourd’hui avec la sortie de ses deux albums à titre posthume. L’autre pan qu’il a tant souhaité, en l’occurrence un concert à la maison de la culture de Tizi-Ouzou, s’est transformé en un dernier regard de sa dépouille le jour de son décès dans cette même institution, où on lui a fait des adieux au lieu de l’écouter chanter. Ironie du sort, Kheloui organise ce gala et il leur chante, même à titre posthume, pour ne pas les frustrer et les décevoir. Il fait ses adieux, à sa manière, à tout ce beau monde qui l’adulait et le respectait pour son art et sa personnalité. Dans une chanson d’adieu ‘‘Qqim di lehna a ddunit’’ (Au revoir la vie), le regretté fait ses adieux à ses amis et à toutes les choses qu’il adorait en évoquant son inévitable séparation d’elles. D’une rigueur qu’on lui connaissait auparavant, dans l’arrangement de ces œuvres et avec une voix toujours égale à lui-même, le Chikh interprète d’une manière magistrale ses chansons même si on ressent, de temps en temps, un petit souci de souffle dans son vocal. À travers ces deux albums, le feu Kheloui retrace son parcours atypique depuis son enfance jusqu’à sa récente hospitalisation : avec des poèmes teintés du lexique religieux (peut-être une spécificité du style chaâbi), le défunt nous livre ses déboires de l’émigration, sa séparation douloureuse avec sa bien aimée qu’il n’arrivait pas à oublier, la nostalgie de son enfance et sa jeunesse, la question identitaire et l’injustice dans le quotidien des citoyens… Mais les thèmes les plus pertinents et récurrents restent, quand même, sa santé, son hospitalisation et sa solitude. Avec des émotions difficilement voilées, il a utilisé un discours descriptif et approfondi pour nous faire ressentir au plus haut degré sa douleur, ses étranges illusions qui l’envahissaient même éveillé et évidemment cette maladie qu’il combattait depuis plusieurs années. Les albums renferment sept chansons chacun. Le premier est composé de : Lefraq, Teswira, Bghigh, Aggur, Xelfegh-d, Tuffgha, Qqim. Quant au deuxième, on y trouve : Lwahma, Aɛyigh, Tejra, Lawliya, Wali, Ssaɛd-iw, A Ccix.

Hocine Moula

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