La pédagogie et l’histoire

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Quelle date correspondrait le mieux à la jonction entre la pédagogie et l’histoire ? Quoi de mieux que le huit mars pour organiser une sortie éducative et récréative au profit des meilleurs élèves du CEM de Souamaâ ? Peut-être que pour Mme Belkessam Ghalia, cela est l’occasion d’apporter sa pierre à l’édifice éducatif, compte tenu de son amour pour son métier et pour les enfants dont elle dit, en toute simplicité : “Je ne vois pas ce que je ne ferai pas pour les enfants ! Je ferai tout mon possible pour que leur scolarité se déroule dans les meilleures conditions. J’ai déjà obtenu un jumelage, des séminaires, des prises en charge avec d’autres établissements et des formations pour certains, mais je suis pas pour autant satisfaite tant que je n’aurai pas tout tenté… et tout obtenu ! Tant pis pour la peine ! Pourvu que je puisse faire quelque chose !”Et le lieu hautement symbolique est fort indiqué pour tous ces heureux qui, accompagnés du personnel enseignant et d’encadrement, la directrice en tête, ont pris dans le grand bus mis à leur disposition par les services communaux, le chemin du village voisin Belghozli. Un village sis à peu de distance du chef-lieu communal (Souamaâ), mais qui demeure encore à découvrir. Un village qui s’est inscrit en lettres de sang dans l’histoire de la Révolution algérienne mais dont il faudrait penser, un jour, à en écrire toute l’histoire, la vraie, celle que l’oreille entend mais que l’œil ne trouve nulle part. Un village que tout le monde connaît et que tout un chacun se surprend à découvrir.Après avoir traversé le village de Aït Zellal, et être passé à côté du mausolée de cheikh Amokrane (Que sa bénédiction soit sur nous !), Belghozli, sis sur une crête s’offre aux regards tel qu’il est et qu’il le demeurera dans tous les esprits : Un village martyr qui attend encore que la stèle inaugurée en grandes pompes soit d’un accès plus facile ou carrossable du moins.C’est là qu’un certain 28 septembre 1958, le colonialisme a commis un de ses crimes les plus impardonnables, un crime abject, inscriten lettres indélébiles dans les mémoires. C’est dans cette pauvre chaumière que huit femmes de condition modeste, certaines d’âge mûr, d’autres encore dans la fraîcheur de la jeunesse ont été torturées — pour avoir refusé de crier “Algérie française” et s’être déclarées : “Nous sommes Algériennes, Algériennes nous resterons ! Allah Akbar !”. Puis, devant leur résistance farouche, elles ont été brûlées vives, après avoir été arrosées de benzine. Victimes innocentes d’une barbarie inqualifiable et injuste ! Mort atroce dont le souvenir demeure encore vivace dans les mémoires des villageois en général et des membres de la famille en particulier. L’on a bien réalisé une petite stèle à leur mémoire à la Nouvelle-ville de Tizi Ouzou — stèle citée par le descendant d’une des victimes qui souhaiterait qu’on s’en occupe un peu mieux —, l’on a bien pensé à en réaliser une autre sur les lieux même du drame, dans cet endroit escarpé si difficile d’accès, mais le devoir de mémoire imposerait que l’on trouve une trace écrite de ce sacrifice dans les annales de la Révolution.Le président du Comité de village accueille les visiteurs avec la légendaire hospitalité propre à tous les villages kabyles. Les gâteaux et la limonade ne manquent pas. Le sourire est sur toutes les lèvres en dépit de la tristesse qui brille dans tous les regards. Deux enfants chargés de préparer un texte à la mémoire des disparues n’ont pas trouvé le ton adéquat, leur gorge étant nouée par l’émotion. Seule une vieille femme au regard farouche et déterminé, compagne des malheureuses victimes, camarade de lutte et rescapée du massacre, saura trouver les mots pour condamner ce crime et clamer haut la fierté du village d’avoir enfanté des héroïnes et d’avoir hautement participé à la victoire nationale.Sur le retour, une petite escale a permis de visiter le mausolée — dont la directrice franchissait le seuil pour la première fois —Le retour a décanté un petit peu l’ambiance. Et bien sûr, la pédagogie a repris ses droits sachant qu’il a été demandé aux collégiens de rédiger le résumé de la visite.

Sofiane M.

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