»Des plages d’échouage comme alternative »

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La Dépêche de Kabylie : Serait-il possible tout d’abord de nous établir un état des lieux du secteur de la pêche dans la wilaya de Tizi-ouzou ?Saïd Ouamar : On a 85 km de côte étalées sur cinq municipalités maritimes, Mizrana, Iflissen, Tigzirt, Azeffoun, et Aït Chafaa. Le secteur a deux vocations à savoir la pêche maritime, et la pêche continentale au niveau des barrages et des retenues collinaires. Aussi, il faut rappeler que ce n’est qu’en décembre 1999 que le ministère de la Pêche a été crée, et en tant que direction de wilaya, nous ne sommes opérationnels que depuis l’année 2000. C’est pour vous dire que nous sommes encore un secteur jeune et vierge.

Mais le secteur a, sans doute, hérité des potentialités dont il a toujours disposé ?Selon la dernière étude réalisée en 2003 par une commission algéro-espagnole. Les potentialités pour la wilaya de Tizi-ouzou ont été évaluées à 26 000 tonnes, soit 12 000 tonnes de poisson bleu, et 14 000 de blanc. Ce qui est pêchable dans cette masse c’est le tiers. En ce qui concerne les infrastructures, on a le port d’Azeffoun qui est pratiquement réceptionné après presque vingt ans. Aujourd’hui on peut dire qu’il est fonctionnel notamment la partie pêche.

Vous parlez juste d’une partie pêche fonctionnelle. Doit-on comprendre que le port dans son entier reste encore à finaliser ?Le port d’Azeffoun se veut mixte avec deux quais, un de pêche, et l’autre commercial. En ce qui concerne notre secteur à savoir la partie pêche, disons qu’elle est fonctionnelle. Elle est d’une capacité de 5 chalutiers, 15 sardiniers, et 30 petits métiers.

Dans la pratique ces potentialités répondent-elles à la demande de l’activité, et des exploitants ? Avec ce que nous avons comme nouvelles données dans le plan de relance, on peut même dire que l’enceinte est dépassée avant même sa réception officielle. Il faut avouer que pendant ces vingt ans, la demande n’est pas restée statique, surtout au niveau des petits métiers. A ce niveau le port est déjà saturé. Mais il y’a une étude en cours, menée par le LEM qui consiste à faire le point sur ce qui existe déjà, et par la suite envisager des projections. Je pense qu’il faut rester optimiste que le port sera appelé à connaître une nouvelle évolution, comme il pourrait y avoir la construction d’un nouveau port, c’est ce que nous souhaitons avec cette étude sur 25 ans qui est menée par le ministère de l’Environnement. Dans l’urgence, on a proposé de retenir des projets de trois plages d’échouages. Une à Mizrana pour désengorger le futur port de Tigzirt qui peut paraître lui aussi d’ores et déjà saturé en petits métiers. Les deux autres sont inscrites pour la réalisation au niveau de Tamda Ouguemoun et Aït Chafâa. Elles seront d’une capacité de 40 petites barques chacune. Notre but, c’est de créer des îlots de développement au niveau de toutes les municipalités maritimes pour équilibrer un peu et fixer sur place la population locale.Quelles sont les prévisions en ce qui concerne le port de Tigzirt ?Disons que les travaux ont atteint un stade avancé qu’on peut estimer à pratiquement 80%, et sa réception est projetée pour juin 2006. Sa capacité sera de 2 chalutiers, 5 sardiniers, et 24 petits métiers. Et vu la demande importante actuelle en petits métiers, le port est déjà saturé.

C’est tout de même une situation paradoxale que vit le secteur. Des ports sont déjà annoncés saturés avant même leur réception…On garde de grands espoirs sur ce nouveau programme qui s’étalera sur 25 ans et qui prendra en principe en charge d’autres réalisations à savoir la construction d’autres jetées, et là il sera question éventuellement d’agrandir le port d’Azeffoun et peut-être aussi celui de Tigzirt. Il y’a aussi peut-être l’éventualité de la construction d’un autre port. On l’a proposé du côté de Sidi Khelifa mais ça reste au stade de la proposition qui pourrait se concrétiser dans le cadre de la zone d’expansion touristique envisagée au niveau de cette localité. L’étude est finalisée et comprend la projection d’un petit port de pêche et de plaisance. Maintenant pour expliquer un peu les raisons de ces saturations prévisibles des deux ports de Tigzirt et Azeffoun en petits métiers, c’est avec le récent plan de relance du ministère de la Pêche qui est venu renflouer l’activité, et lui donner un élan. Avant ce plan, il y’a eu aussi une opération d’aide aux pêcheurs démunis de 3 Milliards de centimes à raison de 30 Millions par pêcheur.

Et quel est le nombre des bénéficiaires ?Ils sont une centaine : 50 à Tigzirt, et 50 à Azeffoun. Dans cette opération, notre souci a été double : D’abord stabiliser toute cette population locale de petits pêcheurs, et ensuite développer le secteur de la pêche par l’apport des grandes embarcations avec une grande autonomie de sortie en mer et c’est à ce niveau qu’un grain de sable s’est glissé, et nous a valu quelques réserves sur la politique de développement. Mais encore une fois notre premier souci est de stabiliser la population locale qui devrait exercer près du port, entre 0 et 6 Miles.

Combien comptez-vous d’embarcations importantes en mer actuellement ?Il y’en a quelques-unes qui ont été acquises grâce au premier plan de relance en 2002. Il consistait en un financement triangulaire dont un apport personnel de 10%, l’apport du ministère sur concours définitif de 40%, et le crédit bancaire de la BADR qui est de 50%. Il y’a eu 29 bénéficiaires dont 11 petits métiers, 3 chalutiers, et 3 sardiniers. Nous avons également soutenu une poissonnerie avec un camion frigorifique.Dix autres projets sont en voie de réalisation dont 4 chalutiers qui vont rentrer incessamment, trois de Turquie, et l’autre de la Corée du sud. Ce qu’il faut savoir c’est que l’opération d’attribution n’est pas limitative aux gens de la profession car ces derniers n’ont pas souvent les moyens d’assumer de grands investissements

Le grain de sable que vous évoquiez tout à l’heure n’a-t-il pas son origine dans l’attribution de ces chalutiers ?Tout à fait. Mais ce que peut-être les gens ignorent c’est que jusque là on n’a pas eu de prétendants aptes de la wilaya à ce niveau. Aussi le développement il faut le voir au sens large car lorsque vous avez un bateau vous pouvez procéder à l’exploitation au niveau national.

N’est-il pas quelque part injuste vis-à-vis des pêcheurs locaux, que des étrangers à la région bénéficient d’embarcations à la direction de wilaya de Tizi-ouzou avec en plus la liberté d’aller faire de l’exploitation dans une autre zone ?Mais ce n’est pas propre à Tizi-ouzou. Je vous cite l’exemple de la wilaya de Boumerdes qui a attribué des chalutiers qui pêchent chez nous.La pêche est une activité qui n’a pas de frontières hermétiques. Mais le vrai problème qui s’est posé en fait avec les petits pêcheurs régionaux n’est pas là.C’est qu’au départ, eux ils n’avaient pas trop cru au plan de relance, donc ils ont tous quasiment opté par écrit pour avoir les 30 Millions car ils ne pouvaient pas souscrire aux deux aides en même temps.

Et pour ceux qui ont opté pour le plan de relance ?Ils ne sont pas nombreux. Ce qui est à signaler c’est que pour l’étude de ces dossiers il y’a une commission au niveau central à laquelle les demandes parviennent après leur transites par différentes directions qui donnent le feu vert. A titre d’exemple nous avons eu des dossiers rejetés par ce qu’en ce qui concerne les chalutiers côtiers c’est saturé.On ne pouvait pas se permettre d’introduire un nombre de bateaux supérieur à nos potentialités en matière de ressources. Maintenant il y’a un autre plande relance qui démarrera incessamment et les dossiers des gens de la wilaya seront étudiés en priorité.

Entretien réalisé parDjaffar Chilab.

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