«La fonction du maire n’est plus protocolaire»

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Lancé au mois de mars dernier par le ministre de l’Intérieur et des collectivités locales, M. Nourddine Bedoui, le premier cycle de formation des élus locaux se poursuivra jusqu’au 8 mai prochain.

Inscrite dans le cadre de la réforme publique et de modernisation des collectivités locales, cette formation d’une durée de huit semaines touchera un ensemble d’aspects de gestion des communes et des collectivités locales. Dans la wilaya de Bouira, la formation au profit des élus locaux se déroule dans de bonnes conditions. Elle est assurée par de hauts cadres formateurs au profit de l’ensemble des maires des 45 communes. M. Nacer Zougari, chef de service de l’animation locale, des marchés et des programmes, auprès de la Direction de l’administration locale (DAL) de la wilaya de Bouira, est le chargé du suivi de cette formation au niveau de la wilaya. Il revient dans cet entretien sur les thématiques retenues pour cette formation, sur les conditions de son déroulement au niveau de la wilaya de Bouira et parle surtout de son importance pour la concrétisation des différents plans de modernisation et la mise en œuvre des processus de la démocratie participative, de la décentralisation et de la déconcentration au sein de nos collectivités.

La Dépêche de Kabylie : Le ministre de l’Intérieur accorde une grande importance à cette formation. Dans quel contexte intervient-elle?

Nacer Zougari : Cette formation s’inscrit dans le cadre du programme de développement et d’information du ministère de l’Intérieur et des collectivités locales. Avec chaque début de mandat d’élus locaux, le ministère de l’Intérieur organise ce genre de formation au profit des élus, particulièrement les maires qui entament leur première expérience de gestion. Ça serait une occasion pour eux de découvrir l’environnement général des municipalités. Le deuxième objectif de la formation est de mettre la vision de gestion des mairies en harmonie avec les nouvelles règles de gestion. Aujourd’hui et d’une manière générale, la formation au niveau des communes a été portée à l’échelle des premières priorités au ministère de l’Intérieur, car il s’agit avant tout d’un programme pour l’amélioration du service public. Cette nouvelle dynamique a été boostée par un plan d’action et de formation continue, ce qui contribue efficacement à la fondation d’une administration locale moderne et numérique.

Comment s’est déroulée la première partie de cette formation dans la wilaya de Bouira ?

À l’instar des autres wilayas du pays, la formation a été entamée dans de très bonnes conditions au niveau de la wilaya de Bouira. Elle a été marquée par un lancement symbolique, à l’occasion d’une visioconférence de Monsieur le ministre de l’Intérieur et des collectivités locales, qui a rappelé les objectifs de la formation. Cette dernière englobe huit modules, qui ont été sélectionnés et élaborés en fonction des besoins de l’administration locale et aussi en adaptation à nos programmes pour l’amélioration du service public, en plus des connaissances et du savoir-faire des élus dans l’exercice de leurs missions. Il faut préciser que cette formation permettra aux élus de s’approprier de nouvelles approches de gestion, surtout que les modules de la formation toucheront les volets de fonctionnement de la commune, de la fiscalité et des finances locales, des marchés publics, de l’organisation administrative de la commune, du développement local, de la gestion des ressources humaines, de l’état civile et, enfin, du contentieux et la gestion des risques. Dans la wilaya de Bouira, nous avons entamé actuellement le troisième chapitre de formation qui est une thématique approfondie sur la gestion de l’état civil et la circulation des personnes. La présentation des modules se déroule avec des méthodes et des outils pédagogiques très élaborés et développés, avec l’objectif de garantir le succès de la formation. La touche des formateurs qualifiés joue, également, un rôle très important pour cet objectif. Les formateurs, de par leurs expériences dans la gestion des collectivités locales, permettent aux élus de suivre convenablement cette formation et de recevoir le maximum d’information, concernant les modules de la formation.

Vous avez parlé d’un nouveau modèle de gestion dans les collectivités locales. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Comme vous le savez, la gestion des collectivités locales, les mairies notamment, a sensiblement évolué ces dernières années. Il s’agit d’une véritable révolution, notamment dans l’évolution et le développement des textes réglementaires et des lois. Notre objectif à travers cette formation est de mettre en cohésion et en harmonie les élus locaux avec les nouveaux textes de lois et la nouvelle réglementaire. Actuellement et grâce à ce processus de développement, la fonction de président d’APC n’est plus une simple tâche protocolaire. Actuellement, le maire dispose d’une fonction de gestion par excellence, au même titre que d’autres fonctions dans l’administration locale. Nous visons à transformer nos mairies, en des carrefours de développement local et régional. La mise en place de nouveaux textes portant sur le code de la fiscalité locale et la démocratie participative, vont garantir la concrétisation de la décentralisation, vecteur de la bonne gouvernance locale.

Lors de son intervention à l’occasion de l’ouverture de cette session de formation, le ministre de l’Intérieur a annoncé de nouvelles prérogatives qui seront attribuées aux élus locaux avec l’adoption de la nouvelle loi des collectivités locales. Comment ça devrait se faire ?

La question des prérogatives accordées aux élus locaux a toujours été mal-interprétée. Je trouve que même dans l’esprit de l’actuelle loi (11/10), les maires disposent de toutes les prérogatives pour gérer convenablement leurs collectivités. Malheureusement, il existe beaucoup de fausses lectures et d’ambiguïtés. Cette question a toujours été une question primordiale pour les pouvoirs publics, chose qui a était abordée dans les débats pour la confection de la nouvelle loi des collectivités territoriales. Dans le projet de loi, les élus locaux auront beaucoup plus de marge de manœuvre pour gérer leurs espaces et leurs localités, en harmonie avec les objectifs de développement du pays. D’ailleurs, l’actuelle formation repose sur des aspects avec des liens directs avec l’esprit de la future loi, notamment sur les volets de la décentralisation, la réforme et le développement de la fiscalité locale, la modernisation du service public… Nous avons aussi un point très important qu’on doit mettre en exergue pour faire réussir cette réforme, qui est le principe de la démocratie participative. Il s’agit d’une pièce maîtresse dans cette formation. Nous essayons de faire comprendre aux élus que le citoyen doit être associé, d’une manière directe et efficace, dans la gestion des affaires qui le concerne.

Quels sont les créneaux réglementaires adoptés pour mettre en œuvre l’esprit de la démocratie participative au sein de nos collectivités ?

Il s’agit d’un chantier très important pour les pouvoirs publics. Le texte initial a été enrichi par l’ensemble des acteurs des collectivités locales, notamment les élus et les cadres spécialisés. Le texte de loi permettra aux citoyens d’avoir un espace réglementaire pour participer activement à la promotion du développement durable et locale, mais aussi à la gestion de leur collectivité. La démocratie participative vise aussi un objectif stratégique qui est d’asseoir des créneaux de formation au profit des élus et aussi des citoyens, plus particulièrement les jeunes. Ces derniers et en s’impliquant aujourd’hui, même d’une manière indirecte, dans la gestion des communes, pourront former un capital pédagogique et pratique pour la gestion des communes, en l’espace de quelques années. Nous formerons, ainsi, les futurs maires et élus grâce au principe de la démocratie participative. C’est juste pour ces raisons que le ministre de l’Intérieur ne cesse de rappeler l’importance de grand projet et insiste pour sa mise en œuvre très rapidement. La démocratie participative accompagnera la démocratie représentative et sera un gag de transparence et de performance. Par exemple, au niveau de la wilaya de Bouira, beaucoup de projets sont bloqués ou freinés par des oppositions des citoyens. Ce genre de problème sera réglé par les citoyens eux-mêmes, grâce aux créneaux de la démocratie participative qui présentera des issues réglementaires à ce genre de problème, notamment avec l’implication directe des citoyens. La mutation de la démocratie représentative (actuelle) vers la démocratie participative prendra peut-être un peu de temps et sera probablement confrontée à certains difficultés, d’ordre social notamment, mais une fois appliquée, elle portera ses fruits particulièrement à l’échelle de nos municipalités.

Et qu’en est-il des volets de décentralisation et de la nouvelle fiscalité communale ?

Justement ce sont deux aspects qui doivent être abordés conjointement comme une équation de mathématique, car il n’y pourra pas avoir une décentralisation sans une autonomie financière. L’objectif de la future loi sur la fiscalité locale (qui s’inscrit dans le cadre des réformes des finances publiques) est justement d’inciter les communes à chercher elles-mêmes des ressources et des solutions pour les plans de développement et pour le financement de leurs programmes et projets. D’ailleurs, et si une commune peut atteindre le stade d’autofinancement, nous pourrions parler d’une décentralisation efficace et effective.

La formation des élus se poursuivra jusqu’au 8 mai prochain. Quelles sont les impressions des élus de la wilaya de Bouira ?

D’abord je tiens à rendre un vibrant hommage à tous les maires de notre wilaya. En toute objectivité, nous avons des maires qui détiennent un capital d’expérience, car la plupart d’entre eux ont fait plus de deux mandats. Cette expérience joue quand-même un rôle prépondérant dans l’exercice de leurs fonctions et missions. Je dirais que l’impact de ces premières séances de formation est très positive sur le plan collectif et individuel, car les maires enrichissent les débats, notamment par leurs propositions, leurs interrogations et parfois aussi par leurs lectures. Je trouve que la wilaya de Bouira a la chance d’avoir des maires gestionnaires, grâce notamment à plusieurs formations, dont certaines ont été initiées même par la wilaya. Donc, nous avions pu redresser la cadence et mettre au courant les maires de tous les aspects de gestion, soit d’ordre financier, ou pour les marchés publics et de la gestion d’une manière générale. Nous avons aussi des maires très jeunes que nous ciblons d’une manière plus accentuée avec cette formation. Il faut préciser que malgré leurs très jeunes âges, ces maires disposent d’une vision construite sur la gestion de la collectivité et aussi d’une grande volonté, c’est le plus important, donc il suffit juste de les mettre au courant de la législation et des contours de la gestion de la municipalité pour leur faciliter la prise de décision dans l’ensemble des domaines et face à l’ensemble des situations.

C’est votre conclusion ?

Pour finir je dirais que la formation des élus est un levier très important pour le développement local. Aujourd’hui, la fonction du P/APC n’est plus une fonction protocolaire, c’est une fonction de gestion par excellence. Actuellement, nos maires doivent être informés et doivent maîtriser toutes les lois, des finances, des marchés publics et même d’autres lois, comme l’agriculture, les ressources en eau, l’urbanisme… C’est pour ces raisons que nous avons lié la démocratie participative à l’élément de formation, car préparer l’élu de demain est avant tout une vision stratégique de gestion avant qu’elle ne soit une vision politique. C’est pour cela que les pouvoirs publics se sont axés sur cette formation. Il faut rappeler, aussi, que le programme de formation arrêté par le ministère de l’Intérieur ne s’arrêtera pas à ce premier cycle, d’autres formations avec d’autres thématiques seront organisées très prochainement. Même la wilaya de Bouira compte organiser d’autres sessions similaires en faveur de nos élus et même des fonctionnaires des communes, dans le but de généraliser la culture de bonne gestion et de maîtrise au niveau des collectivités locales.

Entretien réalisé par Oussama Khitouche

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