Deux journalistes menacés de prison

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Deux journalistes américains, du New York Times et de Time magazine, risquent la prison pour avoir refusé de révéler leurs sources dans une enquête touchant la Maison Blanche, a confirmé une cour d’appel fédérale mardi.La cour a estimé que les deux journalistes, Judith Miller et Matthew Cooper, commettaient un outrage au tribunal en refusant de coopérer avec la justice. ’’Il n’existe pas de privilège découlant du premier amendement (de la Constitution, garantissant la liberté de la presse) qui protège les éléments recherchés’’ dans l’enquête, dit le jugement. Ils risquent chacun jusqu’à 18 mois de prison. Leurs avocats ont indiqué qu’ils feraient appel jusqu’à la Cour Suprême si nécessaire. Les deux journalistes se sont dit prêts à aller en prison pour défendre la liberté de la presse. ’’Nous ne réclamons pas un privilège extraordinaire’’, a dit M. Cooper sur CNN, ’’seulement l’équivalent de la clause de confidentialité qui est accordée aux psychiatres et au clergé parce que sans ça, on ne peut pas travailler’’. La cour d’appel fédérale de Washington s’est appuyée sur une décision de la Cour Suprême de 1972, selon laquelle la protection de la presse garantie par la Constitution ne s’applique pas aux journalistes dont le témoignage pourrait s’avérer essentiel pour des cas criminels. L’enquête, dans laquelle ces deux journalistes sont appelés à révéler leurs sources, cherche à déterminer si un responsable de la Maison Blanche a divulgué à la presse l’appartenance à la CIA de Valerie Plame, épouse d’un ancien ambassadeur, Joseph Wilson. Révéler l’identité d’un membre de la CIA est un acte criminel aux Etats-Unis. Selon Wilson, cette fuite avait pour but de le punir pour avoir publiquement mis en doute, en juillet 2003 dans le New York Times, les arguments du président George W. Bush affirmant que Saddam Hussein avait cherché à obtenir de l’uranium au Niger. Judith Miller, Matthew Cooper et d’autres journalistes avaient été convoqués par un procureur, Patrick Fitzgerald, après l’aveu d’un chroniqueur qu’il tenait l’information sur Mme Plame de ’’deux hauts responsables du gouvernement’’. Mme Miller n’a jamais rien écrit sur cette affaire, mais elle avait mené des entretiens dans cet objectif, alors que M. Cooper a publié un article dans Time. Le propriétaire du New York Times, Arthur Sulzberger, a réagi mardi en affirmant que le quotidien était ’’profondément consterné’’ par la décision de la cour d’appel. ’’Si Judy est envoyée en prison pour n’avoir pas révélé ses sources confidentielles pour un article jamais publié, ce serait un dangereux précédent qui limiterait sérieusement la liberté de la presse’’, a-t-il déclaré dans un communiqué. Le rédacteur en chef de Time, Norman Pearlstine a affirmé de son côté que le droit de protéger ses sources était ’’fondamental’’ pour le journalisme. ’’Aux Etats-Unis, aucun journaliste ne devrait aller en prison pour avoir simplement fait son travail’’, a-t-il ajouté. L’organisation Reporters sans frontières a estimé que la décision compromettait le droit à l’information des Américains. ’’C’est le rôle de contre-pouvoir de la presse qui est ici en cause. La justice américaine doit comprendre que, sans secret des sources garanti aux journalistes devant les tribunaux, aucune personne disposant d’informations sensibles n’osera plus les leur remettre’’, a argumenté RSF.

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