Anarchie et arnaque

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Peut-on véritablement parler aujourd’hui d’industrie électronique et électroménager dans notre pays en dehors des entreprises publiques que sont l’ENIEM, l’ENIE concurrencées par plusieurs firmes étrangères ? En effet, l’effervescence de marques de tous les coins du monde, a en quelque sorte généré une anarchie en Algérie que les pouvoirs publics ont du mal, voire incapables du moins pour l’heure à maîtriser. La course effrénée au label s’est opérée d’une manière aléatoire. Bon nombre d’opérateurs qui font dans l’import et la distribution des articles d’une marque donnée s’autoproclament distributeurs exclusifs de celle-ci allant jusqu’à offrir des garanties et proposer des services après-vente (Sav) qui n’existent en réalité que sur le catalogue qu’ils délivrent aux acheteurs. Bien souvent, les clients qui ont voulu s’adresser aux Sav de ces représentants pour réclamer des défaillances ont eu la désagréable surprise de se retrouver avec des adresses fictives, et les exemples sont multiples à ce sujet. Leurs “cam” qu’on trouve dans les “marchés” sont même écoulées lors des diverses foires nationales, au vu et au su de tout le monde. Le client qui est généralement appâté par les prix affichés pour des produits d’une marque aussi renommée, ne peut vérifier l’authenticité des services offerts après la transaction, c’est-à-dire après la vente. Pour le responsable d’Upac électronique que nous avons rencontré la semaine dernière à Bordj Bou Arréridj, (ville de l’électronique ?) “il suffit juste de vérifier sur le catalogue officiel du constructeur si celui-ci compte une représentation en Algérie ou non”. Et c’est à ce moment-là qu’on découvre le pot aux roses. On se rend compte que les représentations des grandes marques sont assez réduites. Le plus gros passe par de la vraie arnaque. Les plus évidentes représentations, nous confie ce cadre, sont Thomson, Samsung, LG et Philips sur lesquelles sont venus se greffer Sony et Grunding. Ce responsable, bien averti de la chose, estime encore que “si cette pratique persiste, c’est toute la crédibilité des véritables opérateurs (il cite Eniem et Enie) qui s’en trouvera affectée”, d’autant plus, notre interlocuteur n’arrive pas à s’expliquer les facilités accordées aux faux investisseurs, alors que les vrais trouvent toutes les peines du monde à se maintenir.Le boom des climatiseursLe montage de climatiseurs en Algérie connaît actuellement un intérêt semblable à celui des chaînes Hi-fi, récepteurs, frigos, machines à laver, téléviseurs et cuisinières. Trois gros opérateurs accaparent pour l’heure le marché, sans parler de l’entreprise Eniem de Oued Aïssi qui reste une grande rivale importante et surtout très présente de façon plus quantitative et qualitative. Il s’agit de LG et Upac électronique et Haïer. Cette dernière qui appartient en partie au groupe tunisien GMH, alors que l’autre partie est financée par un fonds d’investissement britannique dédié au Maghreb, s’est frayé un chemin assez conséquent en cinq ans d’existence seulement. Un investissement mixte de plus de 140 millions de dinars ayant permis la construction d’une usine à Baba Ali près d’Alger qui s’est agrandie avec l’introduction du montage des téléviseurs. Le point noir des fabricants demeure bien sûr le problème de la distribution qui reste un des casse-têtes chinois de ses responsables qui tablent toutefois sur la rapidité et la qualité de son service après-vente. Pour les autres constructeurs, c’est la même chose.Le marché du climatiseur qui reste plus ou moins ouvert, ne risque en revanche pas de prendre les mêmes proportions que celui de l’électronique tant que sa classification parmi les articles de luxe et son inaccessibilité marchande (la cherté) réduisent sa consommation à une frange particulière de la population.

Les titres CKD et SKD : entre avantage et profitEn plus de contraintes bancaires perpétuées par un système caduc et d’une législation tatillonne et des tracasseries administratives, d’autres facteurs continuent à freiner cet élan, comme nous le confirme la plupart des opérateurs avec lesquels nous avons eu l’occasion de discuter. Il s’agit de la concurrence déloyale. Celle-ci se traduit par des avantages fiscaux accordés à des opérateurs qui sont loin de répondre aux conditions d’accès aux titres ci-dessus, ceux qui font carrément de l’assemblage dans sa plus simple expression et qui bénéficient des mêmes avantages accordés aux véritables industriels dont le niveau d’investissement, de production et de formation des personnels est plus consistant.En 2001 les pouvoirs publics, pour rappel, avaient accordé le titre CKD (completly by Knock Down) à l’ensemble des investisseurs désireux d’investir dans le domaine de l’électronique, de l’électroménager et des produits blancs.Ce titre permet de voir les taxes douanières rabaissées jusqu’à 5%. La tentation était trop grande pour les opportunistes de tout bord soucieux du gain facile à court terme, mais qui pouvaient nuire à une profession aux relents fragiles. Des inspections des services concernés du ministère de l’Industrie en 2005, ont permis de faire le tri, et ceux qui ne répondaient pas aux critères étaient classés SKD (Semi-Knock Down) avec une taxe plus élevée qui serait de 37%. Les pouvoirs publics n’étaient pas restés là, puisque on parle ces derniers temps d’autres assainissements dans la branche qui seront plus rigoureux et minutieux. Le ministère envisage, selon nos sources, l’intégration de certains éléments qui doivent être réalisés sur place ou sous-traités par un opérateur national, mais c’était compter sur le bras long des faux investisseurs qui ont, à chaque fois réussi à échapper et franchir les mailles des services de contrôle et dont une bonne partie continue à alimenter, encore aujourd’hui, marchés parallèles et informels. Mais ce qui fait craindre le pire c’est la réduction progressive des taxes à l’importation qui se verront alignées dans peu de temps à celle du SKD au regard de l’accord d’association entré en vigueur depuis septembre 2005.

S. K. S.

Bordj Bou Arréridj, capitale de l’électronique ?

n Les plus grosses firmes se trouvent en fait éparpillées à travers le territoire national. Haïer au Centre, Bya Electronic à l’Ouest, LG à l’Est, Auvisat à Béjaïa. Mais la plus importante concentration reste au centre-est du pays, et plus précisément à Bordj Bou Arréridj. Le chef-lieu de la wilaya est devenu par la force des choses la ville de l’électronique par excellence, même si la réputation est loin de faire l’unanimité parmi l’ensemble des opérateurs du pays, qui voient dans cette effervescence anarchique la source d’alimentation des marchés informels de Tadjnant, Hamiz et El Eulma, objet d’une concurrence qualifiée de “déloyale”.

S. K. S.

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