Revoir Bougie et repartir l’âme en paix

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Le déclic tant attendu s’était opéré l’année dernière avec un premier contingent venus presque en éclaireurs et le bouche à oreille fonctionnant aussi bien là-bas qu’ici, les barrières sont tombées et le mur de Berlin psychologique s’est effrité comme un château de cartes. Et depuis, souvent par petits groupes, en couples, ils reviennent, maudissant les clichés entretenus par certains irréductibles, ceux qui hier mettaient en avant le slogan de “la valise ou le couteau”. Le cordon ombilical avec le pays natal est désormais rétabli et rien ne s’oppose à leur venue. Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer l’accueil excessivement chaleureux qui leur a été réservé à l’aéroport avec le pot de bienvenue, la présence des hauts dignitaires de la ville à leur tête le P/APC et d’une délégation de vieux Bougiotes.Cette visite pour ces septuagénaires, tant souhaitée et rêvée tombe à point nommé parce que pour beaucoup d’entre eux, au crépuscules de leurs vies, ce sera peut être l’unique, la der des der ! Voir Bougie et mourir comme l’a répété deux fois plutôt qu’un vénérable patriarche qui a retrouvé, comme par miracle ses jambes de vingt ans pour visiter les quartiers hauts perches de la haute ville.La réception dans leurs maisons natives et leur quartier d’origine fut tout simplement émouvante. Les larmes ont coulé à flots. Des larmes de bonheur ! Il n’est pas vrai de dire que le temps efface tout. Rien n’est plus faux ! Si certains souvenirs, pas forcément agréables se sont enfouis au fond de la mémoire qui restitue le passé de manière sélective, c’est parce que leur seule évocation risque de jeter un froid et de mettre en péril la joie des retrouvailles. Et je vous assure que ce n’est guère une joie feinte, de façade, pour la caméra ! Ces gens-là, des deux côtés, ignorent les fioritures et convenances pour laisser libre cours à leurs émotions brutes, non édulcorées ! “Les petites marques d’attention, l’accueil très chaud et amical à souhait ne sont rien devant l’émotion vécue lors de la contemplation de la maison qui fut un jour la nôtre, au détour d’une rue, de la cour de récréation et ses arbres centenaires de l’école ou j’ai usé mes fonds de culottes; d’un visage reconnue non sans avoir livré une bataille titanesque contre les défaillances de la mémoire qui part par pans entiers. L’émotion est certes fugace, mais les souvenirs engrangés, rien ne pourra me les arracher. Pas même la mort”, confessera Jean Claude.Après le sempiternel tour de la ville, les soirées musicales fort bien réussies, la visite aux sites touristiques, incontournable, place au recueillement et au souvenir auprès des tombes de parents dans les cimetières chrétien et juif.Si pour certains autochtones, cette visite de natifs de la ville est un non évènement, une tranche de l’histoire qui ressurgit au plus mauvais moment, les stigmates du “rôle positif de la colonisation” étant toujours présentes, pour d’autres, une majorité, c’est le prolongement de la réconciliation. Le séjour des ex-Bougiotes continue et l’on annonce même le renfort de 10 d’entre eux, attendus à partir d’aujourd’hui, seule ombre à ce tableau idyllique, la qualité de l’hébergement à Capritours. Une trentaine d’invités a en effet catégoriquement refusé le type d’hébergement qui leur a été proposé. Il s’agit soit d’appartements sales, soit d’autres que les anciens occupants, propriétaires sûrement, viennent à peine de quitter puisqu’une partie de leur garde robe s’y trouve encore. Les organisateurs, l’équipe de France-Maghreb avec à sa tête le sémillant Pierre Henri Papelards et la partie algérienne se sont démenés comme de beaux diables pour les diriger vers un hôtel convenable de la ville, à une heure très avancée de la nuit.Capritour a failli, égratignant au passage la traditionnelle et légendaire hospitalité Kabyle. La pilule est d’autant plus dure à avaler qu’il s’agit de personnes du 3e âge, fatiguées de surcroît par un voyage harassant. Le concept développé par Capritour, échappe à notre logique toute simpliste. Pour nous, ou un appartement est libre, ou il ne l’est pas ! Concernant ce cas précis, aucun argument ne peut être recevable. La pratique commerciale certes a ses raisons que la qualité des prestations et l’accueil d’invités ne connaissent pas…Mais l’essentiel n’est-il pas ailleurs ? Assurément. Car le bonheur insoutenable pour certains, affichés par tous vaut à lui seul son pesant d’or.

Mustapha Ramdani

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