Les vérités amères de Bouteflika

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Le discours prononcé jeudi dernier par le président de la République devant les cadres de l’Etat a remis au goût du jour des questions que les observateurs de la scène politique nationale, mais surtout les citoyens se posent avec acuité, notamment sur des sujets restés tabous dans les sphères de l’Etat, à l’image de la corruption et la destination des fonds publics une fois débloqués par les autorités centrales.Le chef de l’Etat n’a fait, en vérité, qu’exprimer une réalité déjà pesante que personne ne peut, en réalité, occulter tellement la situation est devenue un véritable secret de polichinelle. Mais le Président est-il obligé d’acclamer ces vérités publiquement ? La situation est-elle devenue non maîtrisable où point de prendre l’opinion publique à témoin ? Ce sont des questions qui resteront certainement sans réponse convaincante, même si le langage utilisé par Abdelaziz Bouteflika est plus que clair à ce sujet. A commencer par les procédures utilisées dans l’octroi des marchés publics, qu’un décret présidentiel promulgué en 2001 avait pourtant régulé. Ce texte publié dans le Journal officiel stipule, entre autres, que l’attribution des marchés publics doit se faire par voie d’avis d’appels d’offres publics. « Il n’y a plus de gré à gré », a déclaré le chef de l’Etat sur un ton coléreux, avant de préciser que ni lui ni le gouvernement ne « peuvent prendre une telle décision ». Cela sans omettre de rappeler des évidences comme celle qui consiste à dire que « la loi est sacrée », ou encore « le respect des lois de la République » est une autre révolution après celle de novembre ». Nul besoin d’affirmer que c’est là un aveu qui signifie que la loi n’est pas respectée ou pas assez. Chose que tout le monde décrie, mais que personne n’ose dire, surtout quand il s’agit d’un haut responsable de l’Etat.Le même ton était utilisé par Abdelaziz Bouteflika lorsqu’il a abordé l’épineux problème de corruption. Toucher à cette partie c’est là que le bât blesse, semble être l’opinion du président de la République dans ce domaine. « La corruption existe dans les sphères de l’Etat et en dehors de celles-ci », a-t-il dit dans ce sens avant de citer, en exemple, des chantiers condamnés à l’arrêt à cause de ces pratiques. »Nous n’avons pas le droit de tricher sur son pays ou son peuple. C’est inacceptable. Nous devons changer de mentalité », a encore fulminé M. Bouteflika. Pis, ce dernier expliquera plus loin que les seules recettes qui existent actuellement dans les caisses de l’Etat viennent des hydrocarbures. Pourquoi ? « Parce que les gens corrompent tout simplement l’agent chargé de la collecte des impôts », a-t-il répondu sans ambages, avant de préciser que ce ne sont là que « des vérités que le peuple algérien doit connaître. »L’autre réalité « amère » que le chef de l’Etat a déballée est celle, tout aussi évidente, de ne plus perdre de vue que l’économie nationale s’appuie essentiellement sur le secteur des hydrocarbures. Tout en reconnaissant que cette situation permet actuellement au pays de faire face à ses besoins, Abdelaziz Bouteflika met en garde et rappelle « que les générations futures pourront subir les conséquences désastreuses d’un tel fait ». Surtout que notre pays a déjà vécu une expérience similaire de par le passé, notamment après la chute vertigineuse des prix du pétrole en 1986, qui a conduit le pays à une situation de cessation de paiemenst avec les résultats de déliquescence que l’Algérie a connu durant une quinzaine d’années. Cependant, y a-t-il des mesures concrètes pour mettre fin à cette situation ? La question reste posée, même si une loi sur la prévention contre la corruption et le blanchiment d’argent est sur le bureau du Président.

Ali Boukhlef

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