Chaussures éculées, jeans fripés, vêtements aux teintes passées, ces articles d’habillement défraîchis “made in” sont proposés à la vente dans la boutique de Nadir, un jeune commerçant converti dans la filière “pour échapper aux affres du chômage”, nous a-t-il dit, comme pour se justifier. Le naufrage de l’industrie nationale du textile et l’ouverture tous azimuts de notre marché nous font entrer de plain-pied dans l’univers de la fripe, le vêtement usagé venu d’ailleurs.
Ces articles jetés au rebut par les sociétés occidentales envahissent nos étals où ils trouvent facilement preneur, le vêtement neuf hors de prix, étant devenu le privilège de la minorité opulente. L’Italie, l’Espagne et la Turquie sont les pays pourvoyeurs de cette marchandise au rabais. Une fois sur notre territoire, la cargaison est répartie par les grossistes aux détaillants. Même si les prix sont sujets à des fluctuations, ils sont bien plus bas que ceux pratiqués en vitrine. Nordine, commerçant de son état, nous révèlera de ces articles qu’il tire des bénéfices substantiels dépassant souvent ses espérances. Interrogé sur le montant de ses plus-values, il nous rétorque, évasif : “Tout le monde trouve son compte”. Yassine, récemment installé dans un autre quartier de la ville d’Aït Ehsayen (ex-Souk El Tenine), n’abonde pas dans le même sens : “Il n’y a pas de quoi tirer le gros lot en vendant des chiffons”. Pour lui, les bénéfices ne sont pas aussi élevés qu’on le dit. Pis encore, ses revenus vont en s’amenuisant, une situation qu’il impute au comportement d’un consommateur de plus en plus exigeant et à la multiplication des boutiques de la fripe. Il y a ensuite la responsabilité de certains grossistes auxquels il reproche de “régenter l’activité au gré de leur humeur” et de faire dans “le favoritisme”, nous dira Fayçal. Au sujet de ses gains, il se contentera de nous répondre : “Je m’en sors pas mal”. Nous avons eu droit à la même réponse de la part d’autres commerçants versés dans ce négoce d’un nouveau genre.
Sid Ali Djenane
