Le succès des Bienveillantes ravive l’intérêt pour l’histoire du nazisme

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l Le succès des Bienveillantes de Jonathan Littell, prix Goncourt 2006 et best-seller de l’année, a relancé l’intérêt des lecteurs pour l’histoire du nazisme et suscité le débat sur les rapports entre littérature et histoire.

Au-delà de la polémique sur les conditions dans lesquelles le livre a été écrit, et qui met en scène un officier SS, rarement un Goncourt – déjà vendu à 350.000 exemplaires – aura provoqué autant d’échanges passionnés.

Avec d’un côté, ceux qui reprochent à l’écrivain américain ses erreurs d’interprétation et approximations historiques. De l’autre, ceux qui considèrent légitime qu’un écrivain s’empare de l’histoire.

Ce livre est « un gigantesque canular », assénait au lendemain de l’attribution du prix l’historien Edouard Husson dans le Figaro. « L’idée juste selon laquelle tout homme peut devenir un bourreau sert en fait, sous la plume de Jonathan Littell, à relativiser les crimes du nazisme », écrivait-il.

D’autres ont ensuite reproché à Littell d’entretenir « une confusion périlleuse entre littérature et histoire ».

Du côté des défenseurs de l’écrivain, « La revue des deux mondes » fait de l' »Après Littell » le thème de son numéro de décembre, « dans un pays comme la France où l’Histoire s’est toujours racontée dans l’espace littéraire ».

« Et si Littell avait marqué là un point décisif ? Non par on ne sait quelle victoire du roman sur l’Histoire, mais au contraire par un processus esthétique d’harmonisation des deux ? », s’interroge son rédacteur en chef, Michel Crépu.

Jonathan Littell a répondu aux critiques dans l’une de ses rares interventions publiques depuis le Goncourt: « Il se peut, ici comme ailleurs, que je me sois planté. C’est un roman ».

Il a répliqué au cinéaste Claude Lanzmann, qui s’inquiétait que l’on ne connaisse plus la Shoah qu’à travers son livre: « Le contraire est évident. Les ventes des oeuvres de Raoul Hilberg et de Claude Lanzmann ont d’ailleurs augmenté depuis la sortie de mon livre », a-t-il déclaré au journal Le Monde.

Gallimard a en effet réédité en septembre « La destruction des juifs d’Europe » (Folio histoire) de l’historien américain Raoul Hilberg, grand inspirateur de Littell et référence dans l’histoire de la Shoah.

L’intérêt des chercheurs pour les mécanismes du nazisme est en fait concomitant à l’écriture des Bienveillantes (Gallimard). Le mythe Hitler (Flammarion) du Britannique Ian Kershaw est paru la même semaine que le livre de Littell.

Mais deux hebdomadaires, Le Nouvel Observateur et Le Point, ont consacré depuis leur une au nazisme et les publications se sont multipliées. Des « SS », de l’Allemand Guido Knopp, aux Presses de la cité, à Même les bourreaux ont une âme, le témoignage de la résistante Maïti Girtanner, chez CLD éditions. Denoël réédite fin novembre Kaputt de l’Italien Curzio Malaparte, qui s’efforce, comme Littell après lui, « de faire une radioscopie de la monstruosité nazie ».

Conclusion sur Les Bienveillantes de la revue L’Histoire, qui orchestre traditionnellement le débat historique en France: « Ce livre est insoutenable mais captivant. Il faut le mettre entre toutes les mains ».

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