“La justice britannique ne siège pas à Ben Aknoun mais à Londres »

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Remarquable et très remarquée a été la plaidoirie de maître Mokrane Aït Larbi pour le compte de Soualmi Hocine et Amar Amarouchen, respectivement, directeur de l’agence bancaire des Abattoirs et directeur des opérations financières à l’Enafor contres lesquels le parquet a retenu une peine de 20 et 3 ans de réclusion criminelle. L’avocat entame son intervention exprimant son regret de voir des avocats de la défense bafouer la presemption d’innocence de certains accuées. « Je ne vais pas dire que Soualmi est innocent alors que l’autre non ni devant le tribunal, ni à la presse, ni face à la TV.” Battant en brèche les preuves apportées par l’avocat de la partie civile de la liquidation, il estime que le tribunal est un tribunal de conviction. Me Aït Larbi s’en prend aux déclarations du garde des Sceaux, Belaiz, lequel avait affirmé avant l’entame du procès Khalifa, que ce dernier allait être extradé dans trois semaines. « La justice britannique ne siège pas à Ben Aknoun mais à Londres ». Lâche-t-il avant de s’étonner de la déclaration du procureur général qui affirmait, durant son réquisitoire, que la justice, avec l’assistance de la presse, allaient lutter contre la corruption : « Est-ce que la mémoire est si courte. Des journalistes ont été poursuivis et condamnées sur la demande d’un wali. Le mieux serait de surveiller les élections législatives, locales et présidentielles », estime-t-il. Selon lui, l’Algérie est bornée seulement à faire signer des conventions de lutte contre la corruption, sans pour autant les concrétiser sur le terrain. « La loi est quotidiennement violée », constate-t-il, en précisant que si la banque Khalifa a été qualifiée par l’arrêt de renvoi d’association de malfaiteurs, il serait injuste de ne pas dire que des ministres et des personnalités de hauts rangs ne se bousculaient pas au portillon de cette banque. Selon lui, les avocats de la défense n’ont pas tracé de lignes rouges durant leurs plaidoiries, puisque ceux-ci s’expriment librement. Il invite le tribunal et le parquet à ne pas s’imposer ces mêmes lignes pour eux-mêmes. Abordant les sommes colossales que Moumen Khalifa avaient dépensé dans de grands hôtels de la capitale, Me Aït Larbi se demande si réellement son client, Soualmi, ou les accusés avaient bénéficié des ces hôtels. « Un collègue (Ksentini) avait affirmé que des personnalités et des ministres avaient été conviés à l’une des fêtes », dit-il avant de s’interroger ironiquement : « Si cette soirée était pour la défense des droits de l’homme ! ». L’avocat fera remarquer que la porte-parole du PT, Louisa Hanoun, avait exprimé des doutes en 1998 au sujet de la banque Khalifa sans que personne ne vérifies ces propos. Il affirme que les autorités et les gouvernements étaient au courant de ce qui ce passait dans ladite banque. Il dit que l’instruction avait révèlé que des hauts responsables et des ministres avaient touché des commissions. Il se demande comment un ministre bénéficie de ces commissions comme un cadeau alors que pour un simple citoyen (Algérie d’en bas), cela est considéré comme une corruption. « Je regrette qu’il y ait des ministres qui ont vendu leurs âmes pour une bagatelle. Et on vient nous dire que Soualmi et les autres accusés sont derrière cette catastrophe. Pour ma part, je ne vois pas de ministre chaque matin au tribunal criminel de Blida. La première fois a été lors du procès des cadres de l’affaire Sider à Annaba où un chef de gouvernement et un ancien général avaient comparu », estime-t-il. Me Aït Larbi pousse le clou un peu plus loin en s’interrogeant sur les raisons ayant amené le procureur à imputer le déficit de l’agence de Koléa à une seule personne. « Personne n’a évoqué l’agence de Kolea », s’etonne-t-il. Toujours fidèle à son sens de la repartie, il tente de démonter les chefs d’inculpation retenus contre ses clients. S’agissant de l’association de malfaiteurs, Me Aït Larbi s’est interrogé s’il est possible de convaincre la justice britannique que des fonctionnaires d’une banque agréee par l’Etat est une association de malfaiteurs. « Depuis quand une association de malfaiteurs avait pour siège des quartiers huppés de la capitale ? », se demande-t-il.

« Justice de la nuit »

D’après lui, il y a une association de malfaiteurs composée, alors de VIP. Il rappelle que les fonds visés étaient ceux des travailleurs et des retraités et des couches sociales

« Pourquoi des directives ont-elles été données à Air Algérie de se désister de 50% de ses actions en faveur de Moumen khalifa ?. Est-ce que Moumen était assez fort ?. Non. », analyse l’ancien sénateur avant d’assener cette sentence donnant froid dans le dos : « On a préparé un nouveau octobre pour mettre le peuple dans la rue. La raison est le conflit entre des parties d’intérêt ». L’avocat soutient que ces groupes d’intérêt protégeaient Moumen Khalifa politiquement alors qu’il assurait la protection économique de leurs intérêts pour susciter une hémorragie financière et humaine. Moumen avait dépassé, dit-il, la ligne rouge en soutenant, sans le nommer, Ali Benflis, la raison pour laquelle cette affaire a explosé. Plus subtile, Me Ait Larbi appelle la présidente et le parquet, les avocats de la défense pour se « brûler » pour faire sortir la justice de l’obscurité vers la lumière du jour. « Vous allez trancher dans une affaire qui dépasse nos épaules et nos tailles », lance-t-il à l’égard de Fatiha Brahimi, sous les applaudissements des familles des accusés et de certains avocats.

La Cour suprême décriée

Plaidant la cause de Belaid Kechad et Nekkache Hammou, respectivement directeur de l’agence de Blida et directeur général adjoint chargé de la comptabilité à la banque Khalifa et contre lesquels le parquet a requis la peine de 20 ans de réclusion assortie d’une amende de 5000 DA avec privation de droits civiques pour 5 ans, maître Abderezak Chaâbane entame sa plaidoirie en souhaitant que cette affaire sera le prélude à une véritable justice. Il n’a pas manqué, également, de caresser la presse dans le sens du poil en critiquant l’attitude de Farouk Ksentini et Djamel Aidouni lors d’une émission consacrée spécialement pour jeter la lumière sur l’affaire Khalifa. Ces deux responsables, connus proches des cercles du pouvoir, avaient critiqué le journaliste qui était sur le plateau de l’ENTV. L’avocat n’a pas épargné l’actuel président de l’Assemblée populaire nationale, Amar Saadani, lequel, selon lui, devait diligenter des commissions d’enquêtes parlementaires. « Je demande l’application stricte de la loi », dit-t-il et d’implorer la présidente du tribunal afin de rectifier les anomalies commises par la Cour suprême et la chambre d’accusation. Me Chaâbane soutient, implicitement, que l’arrêt de renvoi n’a pas respecté la légalité et l’équité des personnes accusées. « Belaid Kechad avait reçu la notification de constitution de dossier le 21 novembre 2006 et j’ai déposé le mémoire de pourvoi de cassation le 20 décembre. Et on vient me dire que cela est irrecevable. Du point de vue juridique, cela est une dénaturation des écritures et une atteinte de droits de la défense. Cela est dangereux », s’emporte-t-il. Selon lui, il y a une précipitation dans le but de se débarrasser de l’affaire. Il en veut pour preuves les déclarations de Hamid Foufa, expert judicaire, lequel avait affirmé que les autorités avaient réussi à mettre la main sur les ordonnateurs et les exécutants de cette affaire. « La précipitation n’a jamais été une bonne conseillère », constate-t-il. Il demande ironiquement de convoquer à la justice tous ceux qui avaient profité de l’argent de la banque khalifa. Il cite les noms de Adel Imam et Cheb Mami, repectivement comédien égyptien et chanteur de rai algérien. « Moumen Khalifa a réussi à avoir un compagnonnage des personnalités du monde artistique », dit-il. Evoquant le témoignage du ministre délégué à la reforme financière, Karim Joudi, et Mourad Medelci, ministre des Finances et Abdelmadjid Tebboune, ancien ministre de l’Habitat, l’avocat indique que si ces ministres avaient bénéficié de la bonne foi, pourquoi alors ne pas faire de même avec les autres accusés. Il rappelle que le président assassiné, Mohamed Boudiaf, était le premier président à avoir dit qu’il existait une maffia politico-financière. « Si Bouteflika avait affirmé que 13 barons monopolisent l’économie nationale, c’est qu’il sait de quoi il parle. Mais je ne vois pas un seul des ces barons ou personnalités parmi les accusés », rappelle-t-il. Me Chaâbane conteste la constitution du liquidateur et la Banque d’Algérie en tant que parties civiles. Tentant de démonter les chefs d’inculpations retenus à l’encontre de ses clients, l’avocat précise que la chambre d’accusation a tout fait pour criminaliser l’affaire. Il dit que d’après les déclarations et les témoignages, il n’y avait pas de preuves attestant de l’intention ni d’entente pour la création d’association de malfaiteur. Au sujet du vol qualifié, l’avocat rappelle que le directeur de l’agence de Blida et le DGA de la caisse principale ne manipulaient pas l’argent. Il soutient, preuves à l’appui, que l’argent des déposants devient, une fois placé, la propriété des banques comme des prêts à consommation. A ce titre, assure-t-il, la sanction à retenir devait être dilapidation de deniers sociaux. Les éléments constitutifs du vol ne sont pas réunis, selon ses propos. S’agissant de l’escroquerie, Me Chaabane note que le démarchage est licite et aucun texte de la loi ne l’interdit. « On ne peut pas les accuser d’escrocs car mes clients n’ont pas pris de l’argent pour eux-mêmes », relève-t-il. Agissant pour le compte de Menad Mostefa et Abdelmadjid Bennaceur, respectivement directeur des opérations financières et directeur général de la CNAS, contre lesquels le procureur général a requis une peine de 5 ans de prison ferme, une amende de 5000 Da et une privation des droits civiques pour 5 ans et un mandat de dépôt à l’audience, maître Nordine Benisaad, souligne que Moumen Khalifa était l’ami de hauts responsables. Il précise que ses clients avaient exigé une résolution de Sidi Saïd pour les dépôts des avoirs de la CNAS. « Celui-ci avait affirme assumer ses responsabilité (…) Sidi Saïd était au courant des placements », lance-t-il avant de préciser que la CNAS était la dernière caisse sociale à avoir fait des placements. Le ministère de tutelle et les commissaires aux comptes de la CNAS n’avaient pas fait de remarque au même titre que l’expertise du juge instructeur qui n’a pas trouvé d’anomalies. Me Benisaad s’interroge comment Moumen Khalifa avait pu ériger un empire dépourvu d’un cadre juridique sans que personne ne soit au courant de cette situation. A l’instar des ses confrères, il conteste les accusations de corruption et d’abus d’influence. « Bennaceur et Menad n’ont aucune responsabilité. Les cartes thalasso n’ont aucune valeur marchande. Ils ne font pas partie de la liste des 39 personnes du centre de tallassotherapie. Mouassi avait dit que mes clients n’avaient pas bénéficié de cartes », estime-t-il. Au sujet du billet d’avion que Menad aurait reçu, l’avocat le met sur le compte d’une convention signée entre Khalifa Airways et la CNAS. Concernant la Mastercard de Bennaceur, Me Benisaad soutient que son mandant a ouvert un compte dans le respect de la procédure. « Il ne l’a jamais utilisé », dit-il. pour ce qui est du mandat de dépôt et le mandat de dépôt à l’audience retenus contres les deux mis en cause, l’avocat dit ne pas comprendre la logique du procureur général au moment où les prisons algériennes sont complètement saturées. A ses yeux, rien ne peut justifier cette sentence. Il réclame, à cet effet, la relaxe de ses clients et la restitution de leurs passeports. Agissant pour Boubedra Hassen, directeur général de la Casnos et contre lequel le parquet a retenu une réclusion de 5 ans, une amende de 5000 Da, une privation des droits civiques pour cinq ans et un mandat de dépôt à l’audience, maître Farah fait remarquer que son client avait agi conformément à la loi. « Le juge d’instruction a agi sur la base de la précipitation. Mon client n’a rien commis d’illicite dans cette affaire si ce n’est d’exécuter des opérations qu’il a estimé bénéfique pour la CASNOS », observe-t-il. ce dernier n’a pas été tendre avec les autorités qui étaient, selon lui, trop laxistes. S’agissant de la carte de gratuité qu’il aurait reçue, l’avocat affirme que celle-ci rentrait dans le cadre d’une convention entre la Casnos et Khalifa Airways. Il n’a pas hésité à dire son sentiment sur cette affaire. « Tous ceux qui sont passés à la barre sont de potentielles victimes », souligne-t-il.

Hocine Lamriben

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