La vie est partagée entre deux lames : celle du couteau de cuisine et celle du bistouri. Kahina Chaou est chef d’unité au service de chirurgie générale de l’hôpital d’Amizour et mère de quatre enfants de bas âge.
Diplômée de la faculté de médecine d’Alger, elle a entamé sa carrière professionnelle il y a six ans dans cet établissement hospitalier de la vallée de la Soummam, établissement où elle a vu naître ses quatre chérubins.
Pour cette dame, la chirurgie est un art qui séduit pour la simple raison que ce métier est connu comme appartenant à l’élite masculine. Elle ne veut pas accepter l’hypothèse qui dit que la pratique chirurgicale est un monde réservé exclusivement aux hommes ; elle va même jusqu’à stigmatiser les difficultés rencontrées par les jeunes femmes-médecins qui souhaitent devenir chirurgiens.
“Dans la vie, il faut d’abord aimer les défis puis se lancer pleinement en mettant la main à la pâte et l’aventure devient possible et agréable”. Kahina a arpenté à grands pas ce métier fascinant et qu’elle trouve en outre très motivant du fait de travailler avec les hommes. “Que chacun des deux sexes apporte sa pierre pour construire ensemble un monde équitable”. Mais peut-on parler d’une vie partagée quand une femme active assume aussi son rôle de mère ? Du pain sur la planche, certes, avoue notre médecin, “mais jamais une mission impossible à condition qu’il y ait bonne entente dans le couple”. Pour elle, ce n’est pas sorcier : il s’agit seulement de savoir organiser et gérer son temps pour arriver à accomplir son travail tout en gardant le statut de bonne femme au foyer. Ce n’est tout de même pas facile de gérer ces deux mondes pour beaucoup de couples, mais cette fille de Tigzirt, la marine, semble détenir la clé de la réussite : la satisfaction du travail accompli la comble et lui donne plus d’énergie pour affronter le quotidien. Tout en reconnaissant que certaines femmes subissent le joug des mentalités étroites tout étant otages de quelques coutumes, notre chirurgien trouve que la condition féminine en Algérie n’est pas alarmante. Tous les droits viennent par le savoir et le travail. “Il est vrai que beaucoup de mes patients se voient surpris d’être opérés par une femme, mais cela est une question d’habitude qui disparaîtra avec le temps qui évolue vite”. En somme, notre femme chirurgienne pense que l’omniprésence de la femme à côté de l’homme est nécessaire pour que celle-ci apporte sa touche à la construction d’un monde qui avance. La promulgation des lois ne doit que suivre cette évolution qui s’annonce réelle. La preuve est là : Chaou et les autres—puisqu’il y en a—n’ont pas seulement réussi à décrocher une place dans le carré des hommes, mais à l’aide de leur bistouri elles peuvent toucher aux plus profonds de leurs viscères. Chirurgiens, non ?
Nadir Touati