Le plus long procès des annales judiciaires algériennes entame son dernier virage avant l’annonce le 21 mars prochain, sauf dernier rebondissement, du verdict tant attendu, d’une affaire qui a retenu l’attention de l’opinion nationale et internationale. Au dernier jour des plaidoiries, maître Mohamed Cherfi, avocat de Reda Abdelwahab, ancien garde du corps de Moumen Khalifa, contre lequel le parquet a retenu une peine de 10 ans de reclusion criminelle, a distribué, jeudi dernier, au tribunal de Blida, de très mauvais points pour la Cour suprême et surtout pour le procureur général. Me Cherfi entame son intervention en disant son « regret » de constater que le procès n’a pas été « filmé » pour les générations futures. Il n’a pas tari d’éloges envers la presse laquelle a pu, dit-il, selon lui suppléer la carence du parquet. L’avocat, avec des mot directs, s’est attaqué à la démarche de Cour suprême, qualifié « d’aberration », pour avoir envoyé l’arrêt de renvoi vers la cour de Blida le 20 décembre 2006 alors qu’il a déjà accordé aux avocats de la défense un délai jusqu’au 27 décembre pour le dépôt des pourvois de cassations. « Le dossier a été transfèré clandestinement », note-t-il.
Le parquet traîné dans la boue
Au sujet de son client, Me Chorfi balaie d’un revers de la main les dénégations du procureur général selon lesquels, Réda Abdelwahab était un aide de camp à l’armée et faisait le travail d’une femme de ménage au domicile de Moumen Khalifa. L’avocat déclare que son mandant a été radié de l’armée non pas pour mauvais services mais tout simplement rayé des effectifs. Me Chorfi explique que Reda Abdelwahab, lorsque il ramenait des enveloppes financières de la caisse principale, ne faisait qu’exécuter les ordres du golden boy, Moumen Khalifa. « Ce que dit le procureur général n’est que spéculation. Il n y a aucune preuve pour que celui-ci ait réclamé la peine de 10 ans de prison. Vous n’a vez rien prouvé. », lance-t-il courroucé envers le représentant du ministère public. Désavouant toujours le parquet, Il revient à la charge en estimant que Réda Abdelwahab n’a pas pris l’argent dans son propre compte. « La situation sociale de mon client n’a pas changé d’un iota », estime-t-il. Pour démonter les chefs d’inculpations retenus contre son mandant, Me Chorfi note qu’il faut revenir au contexte de l’époque où Moumen Khalifa était au sommet de sa gloire. « Après le président de la République, il y avait Moumen Khalifa (…), devenu un exemple à suivre. Il était reçu par des ministres », dit-il dans une allusion à la place privilégiée et de marque qu’occupait l’exilé londonien au sommet de l’Etat. Il s’interroge si Moumen Khalifa pouvait à lui seul ébranler le système. Selon lui, Moumen Khalifa a eu toutes les marques de respect et facilité durant l’ascension météorique de son empire financier. Il raconte que ce dernier avait été hébergé à Dubaï dans un hôtel luxueux au 21e étage alors que ministre des Affaires étrangères français, Philipe Douste-Blazy, n’avait eu droit qu’à une réservation au 18e étage. Il s’interroge, dans cet ordre d’idées, comment son client pouvait demander à son patron des explications sur la destination de l’argent que Khalifa lui ordonnait d’aller chercher. « Monsieur le procureur général, vous avez retenu sans pudeur la peine de 10 ans », note-t-il.
Des ministres sollicitaient Khalifa pour de l’argent et des services
Dans un déballage sur les collusions des hautes autorités auprès de l’enfant « subitement honni », l’avocat dévoile que le ministre de la Jeunesse et des Sport avait sollicité Moumen Khalifa pour mettre à sa dispositioon un avion pour transporter Joseph Blatter et Mohamed Raouraoua au Mali pour y assister à la coupe d’Afrique des nations, en précisant que c’était Khalifa qui avait payé les frais de stationnement sur la tarmac de l’aéroport du Mali. Il dira que le principal accusé de l’affaire a été sollicité, également, par le ministre du Commerce pour prendre en charge les frais d’une formation aux USA pour un montant de 97 000 dollars tout comme il a payé la somme de 20 milliards, honoraires d’un bureau d’études espagnol chargé d’élaborer le plan de construction de la nouvelle ville de Boughezoul. Plus loin, Me Chérif crie son indignation d’entendre un responsable syndicale, Sidi Said, l’annoncer qu’il se serait tirer une balle dans la tête s’il avait trahi l’UGTA. « Vous dites, monsieur le procureur, qu’il y aura d’autres affaires. J’ai l’impression qu’il y a une justice a double vitesse », déplore-t-ill. Même le liquidateur a été dans le collimateur de l’avocat qu’il qualifie de personne « mi-claire mi-obscur. » « Ne partez pas avec votre secret », dit-il. Celui-ci rappelle que c’est grâce à son client que le liquidateur a pu découvrir la villa de Cannes. Ce dernier, ajoute l’avocat, que le liquidateur avait payé les arriérés de salaires de Reda et cet argent n’était pas de l’argent sale. Me Charfi réclame la relaxe de Réda Abdelwahab. Avant lui, maître Djamil Chelghem, avocat du notaire Omar Réhal accusé de falsification de documents officiels et contre lequel le ministère public a requis la peine de 18 ans de prison ferme. L’avocat s’interroge pourquoi l’on s’est seulement intéressé au cas de son client alors que les sept membres constitutifs de la banque Khalifa, notamment l’ancien P-DG de la banque, Kaci Ali, n’ont pas été poursuivis pour avoir bénéficié d’un contrat moralement falsifié. « Dans cette affaire l’enquête n’a pas été à la hauteur », déplore-t-il et d’ajouter que le rapport de l’administrateur provisoire, des 11 inspections de la banque d’Algérie et des commissaires aux comptes n’ont rien relevé d’anormal autour de la libération du capital. Il accable la Banque d’Algérie qu’il accuse de « fuir même la loi ». Me Chelghem relève que le juge d’instruction n’a pas fait son travail comme il se doit. « On a voulu accabler mon client. Il est innocent », conclut-il avant de demander sa relaxe. Plaidant, de son côté, pour Hocine Soualmi, Djamel Aziz, Guers Hakim, respectivement directeurs des agences des Abattoirs, d’El Harrach et d’Oran, contre lesquels le parquet a retenu 20 ans de prison ainsi que Djamel Zerrouk, directeur financier à Khalifa Airways pour lequel une peine de 12 ans de reclusion a été retenue, maître Moda commence sa plaidoirie en disant que l’administrateur provisoire avait trouvé 4 milliards DA dans la caisse principale et 20 milliards DA dans les comptes de la banque Khalifa auprès de la Banque d’Algérie. Il se demande si l’on ne pouvait pas redresser la banque avec les 24 milliards bien que l’administrateur avait dit qu’il fallait au moins 75 milliards DA pour remettre la banque Khalifa sur pied. « Djellab n’est pas un administrateur mais un liquidateur », indique-t-il. Au sujet de ses clients, il affirme que les directeurs des agences avaient un plafond de caisse à ne pas dépasser. « Guers et Soualmi n’assument pas la responsabilité. Moumen Khalifa était branché sur le système réseau. Il savait tout ce qui est des dépôts. Ainsi il demandait à Baichi Faouzi d’aller récupérer l’argent. C’était ainsi que la banque Khalifa fonctionnait », souligne l’avocat. Il tente de justifier les bouts de papiers par lesquels l’ex milliardaire, actuellement en Grande-Bretagne, en retirait des sommes astronomiques. « Les bouts de papiers portaient la griffe et la signature de Moumen Khalifa. Soualmi avait été sanctionné pour avoir contesté ces ordres. Les directeurs d’agences ne pouvaient savoir ce qui se passaitau niveau de la caisse principale. C’était aux destinataires de régler les suspens non pas à la comptabilité », explique Me Chelghem. Il rappelle les propos de l’expert, Hamid Foufa, qui avait affirmé que les directeurs des agences ne sont pas responsables de la situation dans lesdites agences. Concernant la représentation de Paris ou Soualmi a été affecté pour un certain temps, l’avocat soutient que cette représentation est immatriculée, et par conséquent, fonctionnait dans la légalité. « Le transfert de 609 000 euros de Foudad Adda ne souffre d’aucune illégitimité comme déclaré par le procureur général », affirme-t-il. Concernant, Guers Hakim qui aurait accordé une commission de 1 % pour les directeurs des entreprises nationales, Me Chelghem affirme que personne n’a dit qu’il avait perçu cette commission. « J’aurais souhaité que Soualmi et Guers aient le même traitement que le directeur de l’agence de Kolea. », conclut-il.
Hocine Lamriben
