Par Slimane Laouari
Ségolène Royal a voulu se situer » en dehors du système » pour multiplier ses chances de s’imposer à l’intérieur de son propre parti d’abord. Nicolas Sarkozy a usé de la même tactique, mais pour déborder l’UMP, étant lui, dans de meilleures dispositions au sein de sa famille politique, pour avoir investi bien avant l’appareil du parti et fait presque l’unanimité autour de lui. Ségolène Royal avait les faveurs des sondages, mais doutait de ses capacités à convaincre les notabilités du PS chez qui la fascination qu’elle exerçait sur les militants n’était pas suffisante pour mériter leur bénédiction. Au fil des jours, son aura devenait d’une telle ampleur que les » éléphants » du PS ont fini par compter pour du beurre. Pour s’arracher à l’oligarchie socialiste et ses anachronismes, il fallait accentuer sa différence par rapport à ses concurrents directs et surtout se laver les mains du revers d’avril 2002 qui a porté Jean-Marie Lepen au second tour et fait trembler la France. Faute de pouvoir, à moins que ce ne soit de vouloir, réduire le nombre de candidatures de gauche dont la multiplication a été pour beaucoup dans la débâcle de Jospin, même si ce dernier en assume une grande responsabilité, Ségolène Royal a choisi de regarder vers sa droite. Elle n’a pas été loin pour chercher son modèle. Tony Blair était au sommet de la gloire parce qu’il incarnait précisément ce renouveau de la social-démocratie européenne et, ce qui arrange encore plus les choses, il venait d’obtenir des résultats spectaculaires sur le front social britannique, dont la réduction substantielle du taux de chômage n’est pas des moindres.Du pain béni pour la candidate socialiste, consciente en plus de ses limites en matière de propositions programmatiques. Laurent Fabius et Dominique Strauss Kahn étaient très mal inspirés de l’attaquer sur ce terrain qui était en l’occurrence sa véritable force de frappe. Le résultat, qui a largement confirmé la tendance générale à l’épreuve de l’urne, a valu à Ségolène Royal des sympathies extra- muros dont certaines étaient inattendues. Nicolas Sarkozy était, lui, dans une tout autre posture. Confiant dans ses compétences, profond dans ses convictions, il était sûr de tenir son destin de grand homme d’Etat qui incarne la rupture, jusqu’à formuler nettement l’idée d’une sixième république. Et un homme qui pouvait aller aussi loin, en prenant autant de risques, ne pouvait logiquement s’accommoder des pesanteurs d’une droite en déclin qui ne devait son dernier quinquennat aux affaires qu’à un sursaut républicain face au péril ultra-nationaliste. Il fallait donc à Sarkozy aussi un périmètre plus aéré qui déborde au maximum le cercle fermé de ses prédécesseurs. S’il a rarement revendiqué expressément un statut » hors système « , son discours et ses propositions majeures le suggéraient assez nettement. Inventé par Le Pen qui en a usé et abusé, repris par Royal par nécessité et Sarkozy par nature, c’est paradoxalement un homme » tranquille » qui est en train d’en tirer le plus grand profit. Puisque la droite et la gauche qui ont été le gros du » système » veulent maintenant se situer en dehors grâce à deux candidats atypiques, François Bayrou a trouvé la parade. Après avoir été » ni de gauche ni de droite « , le candidat du centre est maintenant » et de gauche et de droite « . Répliquant à l’une de ses attaques, Nicolas Sarkozy a déclaré récemment qu’ » on ne pouvait pas devenir quelqu’un en reniant ses amis « . Quand à DSK à qui Bayrou aurait proposé le poste de chef de gouvernement, il a tout simplement suggéré que la meilleure chose qu’il puisse faire » est de rejoindre la campagne de Ségolène Royal. Alors, un candidat qui a été l’ami de Sarkozy et veut DSK comme Premier ministre est-il de droite ou de gauche, les deux ou ni l’un ni l’autre ? Mais peut- être que les Français se posent d’autres questions, ce qui explique ses montées régulières dans les sondages. Mais les choses sérieuses n’ont pas encore commencé et il faudra bien à l’heure de la confrontation directe révéler sa véritable nature. Ce n’est pas sûr que ce sera aussi rentable pour Bayrou.Les autres tout le monde sait encore à quoi s’en tenir.
S.L
