Personne avant Khalifa Abdelmoumen n’eut droit à tant d’éloges : « meilleur manager de l’année », « symbole d’une Algérie ouverte sur le monde et qui gagne »… Une ivresse telle que l’appellation golden boy en perdait toute connotation ironique. C’était en 1998, une période dure où le régime algérien, empêtré dans une lutte sana merci contre un terrorisme islamiste aveugle, tentait désespérément de redorer l’image du pays. Peu importait dès lors que Moumen et son groupe aient surgi du néant. Le « premier empire privé diversifié du pays » affichait de quoi écarter toutes les interrogations : une banque, la Khalifa Bank (700 000 clients, 130 agences, quand la Banque d’Algérie n’en comptait qu’une centaine), une compagnie aérienne El Khalifa airways, le sponsoring de grand clubs de football comme l’Olympique de Marseille et autres clubs nationaux, une chaîne de télévision… Sans parler de l’indispensable clinquant people : somptueuses fêtes dans une villa cannoise et virées en jet privé à Alger avec Catherine Deneuve et Gérard Depardieu.
Nabila Belbachir et Mohamed Mouloudj
L’affaire vue par les partis politiques Algériens
Parti des travailleurs (P.T.):
Pour Louisa Hanoune, le procès Khalifa, qui s’est déroulé à Blida s’apparenterait à un règlement de compte, visant à jeter l’opprobre sur le secteur public et les caisses sociales des travailleurs pour les liquider, ainsi qu’à détruire les familles de cadres, s’ils n’aboutissaient pas à situer les responsabilités politiques, pour s’attaquer aux origines de ce désastre afin que cela ne se reproduise plus. Lors d’une réunion en session ordinaire qui a eu lieu le 6 mars, elle a déclarée que « Pour nous, l’affaire Khalifa est le produit des réformes économiques et des options mises en œuvre avec zèle par certains ministres de la République (…) », a estimé la porte-parole du Parti des travailleurs.
Union pour la Démocratie et la République (UDR) :
De son coté, Amara Benyounes considère qu’il y a une donne positive car « c’est le premier fois qu’un tel procès a lieu depuis l’indépendance. Dans le passé, de multiples scandales n’ont pu être jugés ». Il a estimé par ailleurs positive la transparence qui caractérise le déroulement de ce procès, notamment la présence de la presse nationale. « Mais il faut dire aussi que ce procès a un coté négatif », selon le secrétaire général de l’UDR. Il s’agit de toute les personnalités convoquées en tant que témoins, alors qu’on aurait dû les convoquées en tant qu’accusées. « D’ici là, on attend le verdict », a-t-il conclu.
Parti du Front de libération nationale (FLN) :
Le premier responsable du vieux parti, Abdelaziz Belkhadem, s’est longuement exprimé sur l’affaire Khalifa, à l’ occasion de la tenue de la session ordinaire de l’instance exécutive de son parti, en déclarant que ce procès a permis de « lever le voile, de faire la lumière sur la situation ». « Si le dossier de l’affaire Khalifa constitue un exemple de corruption, la volonté du président de la République dans l’ouverture de ce dossier est caractérisée par un grand courage politique », notera-t-il. « Cela ne s’est pas fait dans un objectif vindicatif ou pour un quelconque règlement de compte », explique le patron du FLN tout en précisant : “nous regrettons l’existence de ce dossier mais nous ne regrettons pas ceux qui y sont impliqués ». Interrogé sur les ministres cités dans l’affaire Khalifa, l’intervenant, qui recommandera de « laisser la justice faire son travail », indiquera dans le même temps que « si la justice décide de les juger qu’elle les juge ! », et d’ajouter : « La loi est claire et s’appliquera à eux ! ».
Parti du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) :
Questionné sur le procès Khalifa, le docteur Saïd Sadi a répondu qu’il a constaté « avec effarement » la facilité avec laquelle ce groupe a pu se constituer. Pour lui, il faut aller au fond des choses pour qu’il n’y ait pas d’autres répliques et laisser la justice faire son travail. En plus de ses impacts sur les plans moral et financier, Saïd Sadi n’omettra pas de relever ses incidences sur le plan international, en général, et celui de la diplomatie, en particulier. « Tout cet argent aurait pu être utilisé à d’autres fins », a-t-il ajouté.
Parti du Rassemblement Nationale pour la Démocratie(RND) :
Lors d’une conférence de presse animée, le 2 mars à l’issu des travaux de la 8e session ordinaire du conseil nationale de son parti et à la question du procès et la non-démission des ministres et des hautes personnalités impliqués, il a qualifié le déroulement de ce procès, vu la complexité de l’affaire, de première dans les annales de l’Algérie. « La tenue du procès est une avancée et une révolution, il reste que la démission des uns et des autres de leur poste de travail est une question de conscience, et je pense avec le temps, il y aura une évolution dans se sens », c’est contenté de dire l’ex-chef du gouvernement.
Front National Algérien (FNA) :
Lors de son passage au forum de l’unique, M. Touati a qualifié l’affaire Khalifa de minime par rapport à d’autres affaires et scandales qui ont défié la chronique.
D’autre part, le président du FNA a déclaré que le président de la République aurait dû lever l’immunité sur les ministres qui ont été convoqués à témoigner dans cette affaire afin de les mettre à l’entière disposition de la justice, a t-il expliqué.
Il a ajouté toutefois que la justice est en train de suivre son cours en précisant qu’il ne remet pas en cause la justice mais ceux qui l’utilisent à des fins politiques.
Parti du Mouvement pour la Société et la Paix (MSP) :
Aboudjerra Soltani, ministre du Travail et des Affaires sociales au moment des faits, actuellement ministre d’État et président du Mouvement de la société pour la paix, islamiste, devient amnésique face aux questions du tribunal. « Je n’ai appris ces dépôts qu’après mon départ du ministère. Et un ministère que je quitte, c’est comme une femme que je répudie : je n’y remets plus les pieds ! », a-t-il expliqué, avec une pointe de misogynie, à la présidente Fatiha Brahimi. (publié le 13 février par le quotidien Français le Figaro).
Le chef du MSP a soutenu, aux avocats qui ont demandé la démission des ministre cité à la barre, que si on appliquait la règle, « la moitié de l’Etat devrait démissionner ». Sur son statut de témoin dans l’affaire, il a fulminé : « je n’ai rien à y voir ».
Nouredine Yazid Zerhouni, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales :
Dans sa déclaration en marge de la cérémonie d’ouverture du programme de formation et de perfectionnement au profit des chefs de daïra, il a déclaré : « l’affaire Khalifa n’aurait pas atteint l’ampleur qu’on lui connaît, si les agent et notamment les inspecteurs de l’administration était mieux formés. Ils auraient pu déceler les anomalies et il n’y aurait eu point ce genre de scandales financiers ».
N. B. et M. M.
