Entre renouveau et décadence

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Sous le haut parrainage de Son Excellence la ministre de la Culture, et dans le cadre de « Alger, capitale de la culture arabe », la Direction de la culture de Sétif a désorganisé du 27 au 29 mars un séminaire dit international sur le thème très original de « La femme créatrice » ! A cet effet, cent soixante-douze » femmes de lettres » des quatre coins du pays ont été conviées pour animer cet évènement…

L’hôtel El Hidab a pris sur ses épaules la lourde charge d’héberger et de nourrir les invitées dont presque la moitié ne se montrait qu’à l’heure du déjeuner, dans le restaurant dudit hôtel ou dans les couloirs de la Maison de la culture en pleine discussion « intellectuelle » avec d’autres invités ; vous savez, ce genre de discussions au bout desquelles on s’échange les coordonnés et on conclut des contrats !

Dans la salle de conférences fièrement bâtie, doit-on admettre, on trouverait au premier rang le directeur de la Maison de la culture, l’organisatrice, Mme Nadira, qui fit des efforts colossaux pour empêcher ce colloque de tourner au burlesque, et quelques journalistes ou figures célèbres de la scène culturelle. Le public ? Des femmes partout, quelques hommes (probablement leurs maris !) et plein, plein, plein d’enfants qui s’occupaient consciencieusement de perturber le calme de la salle et la concentration de celle qui, sur l’estrade, essayait de lire quelques collages de mots nommés :  » Poésie  » !

Sétif est une ville calme, propre, bercée par de douces pluies fines et des brises montagnardes d’un grand bien pour l’esprit et le corps. Les habitants sont assez hospitaliers et corrects et il y fait bon vivre malgré la cruelle absence de l’air marin… Une ville connue pour son adoration pour la culture, la littérature surtout, et sa passion pour ce genre d’événements. Mais ce qui fait mouche dans tout ça, c’est l’absence de certains grands noms féminins de la littérature algérienne et le jet massif de poétesses anonymes, inédites pour la plupart, venues mendier la reconnaissance et le soutien des maisons d’éditions qui, faute d’intérêt ou de temps, étaient, elles aussi, absentes…

Ceci dit, on ne peut ôter à ces jeunes voix le droit de se faire connaître mais il faudrait préciser quand même que l’important en littérature n’est pas d’écrire pour devenir écrivain mais d’être convaincu que l’on est écrivain pour pouvoir écrire ! Il faut d’abord avoir cette fervente adoration pour la poésie et ses Grands Prophètes pour évaluer à sa juste valeur ce que l’on écrit au lieu de déballer des insanités aussi grotesques que criminelles et oser, ensuite, les nommer Poésie ! Pour arriver jusqu’au sommet où l’on peut se prétendre poète, il faut avoir une bonne mémoire, se souvenir des noms flamboyants de notre poésie, de leurs vers lancinants par le contenu et la structure, de leur magie et leur inimitable splendeur. Il faut savoir sacraliser leur poésie pour admettre que : soit on fait du bon travail, soit on se la ferme !

Malheureusement, les poètes d’aujourd’hui semblent atteints d’une amnésie volontaire et pensent qu’il suffit de rimer, de  » surréaliser  » à tout bout de champ avec un peu de culture générale si possible pour se proclamer poète ! Ce qui fait que sur les cent soixante-douze participantes, celles qui ont su éblouir leur auditoire se comptent sur les doigts de la main.

L’idée du séminaire est, peut-être, potable. Mais comme disait Russel : “L’idée ne vaut rien sans les vocables qui la concrétisent”. Donc, un séminaire resté à son état pur : un simple squelette d’une festivité qui aurait pu réussir, ne vaut absolument rien sans la présence indispensable de ces trois éléments : l’organisation, la médiatisation et surtout la qualité !

Alors, chers écrivains, veuillez au prochain séminaire à la sauvette, ramener avec vous, au lieu de vos enfants turbulents, de la bonne poésie, de bonnes nouvelles et de la bonne foi sinon… restez chez-vous !

S. H.

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