Fleurs et épines

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Les mois d’avril se succèdent mais ne se ressemblent pas à Amizour, où chaque année que Dieu fait, depuis maintenant six ans, cette ville de la vallée de la Soummam se transforme en un lieu sacré pour accueillir des foules de pèlerins épris de liberté qui viennent annuellement se remémorer de cette journée du 22 avril 2001, baptisé journée contre le mépris. L’ancien Colmar n’est pas choisi par hasard pour être la Mecque des révoltés elle l’est devenue par la naissance des évènements ayant transformé la Kabylie en terre brûlée. L’affaire d’enlèvement des trois collégiens d’Amizour n’est plus à rappeler, elle est connue par le commun des Kabyles qu’avec l’assassinat du jeune Guermah, sont les causes qui ont mis de feu au poudre pour faire exploser toute les région. Outre les dégâts matériels des morts et de nombreux blessés ont marqué à jamais les mémoires que le mouvement citoyen né de ce Printemps noir a fait de leur statut de martyrs de la démocratie son cheval de bataille. Ce même mouvement citoyen regroupant des coordinations locales des communes de la wilaya de Béjaïa, nommé CICB a vu sa naissance dans cette localité pour succéder à l’éphémère comité populaire. La CICB a vécu des beaux jours, plus particulièrement dans cette ville d’Amizour qui n’a pas décolèré durant trois ans pour maintenir la pression sur le pouvoir à répondre aux revendications énumèrées dans la fameuse plateforme d’El Kseur.

Ainsi, après un passage dangereux soldé par la destruction de plusieurs édifices publics, dont le siège de daïra, le tribunal, la Kasma, le Mouvement a su canaliser la colère des jeunes pour orienter ces derniers vers des actions pacifiques et d’envergures.

Au premier anniversaire de ce 22 Avril, l’on se souvient d’un déferlement de milliers de manifestants qui ont battu le pavé sur les axes principaux de cette localité qui n’arrivait pas à les contenir. Les Amizourois retenaient leur souffle à chaque date historique du Mouvement.

Au fil de quelques années, le mouvement perd de sa ferveur même et son bastion considéré comme infranchissable, il a fini par céder aux différentes tentations ayant engendré des divisions au sein du mouvement. Rappelons que l’année dernière, le 5e anniversaire du Printemps noir a été célébré en rangs dispersés. Les “pro” et les anti” dialoguistes se sont mis dos à dos pour le meilleur et face à face pour le pire. Depuis une année, jour pour jour, point d’action ni même de signe de présence de ce mouvement dans son fief. Pourtant l’année écoulée n’est pas aussi calme que les précédentes suite aux agitations sporadiques et aux contestations du malaise social.

Pour le 6ème anniversaire, la commémoration est marquée par la participation de plusieurs partenaires, dont le comité citoyen par ses deux ailes et la société civile en collaboration avec l’APC.

Si le temps était au recueillement pour surtout rendre un vibrant hommage à Ahmed Mammeri qui n’est plus de ce monde, le rassemblement à la place baptisée au nom de ce professeur du sport accompagnateur des trois collégiens arrêtés en 2001 n’a pas drainé une grande foule, hormis les quelques délégués connus du mouvement dont Khodir Benouaret, Baza Benmansour, Farès Oujdi et autres de l’aile dialoguiste.

Deux prises de parole, un dépôt de gerbes de fleurs et une minute de silence ont suffit à ces délégués de marquer cette journée qui n’ont pas pu cacher leur déception de ne pouvoir drainer les foules comme au bon vieux temps. Leur participation aux élections législatives prochaines est semble-t-il à l’origine de leurs déboires même s’il se sont défendus qu’il ne lâcheront pas d’un iota le mouvement “jusqu’à la satisfaction complète des 15 revendications”. Le glas a failli sonné en ce jour historique à Amizour si ce n’est cette marée humaine constituée en quasi totalité de collégiens qui a surgi comme une vague. Cette procession juvénile a sauvé la mise en organisant une marche le long des artères principales de la ville. Encadrés par quelques délégués antidialoguiste, ces jeunes sont venus manifester et crier à tue-tête qu’ils reprendront le flambeau. Youcef Bounif, délégué local fait sa propre lecture que la célébration d’hier est une aubaine propice pour permettre la relève. Une autre génération arrive, avec plus d’ardeur et de détermination pour un autre printemps peut être, pour une autre Algérie.

Nadir Touati

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