C’est la conviction du secrétaire général de l’Union pour la Démocratie et la République (UDR), Amara Benyounès. Dans un entretien avec “El Khabar Hebdo’’ de la semaine en cours, il rappelle que les démocrates sont plus que jamais interpellés pour s’unir dans un mouvement qui doit s’opposer au courant islamo-conservateur. “L’alliance stratégique entre les démocrates’’, telle qu’incarnée par l’ANR-UDR-MDS, est appelée à se prolonger après les élections législatives, assure M. Benyounès. “M. Belkhadem a remercié Dieu que l’UDR n’ait pas obtenu d’agrément et a déclaré que celle-ci pratique une politique parallèle. Il revient par la suite à la charge pour déplorer que mon parti n’ait pas été agréé. La question est simple. Si cette situation le désole, il n’avait qu’à rejoindre son bureau et signer l’agrément. Le problème est ainsi clos “. Le S.G. de l’UDR rappelle, dans ce sillage, que le refus d’agrément du parti Wafa du docteur Taleb Ibrahimi a été justifié au niveau du ministère de l’Intérieur par des arguments politiques- Zerhouni avait alors déclaré qu’il ne permettrait l’agrément d’un parti qui reconstituerait le FIS- et que le refus opposé au Frond démocratique de Sid Ahmed Ghozali était basé sur un argument administratif, du fait que le dossier de ce parti serait incomplet. “Quant à notre parti, il ne possède pas dans ses rangs des personnes qui représenteraient un danger pour l’ordre public. Le dossier déposé pour l’agrément était complet. Mieux, le parti a innové. Il a fait ce qu’aucun autre parti n’a fait : nous avons transmis les dossiers de tous les membres du Conseil national au ministère de l’Intérieur au lieu des dossiers traditionnellement exigés, à savoir ceux des membres fondateurs”, précisera M.Benyounès.
S’agissant du système et du pouvoir politique en général, le secrétaire général de l’UDR rappellera la vision qui était déjà la sienne avant l’accession de Bouteflika au pouvoir. Il dira à ce propos : “Ceux qui décident ne gèrent pas et ceux qui gèrent ne décident pas. Le système change les personnes qui, en réalité, sont de simples vitrines”. Il reconnaîtra que les libertés publiques ont subi une régression et que la culture du parti unique est en train de refaire surface. “Le parti unique ne signifie pas le chiffre ‘“Un’’ ; c’est plutôt une culture incarnée aujourd’hui par les partis de l’Alliance présidentielle. Pour preuve, le FLN prétend qu’il demeurera la première force politique du pays, le RND s’adjuge la deuxième position et le MSP jure de ne pas admettre moins de 30% des voix. Par une simple opération arithmétique, l’on se rendra compte que ces trois partis obtiendront 100% des sièges de l’Assemblée populaire nationale. Et cela représente une grave suspicion qui pèse sur l’honnêteté des élections du 17 mai “, ajoutera l’invité du journal.
Accablant le regroupement de l’Alliance présidentielle, M.Amara Benyounès dira que “les partis de cette Alliance n’ont fait aucune nouvelle proposition. Ils n’ont pas pu justifier leur présence dans le pouvoir au cours des années passées. Ils s’abritent derrière le président Bouteflika dont ils exploitent l’image comme s’il s’agissait d’une élection présidentielle, alors qu’il s’agit d’élections législatives. Il importe à ces partis de nous apprendre ce qu’ils ont fait au cours des cinq dernières années. Nous pouvons, néanmoins, ajouter foi à un serment fait par ces partis : l’Alliance se prolongera quels que soient les résultats des élections. Ils resteront à leurs postes jusqu’à ce qu’ils soient éjectés par le président Bouteflika. Et si un autre président qui succédera à Bouteflika accepte de les avoir à ses côtés, ils travailleront avec lui. Ils feront exactement ce qu’ils sont en train de faire aujourd’hui. Ces gens ont établi une alliance qui survit aux présidents”. Le secrétaire de l’UDR s’étonne par la suite des déclaration de Belkhadem qui estime que lorsque le FLN était évincé du pouvoir, il ne s’est construit ni écoles ni lycées, et que lorsque le fils du FLN est appelé il a pris les rênes du pays, la roue du développement s’est mise en branle. Mais, ajoute Benyounès, Belkhadem oublie que les années dont il parle sont des années de terrorisme. “L’État lui-même était menacé par la chute et 95% de ses efforts étaient dirigées vers la lutte antiterroriste”. Et puis, fait remarquer Benyounès, le FLN n’a jamais été évincé du pouvoir. “Feu Mohamed Boudiaf ne peut être considéré que comme un élément du FLN. Zeroual aussi était un enfant du FLN. “L’Algérie est redevable à Zeroual de sa victoire sur le terrorisme”. S’agissant du paysage politique algérien, M. Benyounès estime que celui-ci a besoin d’une autre reconfiguration. Dans tous les pays démocratiques, il y a deux grands courants, fait-t-il observer : un courant progressiste et un autre conservateur. En Algérie, deux courants sont en présence et devraient émerger en tant que tels : le courant islamo-conservateur et le courant démocratique progressiste. Chaque courant véhicule un projet de société à part entière. “La démocratie consiste à offrir le choix au peuple en toute liberté. Que celui qui gagne ne coupe pas les têtes du camp adverse. Les extrémistes et les partisans de la violence doivent être exclus définitivement de la vie politique”, ajoutera-t-il. Concernant les élections législatives du 17 mai, Amara Benyounès dira ne pouvoir faire aucun pronostic quant aux résultats qui seront obtenus par les démocrates. “L’essentiel, c’est de ne pas boycotter le scrutin, car le boycott n’amènera rien de nouveau pour les démocrates au moment où les islamistes participent à toutes les élections organisées dans le pays. Le meilleur moyen de faire barrage à la fraude, c’est un taux de participation fort”. En revenant sur les élections présidentielles d’avril 2004, le secrétaire général de l’UDR estime qu’elles ont été une catastrophe pour les démocrates du fait que certains d’entre eux ont soutenu Bouteflika, d’autres ont soutenu Benflis et d’autres encore sont allés ave d’autres candidats. Par conséquent, il propose : “Pourquoi les démocrates ne se réconcilient pas comme se sont réconciliés les benflisistes et les redresseurs ? Les démocrates sont condamnés à s’unir à condition que cela ne se fasse pas autour d’un leader ou contre une personne”.
À propos du parti du RCD duquel il est issu, M. Benyounès affirmera qu’il l’a quitté en 2001 pour deux raisons : la dérive dictatoriale et la dérive politique. Cette dernière est plus grave, estime-t-il. Le premier responsable du RCD a déclaré au journal “Le Monde’’ que le FIS est un parti comme les autres. “Depuis plusieurs années, le RCD ne dénonce plus l’extrémisme, le fondamentalisme et l’islam politique ; alors que ce parti était connu pour ses positions constantes à l’égard du courant fondamentaliste. La dérive dictatoriale a eu pour conséquence une saignée à l’intérieur des partis. Je ne parle pas seulement des noms célèbres qui ont quitté le parti, mais aussi des centaines de militants qui ne s’y retrouvent plus”.
Benyounès impute une grande responsabilité au RCD dans l’échec de l’union des démocrates. En tant qu’ancien numéro 2 du parti, il reconnaît aussi sa part de responsabilité, en précisant toutefois qu’après moult tentatives, il s’est persuadé qu’il ne pouvait lutter contre les dérives auxquelles il se heurtait quotidiennement. “Je ne pouvais pas passer mon temps à guerroyer dans des conflits à l’intérieur du parti. Alors, je me suis retiré et j’ai créé un autre parti”. A propos de la nouvelle alliance républicaine, le SG du RCD l’a jugée, selon Amara Benyounès, intéressante “si elle n’était pas polluée par des corrompus’’. “Certains partis démocrates croient qu’il leur revient de distribuer des certificats d’agrément aux autres partis pour qu’ils soient considérés comme démocrates. Il en est de même de certains journaux qui décident de qui est démocrate et qui ne l’est pas. De quel droit affirme-t-on qu’Ouyahia et Benflis ne sont pas des démocrates ? Il faut que nous ouvrions nos horizons et abandonnions cette mentalité de monopole qu’exercent ces partis démocrates”, conclut Benyounès.
Amar Naït Messaoud