Mostefa Lacheref revisité

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Le Centre culturel français d’Alger (CCF) a permis, le temps d’une conférence-débat, consacrée à l’analyse du livre Des noms et des lieux de Mostefa Lacheref et à laquelle ont été conviés des historiens et des critiques littéraires, de faire une halte sur la vie, l’itinéraire et l’œuvre de cette personnalité politique, homme historique et de lettres, décédé récemment à l’âge de 90 ans. Rachid Moukhtari, journaliste et producteur d’émissions radiophoniques, a estimé que cet ouvrage est la synthèse d’un homme témoin de son époque, en insistant sur la relation charnelle qu’entretenait Lacheref avec les livres et les bibliothèques.

Ce dernier avait même acheté la bibliothèque d’Etienne Dinet. « On retrouve une dimension esthétique et poétique dans ses œuvres même les plus politiques », estime M. Mokhtari. Et d’ajouter qu’il « y avait une sorte d’ambivalence entre son nationalisme et son érudition. » L’ancien journaliste au quotidien Le Matin en veut pour preuve que Mostefa « prône l’ouverture, mais il entame une arabisation chauviniste ».

De son point de vue, Lacheref prenait « du recul pour prendre conscience des ravages commis sur la toponymie durant l’Algérie post-coloniale ». Décortiquant son style, il a affirmé que la phrase lacherafienne est difficile à suivre dans ses méandres, en soutenant, qu’au-delà de la musicalité de cette même phrase, les références littéraires et historiques sont imbriquées. Intervenant, pour sa part, Djillali Sari, géologue de formation et historien, a tracé la vie de Lacheref qu’il dit « nourri à la mythologie grecque et la poésie antéislamique ».

Daho Djerbal, lui aussi, historien critique et directeur de la revue Naqd a rappelé que le livre Des noms et des lieux repose sur un lieu porteur de mémoire. Abordant le rôle de cet homme d’exception, M. Mokhtari a souligné que ce dernier, ex-ministre de l’Education nationale sous l’ère de Boumediène, avait aboli un article qui désignait les inspecteurs de la formation moyenne sur la base de leurs appartenances au parti unique de l’époque. Abondant dans le même sens, M. Djerbal a soutenu que Lacheref était quelqu’un qui dérangeait. « On a mis fin a ses fonctions après 8 mois au ministère de l’Education », a-t-il dit. Selon lui, il était une personnalité ouverte à tous les peuples et les diverses civilisations. A la question d’un intervenant dans la salle sur ses relations avec l’Etat, Djerbal a noté qu’il était « un homme de l’appareil de l’Etat et a payé à ce prix cette fidélité », contrairement à d’autres écrivains rebelles tel Kateb Yacine. « Il faut se méfier de ce que vous enseigne l’histoire officielle », a-t-il mis en garde contre la mystification de l’Histoire. Et M. Mokhtari d’ajouter « c’est une illusion de croire que le pouvoir allait se reformer de l’intérieur et c’est ainsi qu’il a pris du recul ». Le directeur de la revue Naqd a émis le vœu de voir des passages des œuvres de Lacheref intégrés dans les manuels scolaires. « Notre drame c’est que l’école algérienne d’aujourd’hui est desarabisée et défrancisée », a-t-il conclu à la réponse d’une éventualité de la traduction de ce livre en arabe.

Hocine Lamriben

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