Ils étaient plus d’une centaine à répondre à l’appel lancé par le comité Benchicou pour les libertés afin de commémorer la date du 14 juin et remettre à titre posthume, le prix Benchicou de la plume libre 2007 décalé pour hier, pour des raisons de calendrier. On pouvait remarquer, Amara Benyounès, secrétaire général de l’UDR, Ali Djedai, cadre au FFS, le commandant Azzedine, ancien sénateur et Moudjhahid, Ali Yahia Abdenour et Hocine Zehouane de la LADDH, Leïla Aslaoui, ex-ministre et écrivaine, Bélaid Abrika et Khaled Guermah, délègues du mouvement citoyen et des représentants de Djazaïrouna et des associations victimes du terrorisme. Cette année pour la troisième fois consécutive, les primés sont Abdelhak Beliardouh et Michel Kilou, respectivement correspondant d’El Watan à Tebessa et qui s’est suicidé sous la pression de la mafia politico-financière et le journaliste-écrivain syrien injustement incarcéré par le régime de Bachar El Assad depuis le 14 mai 2006. Première halte : les environs du hangar de l’Etusa à quelques pas de la maison de presse où une gerbe de fleurs, suivie d’une minute de silence, a été déposée à la mémoire de Fadela Nedjma et Adel Zerrouk, journalistes à Echourouk El Youmi et El Bilad, assassinés par un « bus fou » sorti comme un bolide de L’Etusa le jour de la fameuse et gigantesque marche du Mouvement citoyen du 14 juin 2004 à Alger. Retour à l’antre, symbole de la résistance durant la décennie noire devant la bêtise humaine. Mohamed Benchicou, journaliste incarcéré durant deux années à la prison d’El Harrach et ex-directeur de publication de l’ex-Le Matin prend la parole en dépit des séquelles et des stigmates. Il déclare que le 14 juin est une date symbole du sacrifice pour la liberté car correspondant à la marche des Arouchs, la mort des deux journalistes d’El Bilad et d’Echourouk El Youmi, de son emprisonnement et de sa remise en liberté. « Je suis fier de faire partie de cette famille patriotique », dit-il et d’ajouter « nous sommes unis. Cela prouve qu’au-delà des mots, des malentendus et des petites phrases, l’Algérie sait s’unir autour des mots d’ordre. » Voulant fédérer toutes les forces démocratiques et républicaines malgré les clivages, il voit dans les représentants des partis politiques à savoir le RCD, FFS, UDR, MDS et CCDR venus marquer par leur présence l’événement « des échantillons précieux des gens qui se battent » M.Benchicou précise que « c’est à nous de faire en sorte que nous avancions », en estimant que « l’Algérie qui se bat à besoin d’une presse forte et libre, à l’écoute de la société et des familles victimes du terrorisme ». Au sujet de feu Abdelhak Beliardouh, l’ex-directeur du Matin, suspendu par les pouvoirs publics note que le sacrifice du correspondant de Tebessa est le sacrifice de tous les Algériens. Pour ce qui de Michel Kilou, ce dernier, dans un message adressé par le Comité syrien pour la liberté de l’écrivain et lue par Hafnaoui Ghoul, correspondant du quotidien arabophone El Khabar à El Bayadh, injustement jeté au cachot pour ses écrits, exprime ses remerciements aux Algériens qui refusent d’abdiquer et qui défendent les libertés au delà des frontières. Le polémiste émérite qu’est Benchicou conclut son intervention, en déclarant que « ce n’est pas l’heure de désespérer, mais bien, l’heure de s’unir. ». Prié de remettre les prix, Me Ali Yahia Abdenour, président d’honneur de la LADDH rappelle les conditions imprécises et suspectes qui ont présidé à l’incarcération de Benchicou. L’interdiction et la fermeture du Matin par le pouvoir visait « à détruire un espace de liberté ». Il affirme que le combat pour les libertés politiques et d’expression ne se donnent pas mais se méritent. « Le code de l’information est un code pénal bis. (…) Le pouvoir a fabriqué des procès aux journalistes », dénonce-t-il. Caustique, l’avocat explique que les procès intentés contre les journalistes ont mis en relief le degré de la soumission de la justice, en appellant de tous ses vœux à la dépénalisation des délits de presse et à manifester plus de solidarité avec les avocats dans leur bras de fer avec le ministère de la Justice et aux syndicalistes autonomes trainés devant les tribunaux. Suivra ensuite la remise des prix. Mme Beliardouh, timide et sous l’effet de l’émotion, n’a pu balbutier que de remerciements. Son fils aussi, les yeux embués et la gorge nuée, souhaite que les gens de la presse continue « El Michouar ». Le prix de Michel Kilou a été remis à Nadir Bensbaâ, premier responsable de la Fédération internationale des journalistes(FIJ) à Alger, qui se chargera de l’acheminer en Syrie. Les escaliers faisant face à l’ancien siège d’El Khabar sont transformés pour la circonstance en une tribune de dénonciation des restrictions sur les libertés. Hakim Laâlam, chroniqueur invétéré au Soir d’Algérie et heureux récipiendaire du prix Benchicou 2005 affirme, sur un ton corrosif, que « tout ne peut pas s’acheter tout le temps ». Abdelhak Berrerhi, président du CCDR soutient, pour sa part, que le 17 mai dernier a été un échec des partis politiques et de la politique du pouvoir en place. Il appelle pour plus de mobilisation autour d’action concrètes. Vaillante et toujours à l’avant-garde contre l’amnésie rampante, Mme Zinou, épouse du journaliste Zinou, assassiné par les islamistes intégristes, affirme que « malgré la rareté des espaces d’expression de nos jours, on ne nous enlèvera pas la liberté de dire ». Elle lance comme un boulet « même si Bouteflika à pardonné aux terroristes, nous ne leur pardonnerons jamais » Autre intervenant : le père du martyr Massinissa Guermah. Il émet le souhait que tous les journalistes soit au modèle de Benchicou. L’intervenant n’est pas allé de main morte pour fustiger certains responsables au pouvoir dont le ministre de l’Intérieur Yazid Zerhouni, accusés d’avoir fait tant de mal aux Algériens. « Essayons de nous unir et de reserrer nos rangs », appelle-t-il. De son côté, Hocine Zehouane, président de la LADDH, rompu à la harangue et au sens de la répartie dénonce les « pressions du pouvoir fondé sur la terreur et la peur » et « l’imposture aux services des mensonges et des causes indignes ». Son vœu s’inscrit dans la constitution d’un bloc national et démocratique pour faire échec à l’intégrisme et l’intolérance. D’autres intervenants du monde syndical autonome ont pris la parole pour exprimer leurs attachement aux idéaux de liberté et de démocratie et leur refus de baisser les bras.
Hocine Lamriben