La mort et la liberté (Réflexions)

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Par : Toufik Doub

Personne n’est une île, titre d’un livre qui parle de façon tellement charmante de la Mort, sérénité glaçante, angoisse outrepassée… Pour certains la mort fait peur, pour d’autres c’est un leurre – dans leur vision elle n’est qu’illusion, inventée par des hommes de religion ou des normes de tribulation, un vrai mensonge, énorme comme un mirage d’élucubrations.

A y songer, s’il l’on remplaçait le mot « île » par « immortalité »: personne n’est (naît) immortel ; effectivement, même si certains crédules croient en une éventualité… « la possibilité d’une île », écrivait Houellebecq. Pour nos jeunes, l’île serait synonyme de liberté, y accoster et n’en revenir jamais. Ah roulez/roulées jeunesse et liberté, fêtées à l’unisson un certain jour de juillet, quelle bonne leçon ! Ils nous donnent de l »intégrité », clouant le bec aux idéaux qui ne volent pas haut dans l’Algérie d’aujourd’hui. Rêves résolument révolus ! La fête finie, Révolution passée – 45 années d’indépendance recensée, 45 ans de « séparation » non avortée; contre les révoltés de reconnaissance il y a ceux qui doutent et méditent sur la présence de l’affranchi. Oui, l’ennemi-aimé est encore, déjà dans le décor (les bâtisses – « piece by piece ») et pis : dans nos corps (on parle et écrit France et on raisonne pareil, on le sait), être liés se dénoue dans l’affront, entre la volonté du Passé à parler et les séquelles d’un Présent qui fait mine d’oublier.

Cependant, à l’instar des propos de l’actuel Président français – passé en coup de vent ce mois-ci à Alger, « l’heure n’est pas d’aborder les sujets qui fâchent » ; de la poudre que ce vent souffle sur nos yeux. Qu’on attende alors, de minage en déminage, que vienne le temps d’arrêter la page sur nos 132 années de concubinage. Révolutionnaire à sa bonne manière, Jean-Paul Sartre avait revendiqué les droits de l’Algérie, s’attirant les foudres gouvernementales de son pays jusqu’à un attentat que l’OAS avait orchestré chez lui. Pour lui, « Liberté, n’est pas de pouvoir ce qu’on veut, mais de vouloir ce qu’on peut » : ainsi, parce que l’Algérie voulait se libérer a pu? La France pouvait rester mais ce n’était voulu ?

Entre les Volontés et le Pouvoir, ça reste à voir, les réponses demeurent entre les deux rives de la Méditerranée, mer où la Mémoire en question ne meurt et ne renaît. Est bien loin le temps où notre conquérant berbère Tarik Ibn Ziad portait sa Révolution de sa célèbre citation: « La mer devant et l’ennemi derrière, patience et ferveur, le Divin sera notre porteur. »

Quelqu’un pour qui liberté rimait avec engagement, et immortalité avec moralité où l’île est le Paradis, lorsque l’âme s’en est allée.

La Mort fait partie de nos vies et elle devrait faire avancer plus qu’atrophier, pour peu qu’on ait le temps de « changer », « améliorer », « corriger »…

Et puis qu’elle soit surveillée, conditionnée ou sous caution, l’expression de liberté se tient au temps qui nous est imparti. Penser que tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir et…il y a la mort aussi.

Au chevet de celui qui sait être patient, de l’infant et de l’agonisant, notre Livre Saint cite le mot « mort » le même nombre de fois que le mot « vie », comme le mot « paradis » le même nombre de fois que le mot « enfer »… mais ce n’est pas une affaire de chiffre, car même si la Mort est et a) une date qui jamais ne rate, que l’on soit en haut d’une tour infernale ou dans une île paradisiaque, elle nous guettera sans qu’on ait à faire de faux pas, avec dans l’oeil un compas, tard ou tôt l’on comprendras que l’immortalité n’est que mauvais leurre, sans exil que les îles ont péril à “bonne l’heure”.

Alors aux armes révolutionnaires ! Menons le combat et que chacun libère “l’avis”, pour que jamais il ne périsse et soit poursuivi.

T. D.

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