“Combien ça coûte ?”, il ne s’agit pas là d’une émission sur TF1, mais plutôt les dépenses que doivent consentir les parents pour assurer la rentrée scolaire de leurs enfants. Pour cette année, en plus de ce grand rendez-vous, les parents vont accueillir dans quelques jours le mois de Ramadhan qui n’est pas seulement un mois synonyme de piété et de solidarité, mais aussi de la hausse des prix. Revenons au coût de la rentrée, à commencer par les vêtements, si aujourd’hui une classe bien limitée se contente des habits fabriqués par les pays asiatiques notamment la Chine, la majorité des parents ne trouvent leurs comptes que dans la friperie. Dans un tour que nous avons fait jeudi dernier au marché du centre-ville, il nous a été donné l’occasion de relever quand même certains prix. Un ensemble en jean pour un enfant dont l’âge varie entre 12 et 5 ans coûte entre 2000 et 3000 DA sans compter les chaussures et autres accessoires. En somme, un parent qui a trois enfants scolarisés devra débourser au moins 12 000 DA sans compter les cartables, les fournitures scolaires et les autres frais. Devant cette situation, nombreux sont les parents qui recourent aux vêtements d’occasion.
En effet, c’est grâce aux fripiers que les petits potaches ne sortent pas nus dans nos villes et villages. “Il faut faire ses comptes. Que peut-on faire avec 10 000 DA ? Nourrir et vêtir nos enfants ou payer les autres charges, telles l’électricité et l’eau ?”, nous répond furtivement un père de famille tenant par la main ses deux enfants âgés respectivement de 12 à 14 ans. Et de nous expliquer “au moins ici, je peux trouver certaines affaires pour leur assurer la rentrée. J’ai encore deux autres enfants inscrits au collège et au lycée. Si je vais leur acheter les vêtements neufs, je n’arriverais pas à les nourrir”. Avec son minable salaire d’ouvrier communal, notre interlocuteur ne peut tenir une semaine, surtout que tous les produits de large consommation ont flambé.
Cet exemple illustre bien le degré de misère dans laquelle baigne de nombreuses familles. Même les personnes composant jusque-là ce qu’on appelle la classe moyenne fréquentent ces lieux. A son insu, nous avons suivi un professeur dans un lycée. Lui aussi, c’est au milieu de toutes ces bottes de vêtements d’occasion déposées à même le sol qu’il fouine pour soutirer des habits qui feront plaisir à ces potaches. “Même lorsqu’on rabaisse le prix à son plus bas niveau, nos clients nous supplient pour leur accorder un rabais. Imaginez qu’on demande pour un tee shirt à 10 DA et qu’on vous demande de le céder à 5 DA ! On ne peut plus faire la distinction entre un chômeur et un fonctionnaire”, nous dit ce fripier qui connaît les visages de ses clients. Abordons maintenant les manuels scolaires, certes, l’Etat donne gratuitement les livres pour les enfants démunis, c’est-à-dire ceux dont les parents justifient leur indigence par un certificat de non activité salariée. Que dirent ceux dont le salaire ne dépasse pas les 8000 DA ? Quelques exemples : un lot de livres pour la première année primaire revient aux parents à 1500 DA, un lot pour un élève du CEM est à 2500 DA, un lot pour un élève de lycée à 3000 DA. Même constat pour les cahiers et les autres fournitures. Même en recourant à la friperie, les parents doivent réserver un gros budget pour la rentrée. Il y a lieu donc de déduire que l’enseignement n’est plus gratuit comme on nous le laisse entendre. Dans le cas où les enfants étudient dans des lycées, loin de leur village, d’autres dépenses sont attendues pour le transport et les frais de la restauration. La rentrée de cette année revêt donc un cachet tout à fait spécial dominé par la cherté de la vie.
Amar Ouramdane
