Il reste encore quelques illusions

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La courtoisie professionnelle du personnel de l’hôtel Sheraton n’a pas empêché quelques regards sceptiques quant à la pertinence de notre présence sur les lieux. Les yeux largement écarquillés face au luxe du décor ou la surprise difficilement contenue à la vue d’une bière  » normalement  » servie ne pouvaient pas échapper au regard. Quelques dizaines de journalistes ont investi le palace en cette soirée du ramadhan, invités par leur syndicat et la fondation Konrad Adennauer à parler d’eux-mêmes. Cela fait longtemps que je ne me suis pas retrouvé dans ces ambiances et j’avoue mes appréhensions. Il y avait d’abord l’intitulé du thème de la rencontre qui a tout d’un débat d’initiés. Parler de  » techniques de négociation d’une convention collective  » n’avait rien de vraiment enthousiasmant pour quelqu’un qui en a gros sur le cœur et  » rencontrer du monde  » n’est plus vraiment ma tasse de thé depuis quelque temps. Mais il y avait les amis du SNJ qui m’ont fait l’honneur d’une invitation et la certitude de trouver quelques visages familiers dont je sais qu’ils n’ont pas encore perdu toutes leurs illusions. Avec mon ami Moh Bessa, chef du bureau de la Dépêche de Kabylie de Béjaia et brillant journaliste, nous avons pour ainsi dire refait le monde dans sa voiture, puis, une fois à l’hôtel, à l’écart du reste des présents. Au cours de cet agréable aparté, il a été rarement question de l’objet de notre présence sur les lieux, mais nous n’en étions jamais loin. Il fallait pourtant bien s’y mettre, une fois installés dans la petite salle de conférences. Même si l’éloquence de M.Abdelkader Djamal, expert en droit du travail, la maîtrise du professeur Ahmed Brahimi, la disponibilité d’Antoine Schiller de la fondation Edennauer et la bonne volonté du Syndicat national des journalistes étaient visiblement insuffisants pour susciter ou ressusciter l’enthousiasme. D’abord parce que les conférenciers éprouvaient un mal fou à situer leur propos dans l’espace professionnel et institutionnel algérien, à causse de la faiblesse ou de l’absence de dispositions spécifiques aux journalistes pour l’intervenant sur la législation du travail, très souvent obligé de s’éloigner de son thème. Quant à la conférence sur le statut du journaliste, il était tout simplement impossible de centrer le débat sur la question au vu de la multitude de projets abandonnés et surtout du retard pris par le dernier texte élaboré à être promulgué, en attendant les mécanismes de son application. Ensuite, parce que les journalistes, venus logiquement s’inquiéter de leur sort, formulaient des questions terre à terre qui, pour les mêmes raisons qui ont mis les conférenciers en difficulté, ne trouvaient pas toujours des réponses susceptibles de leur rouvrir des perspectives. Alors, prématuré ce débat ? Pas vraiment, puisqu’il aura permis au moins aux journalistes de se rendre à l’évidence : seule la force de leur organisation peut, à terme, changer les choses. Il est heureux que ce soit un patron de presse qui nous le dise pendant la pause-café. Encore plus heureux que ce soit la recommandation principale du SNJ à la fin des travaux.

S. L.

P.-S. : J’ai pris cette soirée-débat avec quelque légèreté au début et je l’ai terminée avec autant de sérieux que je l’ai pu. Exactement comme je l’ai fait pour cet écrit. Je n’ai finalement pas perdu toutes mes illusions.

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