Bach, le monstrueux génie

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C’était jeudi dernier, à Notre-Dame d’Afrique, à 16h30. Un concert de musique classique organisé par l’ambassade d’Allemagne. Le concert de Noël a invité l’organiste allemand Dietrich Schönherr, le flûtiste algérien Djamel Ghazi et le chœur Cant’Al’Ger composé de dix chanteurs et chanteuses de cinq nationalités.

Le concert de Noël, comme son nom l’indique, a pris la forme d’une messe grandiose dont le pasteur principal fut, bien évidemment, Monsieur Johann Sebastian Bach.

Entre cantiques, pastorales et la fameuse fugue, le public était bercé par une étrange plénitude spirituelle qui réconcilie l’art et la religion et qui, surtout, arrive à ouvrir une brèche pour les âmes torturées par la lourdeur et l’insignifiance du quotidien et leur donner l’occasion de se laisser aller à un pèlerinage intemporel où la religion se dépouille majestueusement de tous ses haillons et des fards qui l’ont transformée en bourreau des peuples et de l’esprit.

Bach a su, plus que tout autre compositeur, libérer la religion de ses vieilles connotations oppressantes et lui donner cet aspect onirique et éthéré, embelli et sublimé par la musique. A ce propos, on ne peut que citer et accréditer cette citation de Cioran parlant des grands services rendus à la religion par Bach : « Sans Bach, la théologie serait dépourvue d’objet, la Création fictive, le néant péremptoire. S’il y a quelqu’un qui doit tout à Bach, c’est bien Dieu. »

Dietrich Schönherr est né en 1947 à Brandenburg. Il a fait ses études d’orgue à l’Ecole de Musique religieuse à Halle. Depuis, il a occupé plusieurs postes de responsabilité dans le domaine et interprète avec la chorale de Hermannswerder les grands oratoires de Monteverdi, Bach, Händel et Haydn. Djamel Ghazi, le flûtiste algérien né en 1966 à Alger, a fait des études de flûte traversière au Conservatoire central d’Alger. Il a obtenu en 1987 le premier prix de flûte traversière du Conservatoire, puis la licence de musique à l’Ecole normale supérieure d’Alger en 1989, puis un magister en éducation musicale. Depuis 1991, il joue des concerts en qualité de soliste et en tant que membre de l’Orchestre symphonique national. Son répertoire comprend des œuvres classiques: Bach, Vivaldi, Mozart, Salieri, etc., et contemporaines.

Au concert de jeudi dernier, une importante délégation de l’ambassade d’Allemagne était présente et les dispositifs sécuritaires ont atteint un degré frôlant l’état d’alerte. Un concert de Noël célébré à Notre-Dame d’Afrique située au centre grouillant et incertain d’Alger, deux jours après des attentats sanglants, il y avait de quoi s’inquiéter que cette messe de paix et d’amour signé Bach n’aille pas se transformer en une messe noire célébrant la mort et le sang au nom d’une religion, peu importe laquelle, mais qui n’a rien en commun avec celle chanté et glorifié par Bach et ses semblables. Fort heureusement, le concert a pris fin en toute cordialité et le public est sorti avec une tendre sensation de béatitude et de réconciliation avec le monde avant de replonger dans les tumultes d’une vie quotidienne algéroise laquelle n’a rien de spirituel !

Sarah Haidar

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