Dans son premier album sorti en France il y a quelques semaines, Smaïl Malli, enfant terrible d’Alger, emprunte le lexique des quartiers et exorcise la débâcle par l’humour. Un argot qui inscrit ses graffitis au vitriol.
Une langue de l’ironie qu’il met au service d’un rap implacable dont les claques fusent sans appel. Sur les six chroniques en rimes qu’il raconte dans cette première saga en solo, le rappeur saisit l’air du temps, sans trop s’embarrasser d’orchestrations musicales élaborées. Cependant, il ne mâche pas ses mots et crache tout le bien qu’il pense de l’“Algérie d’en haut”. Sans jamais se départir d’un humour grinçant, Smaïl use sans modération de l’ironie.
A première écoute, Ydji n’harkoum(votre jour viendra) tient autant de l’art que du canon. A boulets rouges, il tire sur les imposteurs de tout acabit, en retard sur la révolution, sur le peuple, sur l’histoire et qui tiennent toujours serrée la laisse. Dans une suite logique, El hakika (la vérité) revient sur ses choix et sa démarche. Smaïl justifie son rap car, explique-t-il “le rap est souvent considéré comme un genre intrus et l’image que se font les gens des rappeurs est loins de refléter la vérité”. Dans une forme narrative, le jeune rappeur raconte des histoires d’amour qui finissent bien. Un conte de fée dans Descente voluptueuse qui se couronne en… ascension sociale. Il retrace ensuite l’histoire racambolesque d’un jeune qui tourne à l’aigre. Ouled El Houma (les enfants du quartier), mal-vie d’une jeunesse qui digère mal les signes extérieurs de fortune qu’affichent les nouveaux riches. En un mot comme en cent, dans une Algérie du paraître, la force corrosive de l’argent a dissous tous les principes pour rester la seule valeur qui échappe à la dévaluation.
N. M.