» J’ai beaucoup d’amitié pour les Kabyles !  »

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Entretien réalisé par notre envoyé spécial à Paris, Djaffar Chilab

D.D.K. Tout d’abord, vous n’êtes pas surpris qu’un journal kabyle s’intéresse à vous ? Savez-vous que votre notoriété a atteint la Kabylie où vous comptez un public qui vous apprécie ?

L.B. Franchement, je ne me rend pas vraiment compte. Peut-être un peu quand j’ai fait le Zénith en 2004 pour la célébration du Printemps berbère avec les Kabyles.

Qu’est-ce qu’on peut dire de votre relation avec les Kabyles ?

Mais sinon ma relation avec les Kabyles a toujours été empreinte d’amitié, d’échange, et puis c’est vrai que ça me fait plaisir de voir cette communauté soudée, laïque, moderne, voilà quoi !

Je connais bien Mohamed Saâdi, Idir, je reconnais tout de suite sa musique… J’ai pas mal d’amis kabyles même si, à vrai dire, je ne me suis pas vraiment imprégné de la culture kabyle. Mais je sais quand même deux trois choses là-dessus : Il ne faut pas dire par exemple d’un Kabyle que c’est un Arabe, enfin, deux, trois codes comme ça…

Une question très classique d’abord sur les débuts de Baffie dans le show. Comment vous êtes-vous retrouvé dans cet univers ?

J’ai toujours été dans le spectacle, j’ai commencé la comédie étant jeune, après j’ai été auteur, puis homoriste. Par la suite j’ai été auteur pour des émissions, en fait, là ou il y a une comédie, j’ai voulu être là dedans.

Vous avez touché un peu, et même beaucoup, à tout, vous avez une préférence pour un domaine plus qu’à un autre ?

Ma préférence va pour le théâtre, et la Radio. Je n’aime pas tellement la Télévision. J’en ai fait parce que ça me sortait de mon bureau d’auteur.

Vous savez pour écrire, c’est très dur, et je n’avais pas beaucoup de techniques, donc la Télévision, ce n’est pas mal, en plus par ce qu’ils m’ont donné des sous pour faire ce qu’on me reprochait à l’école. J’ai donc bien aimé cela de ce côté là.

Je suis là sur une table et je suis payé, et par moment je ne disais rien. Mais ce n’est pas un média que j’aime particulièrement.

En revanche, j’adore le théâtre, c’est ma place, et la radio est un jouet avec lequel je m’amuse beaucoup. Là, j’en refais sur Europe1, Il y avait longtemps que je n’en avais pas fait…

Mais la grande notoriété, c’est quand même la télé ?

Oui c’est l’image, c’est la télé. C’est vrai que la télé vous propulse tout de suite devant, il y a l’effet de l’image. En plus, moi je faisais des conneries dans la rue…

Vous en gardez certainement des souvenirs ?

Mes bons souvenirs de la télé, oui j’en ai gardé mais pas trop sur les plateaux, c’était plus drôle dans la rue. Vous savez, la caméra cachée, j’aimais bien regarder depuis que j’étais enfant, et ça m’a fait plaisir d’en faire par la suite à ma sauce pour de vrai. Mais sinon de grands souvenirs sur les plateaux, oui bien sùr, avec Ardisson, j’en garde quelques-uns de bons mais beaucoup de mauvais parce que l’émission était très longue.

A travers l’écran, on sent une grande complicité entre vous, c’était le cas ?

Oui, il y a une complicité. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que pour les gens qui regardent la télé, cela dure deux heures et demie, trois heures, alors que cela prenait six heures d’enregistrement sur un tabouret face, parfois, à des gens que je ne voulais pas voir.

Parfois on parlait des conflits ethniques, du conflit israélo-palestinien, on savait bien que personne n’allait le régler, d’autres catastrophes…et à ce moment-là, je ne pouvais pas faire de l’humour et ça me stressait, donc, ce n’était pas toujours drôle, l’émission…

Mais on vous reconnais toujours ce potentiel à trouver toujours quelque chose, la réplique, le commentaire qu’il faut placer…

C’était enregistré aussi, et puis quand je faisais de mauvaises répliques, parfois, Thierry coupait aussi, et c’est pour ça que les gens pensent que je suis beaucoup plus drôle que je ne le suis en réalité.

C’est de l’honnêteté, c’est de la simplicité, de la modestie ?

C’est la vérité…

Vous dites avoir une préférence pour le théâtre. C’est un moment important pour vous quand vous vous mettez à table pour écrire une pièce ?

C’est une vrai passion pour moi, en fait, et j’ai toujours écris des pièces. Mais comme je suis un autodidacte, je n’ai pas tellement été à l’école, c’est le moins qu’on puisse dire, et je n’avais pas la bonne méthode de travail, donc, j’ai commencé beaucoup de pièces dans ma vie et je ne les terminais pas. Et après j’en faisais des sketches, donc j’étais fort sur un format court, et je ne finissais pas les pièces. Et un jour, j’ai changé de méthode de travail.

Par ce que moi, je suis quelqu’un qui veut la perfection tout de suite. Alors que ce n’était pas bien ce que je faisais. A partir de là, je me suis dit : fini ta pièce, elle ne sera peut-être pas parfaite, mais après, tu vas la retravailler, et c’est comme ça que j’en ai fait une, et puis une deuxième que je retravaille en permanence, et puis…

C’est pour cela que vous refaites Toc – Toc ! Vous pensez l’améliorer encore…

Non je veux refaire Toc – Toc ! par ce qu’il y a des gens qui veulent encore voir Toc Toc ! La pièce est en tournée, et il y a encore un potentiel d’auditeurs, un réservoir de spectateurs, et là, on en est à la 550ème représentation. Lors de la 1er pièce, j’ai fais 500 représentations, donc si vous voulez je me suis habitué, pour moi le théâtre c’est 500 représentations. Et là, je vais écrire une pièce sur le permis de conduire, le permis à points qui s’appellera, d’ailleurs, Un point c’est tout. Donc, je fais des stages de récupération de points… C’est tout le monde qui dit : mon permis c’est tout. Lors du premier stage quand on leur demande pour qui le permis est vital, tout le monde lève la main. On travaille avec : pour lui, c’est un taxi, pour celle-là c’est une mère de famille…c’est vital pour tous ! Un point c’est tout, parce que quand t’as encore un point, tu roule. Et tant que tu roule t’es un danger potentiel, c’est un phénomène de société cette histoire de points…

Mais vous passez pour un beau paradoxe puisque d’un côté vous réclamez sans cesse la perfection, et de l’autre le personnage de Baffie, c’est connu, c’est de la provocation, du rire, des conneries, déconneur…

Ce n’est pas antinomique, on peut être un déconneur, et être perfectionniste, moi j’essaye toujours de transformer les points faibles en points forts. Je ne suis jamais satisfait d’une version, il y a toujours mieux. Je suis toujours sur la brèche à chercher des idées, les améliorer, et faire rire c’est beaucoup d’exigences, rien de plus dur que de faire rire. J’ai quand même écris le premier one man show de Bigard, et puis après il a écrit aussi et puis voilà !

Au delà de tout, à papoter calmement, vous avez un regard qui laisse transparaître une grande sensibilité intérieur. C’est une réalité ou une autre pièce de théâtre que vous montez par circonstances ?

Sensible ? Oui j’espère que je le suis. Mais qui n’est pas sensible ? Tout le monde est sensible, du moins je l’espère.

Une bonne transition là pour évoquer les nombreuses opérations caritatives que vous initiez, et autres auxquelles vous avez participé…

Oui j’en fais et je parraine toujours des associations. Je pense que c’est un crime quand on a accès à une notoriété ou qu’on a une certaine réussite, et de ne pas en faire profiter les autres, surtout que ça ne coûte rien et c’est très simple, et ça va de paire.

Vous êtes quelqu’un de plutôt discret dans ce genres d’initiatives ? On n’on entend pas trop parler malgré que vous en faites beaucoup…

Oui parce que j’aime faire les choses sans faire étalage et se faire souvenir qu’il y’a une différence entre le savoir-faire et le faire-savoir… Je pense qu’on peut avoir le savoir-faire sans le faire savoir…

Vous faites quoi exactement dans ce créneau humanitaire ?

J’ai toujours des parrainages de services d’enfants malades. ça toujours ! Et puis, j’ai fait des puits au Niger… Vous savez le caritatif est très difficile, et bizarrement c’est difficile de créer un truc ! Moi je voulais créer quelque chose mais je n’y arrivais pas, c’est trop compliqué. Donc ce à quoi j’ai pensé : Quand j’identifie une ONG qui travaille bien, c’est à dire qui est efficace, où il n’y a pas d’argent détourné, un truc que moi j’estime être bien, alors je mets toutes mes forces à son service, parce que moi je ne pourrais pas la créer mieux que eux ne l’ont fait parce que ça existe déjà. En plus moi je ne fais presque rien, je mets en évidence des associations qui marchent très bien, et je leur donne juste des gros coups d’accélérateur.

Baffie et le cinéma. C’est une autre histoire passionnante de votre vie ?

C’est l’affiche de mon film, je l’ai produit, co-écrit et tout et j’ai mis là-dessus N’allez pas le voir, c’est une merde ! Maintenant, j’ai un projet de long métrage qui va s’appeler Meilleurs vœux.

Elle a fait combien d’entrée  » La merde  » ?

180 000 entrées ! Si j’avais fait 400 ou 500 milles entrées, j’aurais été déjà très bien. C’est un film d’auteur qui ne mérite pas 3 millions de personnes. Dedans il y a eu une centaine d’artistes connus, Debbouz, Bigard, Galabru, Alain Delon, Depardieu…tout le cinéma français, de la vraie merde quoi !

Vous comptez en faire, d’autres plats comme çà ? C’est quoi les projets à venir de Laurent Baffie ?

Et bien c’est déjà ce one man show Sale gosse que je rode. Et il y a aussi la pièce Un point c’est tout.

Les titres sont tout le temps provocateurs avec vous. Vous le faites de manière calculée, ou c’est juste comme ça ?

J’ai toujours scié la branche sur laquelle je me trouve assis. C’est chez moi une règle de base. Toujours! Mais les gens savent que ça fait partie de mon style. J’ai fait une émission qui n’a pas durée longtemps sur Paris première, où j’allais sonner chez les gens, et le slogan c’était surtout N’ouvrez pas !

Toujours une chose et son contraire, c’est votre tactique pour flasher, frapper, et ne pas laisser indifférent l’autre ?

C’est juste que en fait, dans la vie, chaque chose me renvoie à son contraire. C’est mon système de raisonnement !

Vous montez sur scène pour le one man show. C’est un saut neuf auquel vous n’êtes pas habitué. Comment vivez-vous cette nouvelle expérience ?

J’ai le trac, je l’ai fait la semaine passé, ce n’était pas bien, c’est les débuts. J’ai d’ailleurs failli ne pas aller à la représentation. Je n’ai d’ailleurs dit à personne, c’est tout juste que je voulais du public… Là j’ai encore 4 dates en mars, et je vais essayer de ne pas en faire trop. Parce que, en fait, c’est une tournée de rodage pour le show qui durera…une dizaine d’années (rire !), après on pourra se présenter pour un spectacle.

Cette nouvelle expérience de one man show, c’est pour vous un défi ou juste une envie de découvrir autre chose

Non, c’est plus un rêve d’enfance. J’avais trois rêves artistiques en fait : de faire un film, une pièce, et un one man. J’ai fais mon film, j’ai fais deux pièces, et le troisième, c’est ce one man qui me permettra de réaliser mon rêve artistique. Et après mon but sera de doubler ce triptyque. Et en plus j’ai la Radio, parfois la Télé, j’ai de la production pour les autres.

Ça vous dirait de reprendre la télé ?

Si un jour Alain Chaba me demande qu’on refasse Burger quiz, une émission drôle que j’adorais j’y vais tout de suite.

Votre message aux Algériens serait quoi ?

Aux Algériens mon message, c’est de leur dire que je suis inquiet et pas souvent rassuré sur ce qui se passe là-bas. L’avenir qu’on nous promet tarde à venir, alors je leur dis courage, on est avec vous. On a une histoire commune. Et puis je ne comprend pas qu’il y ait encore des gens en France pour dire que la colonisation était bénéfique…

Moi je pense que la colonisation a plus ruiné les civilisations qu’elle ne leur a apporté de bienfaits. Je ne fais pas de politique mais je veux juste dire que je suis sidéré qu’il y ait encore des gens pour dire que c’était bien déjà, et puis, je pense que le pardon n’a pas d’âge. Il y a encore une certaine culpabilité en France par rapport à ça.

Et aux Kabyles en particulier ?

J’ai toujours une amitié pour les Kabyles, et je serais toujours là quand ils me feront appel.

J’ai un lien affectif avec eux, dès qu’on me demande quelque chose pour les Kabyles, ma réponse est oui.

Vous n’êtes pas tenté de vous y rendre un jour ?

Si absolument ! Je n’ai pas une grande connaissance de la Kabylie et de sa culture profonde mais j’ai toujours une grande sympathie même si je ne suis jamais aller là bas.

Présentez votre pièce dans une salle de spectacle à Tizi-Ouzou ?

J’en serais franchement ravi, et ça sera un vrai contexte pour moi pour aller visiter la Kabylie, et aller rencontrer des gens même si quand vous me dites que je suis connu là-bas ça me parait plus de la flatterie qu’une réalité. C’est aussi la même chose quand on me dit que je suis apprécié au Liban. C’est pour moi de l’abstraction. Donc, c’est le jour où j’irai en Kabylie, et discuterais avec des gens que je m’en rendrais vraiment compte.

Vous connaissez quelques mots qui vous serviront pour faire la conversation ?

Oui mais je ne vais pas les dire, c’est des gros mots. Impossible ! Je vous dirai juste azul !

C’est le seul que vous connaissez ? Allez quelque chose d’autre ?

Non, je n’ose pas, c’est gros ! Vous l’assumez ?

Allez y…

Inadine mok ! (Grand éclat de rire !).

D.C.

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