Pourquoi la Kabylie ?

Partager

La recrudescence de la violence terroriste, additionnée à celle du grand banditisme en Kabylie, non seulement exaspère la population de la région, mais inquiète et interpelle l’ensemble des observateurs et analystes.

A cette terreur brigando-terroriste, les citoyens de Kabylie font face comme l’ensemble de leurs concitoyens à une délinquance quotidienne, une violence banalisée voire marginale par rapport au fléau du terrorisme. Bon nombre de citoyens se posent cette question: pourquoi la Kabylie? Un ensemble de facteurs, pas forcément liés les uns aux autres, concourent à la naissance de la situation actuelle.

L’ex-GSPC, qui a de tout temps choisi la Kabylie comme zone de repli et de formation, se retrouvant le pied au mur et acculé par les forces de sécurité, tente de desserrer l’étaut sur les petits groupes encore en activité. En cela, les terroristes sont fortement avantagés par le relief boisé et escarpé de la région et bien entendu son étendue géographique. Ainsi dès la sortie est d’Alger, et ce à partir de Boudouaou, les différents maquis existants peuvent nous conduire jusqu’à la région de Jijel. Cette configuration du terrain et son ampleur permettent aux petits groupes terroristes encore actifs de mener des opérations, de se replier et de rejoindre une autre région en un temps record. Il faut savoir qu’une voiture piégée “préparée” à Sidi Ali-Bounab ou Sidi Naâmane peut être acheminée en une heure aux portes de la capitale. Les groupes terroristes qui ont beaucoup perdu en termes de force de frappe, privilégient aujourd’hui les attentats à la bombe au bord de route et les opérations kamikazes pour plus de spectacle et moins de risques en termes d’engagement physique de leurs troupes. Cela sur le plan strictement militaire. Sur le plan politique, nous pouvons constater deux ou trois choses qui ont changé dans la région de Kabylie. En effet, si au début des années 90, à l’apparition du phénomène intégriste et son corollaire, le terrorisme, des acteurs politiques et de la société civile avaient fait de la lutte contre ces phénomènes leur menu quotidien, force est de constater qu’aujourd’hui le discours anti-intégriste est faible, voire inexistant. Cet état de fait a conduit à une démobilisation citoyenne et a permis aux intégristes de gagner du terrain en Kabylie. Cette avancée islamiste dans la région est d’un côté favorisée par l’abandon de la lutte anti-intégriste par les partis politiques, et de l’autre par une propagande soutenue d’une hypothétique et chimérique évangélisation de la Kabylie.

Cette dernière permet aux islamistes d’avancer à couvert et d’approcher les jeunes de la région pour leur expliquer le danger qui pèse sur l’islam et les fondements identitaires. Il est évident que la grande famille islamiste ayant adopté depuis longtemps la politique des vases communiquants, plus l’aile politique recrute, plus l’aile terroriste a des chances de voir le réservoir de recrutement s’élargir et donc de voir de nouveaux terroristes arriver au maquis. La Kabylie a besoin, plus que jamais, de remobiliser ses élites autour du projet politique qu’elle a toujours su porter, à savoir le projet républicain, patriotique et anti-intégriste. Ceux qui constituaient l’avant-garde dans la région de ce projet national ayant consommé leurs échecs politiques et électoraux, la Kabylie se doit de puiser dans ses entrailles les plus profondes pour faire émerger les militants les plus constants et les moins intéressés par les jeux politiciens.

C. A

Partager