Pratique et conséquences

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À en croire les chercheurs, le choix de prendre plusieurs épouses relève de la curiosité sociologique. Ainsi plus de 4 000 demandes de mariages polygames sont parvenues devant les juges des tribunaux de la famille.

Phénomène réel en Algérie, la polygamie alimente aussi bien les fantasmes que les critiques les plus virulentes. Ainsi, elle est considérée comme un régime matrimonial allant au-delà du simple couple (monogamie). On distingue la polygynie (un mari et deux ou plusieurs épouses), admise dans de nombreuses sociétés, de la polyandrie (une épouse et deux ou plusieurs maris), qui est beaucoup plus rare. L’un des objectifs de la polygamie est de pourvoir à la sécurité matérielle de toutes les femmes d’un groupe.

D’un autre côté, le fait d’avoir plusieurs femmes est lié au prestige et à la richesse de l’individu. Ainsi la polygamie se veut une manifestation de puissance, surtout de puissance sexuelle de la part du mâle qui la contrôle. Mais elle a été aussi, au long de sa très ancienne histoire (bien avant l’Islam) un outil politique.

Asseoir sa domination

La religion en offre de clairs exemples. Prendre possession du harem du souverain, ou séduire une de ses concubines, c’est affirmer une prétention d’usurper son pouvoir

Si cette polygamie  » de prestige  » où que ce soit, est réservée aux puissants, les contraintes familiales, le besoin de s’assurer une descendance peuvent aussi susciter une polygamie  » utilitaire « .

La fécondité, des  » maîtres de harem  » peut être une gloire mais aussi un danger potentiel avec le nombre parfois très élevé de descendants. Ceux-ci ne voient pas leurs droits clairement définis et peuvent se lancer dans des guerres de succession et des batailles incessantes.

D’où l’avantage de la monogamie. Peu de garçons et un principe simple de choix, la primogéniture (l’héritage revient à l’aîné), plus difficilement applicable à une famille polygame (la hiérarchie des mères jouant forcément aussi).

Le nouveau Code de la famille n’est pas venu à bout d’un phénomène, la polygamie, que l’on dit en baisse et que les chercheurs taxent de  » curiosité sociologique « .

Chemise blanche assortie de l’indispensable chéchia sur la tête Ramdane, la cinquantaine, bien entamée, nous parle de ses deux épouses avec un franc parlé hallucinant j’aime commander deux ou plusieurs femme à la fois, mes épouses Je les aime toutes les deux, mais je dois avouer que la deuxième est ma préférée. Elle est jeune, belle et prévenante”. Marié à deux femmes, il avoue ne pas pouvoir “taire ce que lui dicte son cœur”. Et il se défend de toute discrimination conjugale entre ses deux moitiés. Sa première épouse, 43 ans, qui n’est rien d’autre que sa cousine, est la mère de ses quatre enfants. La deuxième, qui vient seulement d’avoir 26 ans et qui a l’âge de l’une de ses filles.

“Je ne suis qu’un être humain, j’ai mes faiblesses. Quand j’ai rencontré ma deuxième femme, je l’ai tout de suite aimée. En l’épousant, je n’ai rien fait de contraire aux règles et aux usages liés à la Charia.” Ramdhane fait partie de ces polygames qui résistent encore à l’évolution des mentalités, mais aussi aux quelques obstacles dressés par le nouveau Code de la Famille. Une espèce en voie de disparition, capable d’entretenir et de subvenir aux besoins de deux, trois ou quatre ménages à la fois. Les histoires de ces hommes “rares” sont différentes, leur seul point commun repose sur une conception bien personnelle de l’amour conjugal, où l’exclusivité n’est pas une constante, du côté masculin bien sûr. Un autre cas celui de Chemseddine qui a été toujours polygame et ce depuis sa première épouse  » y a pas dire sur le sujet c’est mentionné sur le Coran, mais ça ne veut pas dire que tout est permis, la règle explique-t-il est que l’essentiel que l’époux subvienne aux besoins de ses compagnes avec un partage équitable.

Ce que dictent la religion et la loi

Tolérée par la religion musulmane et ancrée de longue date dans les mœurs, les traditions, et la culture arabo-musulmane et algérienne la polygamie a fait son entrée dans notre pays depuis des siècles. Ainsi, la loi islamique autorise de prendre pour épouses légitimes jusqu’à quatre femmes tout en restant équitable et consacrer le même droit à chacune des épouses. Néanmoins dans certains pays musulmans, comme la Tunisie la polygamie a été interdite, et d’autres estiment que la restriction du nombre de femmes est contraire à l’islam, se basant sur le fait que l’on ne peut interdire ce que Dieu a permis.

Ainsi dans cette situation le juge reste le tout-puissant. En effet et Contrairement à ce que beaucoup pensent, l’aval de la première épouse n’est pas obligatoire pour contracter un second mariage.

“Le dernier mot revient toujours au juge. Seul lui peut autoriser ou refuser un mariage polygamique”, nous explique Sadek B., avocat à la cour d’Alger. Selon la loi, la première femme a juste le droit d’être officiellement informée, sans plus. Et son refus n’empêche pas son époux de se remarier. En revanche, elle peut toujours demander le divorce si elle le souhaite. “Les femmes se trouvent devant un dilemme : se soumettre au choix de leur mari ou entamer une procédure du chiqaq (séparation) pour sauver leur honneur”, explique Fatiha Sayeh, coordinatrice du centre, spécialisé dans l’écoute des femmes victimes de violence. En 2006, le centre a traité 11 cas de polygamie, contre une trentaine en 2004, année qui correspond à l’entrée en vigueur du Code la famille.

“Ce qui pose réellement problème dans la procédure de polygamie, c’est le pouvoir discrétionnaire du juge”, relève Sayeh. Souvent, leur background culturel n’est pas en adéquation avec la volonté progressiste voulue par la loi.

Ce centre relate par exemple le cas d’un homme marié à deux femmes et père de quatre enfants. Agé et affaibli par la maladie, il projetait pourtant de prendre une troisième épouse. Son argument ? Il désirait avoir un nouvel enfant, le cinquième, mais ses deux femmes avaient dépassé l’âge de procréation Comment cette histoire s’est-elle terminée ? Le mari a déposé une demande (de nouveau mariage polygamique) au tribunal… qui a rendu un jugement en sa faveur.

À en croire les chercheurs, “la polygamie relève désormais de la curiosité sociologique”, comme l’affirme Abdelkader, spécialiste de la sociologie de la famille et auteur d’une grande étude sur le mariage. Une curiosité ? Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de la Justice, en 2006, plus de 4 000 demandes de mariage polygamique sont parvenues devant les juges des tribunaux de la famille. Toutes n’ont pas été traitées, mais sur les 3 339 dossiers “tranchés”, 1 450 ont été acceptés, un peu moins que les 1 889 refusés.

Certes, en l’absence de statistiques sur plusieurs années, il est malaisé de se faire une idée précise sur l’évolution de la polygamie. Mais d’après les responsables du ministère, la tendance au niveau des autorisations accordées par les juges est assurément à la baisse.

“Les juges sont devenus plus sévères en matière de mariage polygamique. Ils ne l’autorisent plus qu’en certains cas, comme la stérilité avérée de la première épouse”, commente un cadre du ministère de la Justice.

On en est toujours là. Si les polygames existent dans toutes les catégories sociales, beaucoup sont plutôt aisés, et souvent de fervents religieux. Après un premier mariage, dans lequel ils ne trouvent plus leur compte, ils convolent en secondes noces, sans pour autant se séparer de la première épouse.

Celle-ci est souvent “gardée” parce qu’elle est “la mère des enfants”. Et quand les moyens du mari polygame le permettent, les deux ménages vivent dans des foyers distincts. Sinon, les deux “couples” sont contraints de cohabiter sous le même toit.

Les polygames, comme on nous l’a expliqué, n’hésitent pas à brandir la carte de “l’équité” (dans le traitement des épouses). Faut-il pour autant y croire ? “Non, l’équité n’est pas possible, pour la simple raison que l’homme polygame est en quête du meilleur, et aura tendance à le traiter en conséquence”, assène, catégorique, le sociologue M. Ahmed.

En fait, quelles sont les raisons de la polygamie ? Pas de réponse-type possible : problèmes d’ordre sexuel, incompatibilités, simple attrait de la “nouveauté”, stérilité féminine, etc. Mais comme on peut s’y attendre, les polygames sont unanimes sur un seul point : les problèmes de couple proviennent exclusivement de la femme, et la tentation polygame est moins une lubie ou un luxe que le résultat d’un “manque ressenti au sein de la vie conjugale”. Des arguments que M. Ahmed nuance.

Selon lui, la polygamie est de moins en moins un choix délibéré, comme ce fut le cas par le passé et davantage un acte presque forcé. “Nombre de polygames ont été piégés dans une relation extraconjugale, qui s’est prolongée dans le temps et a fini par être formalisée par un acte de mariage”, interprète-t-il. Le constat, bien ancré dans la nouvelle réalité marocaine, ne retrace cependant pas toute la complexité de la polygamie.

La loi islamique autorise à prendre pour épouses légitimes jusqu’à quatre femmes en restant équitable. Etre équitable veut dire ici que le mari doit consacrer les mêmes droits à chacune de ses épouses : équité dans le temps passé auprès de chacune d’elle, équité financière, équité dans l’estime et l’amour. Aucune préférence même légère envers l’une d’entre elles ne peut être admise.

Tout le monde serait d’accord pour dire qu’une telle condition dépasse la capacité voire la nature humaine, c’est pour cela que l’Islam a limité le nombre d’épouses à quatre.

Notons également qu’une femme ne peut être forcée à devenir une seconde épouse. La première femme qui n’accepte pas une situation de polygamie a le droit de demander le divorce.

Les conséquences de la pratique

Selon Mme Lamine psychologue  » la polygamie engendre rivalité, jalousie et haine qui se traduisent par des souffrances allant jusqu’à la dépression et au suicide car aucune femme n’accepte cette situation certaines font semblant, mais hélas derrière on se fait mal moralement et physiquement car la polygamie est une conséquence de “l’instabilité des mariages”. Instabilité qui pousserait d’un côté, les hommes à prendre plusieurs femmes au cours de leur vie.

Et de l’autre côté, les femmes répudiées à accepter, bon gré, mal gré, un mari polygame pour éviter de rester célibataires. Ainsi plusieurs suicides ont été enregistré en Algérie et liés à la polygamie et même des meurtres, car souvent il y a des divergences et des tensions chez les épouses, mais aussi le mari tel un mal dominant dans la jungle subvenant aux besoins de plusieurs femelles en contrepartie de……et la femme dans tout ça n’a pas son mot à dire en subissant les affres d’une société ainsi que des pratiques que l’on croyait révolues.

Aujourd’hui, la polygamie est un sujet « tabou » en Algérie où la pratique reste souvent dans le cercle familial en ces temps où notre siècle est celui de la libération de la femme.

Dans les sociétés occidentales où le système n’accepte pas les mariages multiples, il serait impensable de légaliser cette pratique.

L’image d’un homme ayant plusieurs femmes est perçue comme un esclavage de la femme.

Pourtant, ces mêmes sociétés monogames ont établi un système qui reconnaît la difficulté voire l’impossibilité de se contenter d’un seul partenaire sa vie durant, puisque le divorce et le remariage sont devenus très faciles !

La séquence mariage-divorce-remariage rappelle la notion de la variété des rapports sexuels présente dans toute société polygame. Toutefois, les chiffres restent méconnus en l’absence de statistiques fiables. On peut donc en conclure que, du moins en ce qui concerne le statut de la femme et sa dignité, le divorce est préférable à la polygamie, mais chez nous, c’est loin d’être le cas.

Merbouti Hacene

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