Par: Battou Hakim
On n’est pas sensé d’ignorer l’un des piliers de la culture algérienne, notamment de la culture kabyle, sinon on sera, sans doute, condamné à revivre dans l’abime de l’oubli.
Qui dit Mouloud Mammeri, dit démocrate impénitent et défenseur inlassable de l’Algeriannité. Mouloud Mammeri jusqu’à son dernier souffle, fait courir l’Algérie réelle dans ses veines.
Son itinéraire exemplaire et son œuvre féconde ont fait naitre en lui un chantre incontesté et incontestable de la littérature populaire algérienne; son génie d’homme de culture a fait de Mouloud Mammeri un miroir où sont reflétées les aspirations, la liberté, la justice, l’inspiration… en somme une vie meilleure.
Mouloud Mammeri est né un certain 28 décembre 1917, à Taourirt Ait Mimoun, une localité à 30 km du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou.
Le jeune Mouloud est envoyé, à l’âge de 12 ans, chez son oncle à Rabat où il fait ses études secondaires avant de revenir à Alger où il acheva son cycle au lycée Bugeaud, dans la banlieue de la capitale.
Mobilisé avec les troupes françaises en 1939, puis libéré en 1940, il s’inscrit à la faculté de lettres d’Alger.
Mobilisé une nouvelle fois, après le débarquement des Etats-Unis, il fera les compagnies D’Italie, de France et d’Allemagne.
En 1945, il prépare le professorat, puis rentre en Algérie en 1947 et enseigne à Médéa, puis à Ben Aknoun. En 1957, il quitte encore l’Algérie pour le Maroc et il ne reviendra qu’au lendemain de l’indépendance.
L’auteur infatigable de la trilogie littéraire de ses trois premiers romans, à commencer par la fameuse « Colline oubliée », un roman écrit en 1955, et enfin « l’Opium et le bâton » écrit en 1965. Au long de cette démarche, Mammeri restitue l’âme d’une terre natale où s’affrontent les rêves d’une jeunesse qui a perdu longuement et désespérément ses repères, du moins à quoi elle voulait se rattacher.
Mouloud Mammeri décrit la scène, en faisant conjuguer l’actuel et le rituel, royaume perdu et nostalgie indicible, enfin le malaise déambule ici et là, dans ses propos.
Mammeri traverse, avec nuance, son sens de la vérité à soi et de la complexité, sa parole est dans les infimes déplacements qui dépassent, transcendent même les certitudes vulgaires auxquelles il ne prête guère attention.
A propos du roman de « La colline perdue », Mammeri disait à cet égard: « J’ai commencé avec ma Colline oubliée… J’avais quitté ma province natale et j’avais l’impression d’une coupure très radicale », avant d’ajouter que le roman a été écrit « pendant trois mois dans un état d’euphorie ».
C’est dire combien la joie d’écrire ne l’a jamais quitté même si dans ses écrits l’optimisme n’était pas toujours de mise. Son combat et son militantisme pour la libération ne s’est pas arrêté. Un ardent militant pour la cause nationale s’est donné corps et âme pour que le peuple algérien retrouve sa dignité d’antan.
A cet égard, l’écrivain signait les éditoriaux du journal « Espoir » sous le pseudonyme de Brahim Bouakkaz; c’était également lui l’informateur des Nations Unies dans des rapports signés Kaddour.
Même en dehors des frontières: au Maroc comme ailleurs, Mammeri continue à militer pour la libération de son peuple innocent du joug colonial.
Tout ce qu’on peut dire sur une telle figure emblématique n’est qu’une goutte dans l’océan, et ce en vue des multiples nobles causes qu’il avait défendues. Un inéluctable révolté meurt-il quand il laisse des empreintes indélébiles dans la conscience collective d’une nation?
Aujourd’hui, Mammeri dort de son sommeil du juste, sur sa colline oubliée, et il n’a jamais prêté soumission ni à l’opium ni au bâton.
B. H.