Les petites ambitions des gagne-petit

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Ce n’est qu’un passage à l’ultime tour qualificatif aux coupes d’Afrique et du Monde, mais l’euphorie est à son comble. Techniquement, il est vrai que pour aller à la phase finale d’une compétition sportive, il faut d’abord passer l’écueil des étapes intermédiaires du parcours, et chaque barrière de franchie est un motif de satisfaction. Mais le problème est ailleurs. L’équipe nationale de football, dans le cas précis, est en train d’illustrer de la manière la plus magistrale l’esprit gagne-petit qui a fini pas s’installer dans les rouages du sport et d’ailleurs. Progressivement, nos ambitions se sont érodées et nous voilà jubilants comme un enfant misérable devant un jouet de pacotille ou un junkie en manque tremblotant à l’arrivée d’une dose providentielle. Nous voilà, nation de football devant l’éternel, en liesse pour des clopinettes, les lèvres baveuses et les bras brassant le vent. Nous convoquons Dieu et la partie pour avoir arraché de haute lutte un match nul face à une sélection libérienne qui, il n’y a pas si longtemps, aurait été balayée par la dernière de nos équipes de douar. Étendard déployé, Rabah Saâdane, le sélectionneur, “dédie la qualif au président de la République.” Pauvre Boutefika. On a donc si peu à lui offrir qu’il doit se contenter d’un zéro à zéro en emballage-cadeau digne d’un tableau de maître. Un zéro à zéro qui n’aurait même pas été suffisant à entretenir l’illusion sans un heureux concours de circonstances éhontement comptabilisé comme exploit. Il y a plus d’un quart de siècle, nous faisions jeu égal avec le Real de Madrid, la Juve et le Bayern en match de préparation à la Coupe du Monde. Aujourd’hui, nous n’avons même pas accès au Mali, et la Guinée nous a contraints à aller l’affronter dans un stade sans tribune de pisse-ville sur merde. Oui il y a vingt-six ans, l’Algérie était qualifiée pour la coupe du Monde. Elle humiliait l’Allemagne de Breitner et Ruminegué. Kaltz, l’un des meilleurs défenseurs de la planète en son temps, levait les mains au ciel en se demandant d’où sort cet extraterrestre de rouquin, Hrubech mordait dans le gazon face à un petit gardien volant du nom de Mehdi Cerbah et le monde entier écarquillait les yeux devant la chevauchée fantastique de Chabane Merzekane. Il y a vingt-six ans, le Chili nous affrontait avec d’affreux complexes. Nous avons contraint le finaliste à la honte du siècle. Et les Algériens, reconnaissants mais ambitieux, n’avaient pas digéré l’élimination au premier tour. C’était plus qu’un concours de circonstances qui a stoppé la sélection algérienne. La combine la plus pitoyable qui a fait jurisprudence en poussant la Fifa à faire jouer les matches le même jour, à la même heure. Aujourd’hui, nous n’avons plus de joueurs, plus d’entraîneurs, plus de fédération, plus de stade, mais nous dansons comme des imbéciles. Heureux de jouer les pitres d’Afrique en attendant d’être éjectés sans ménagement de la piste une fois que les choses sérieuses auront commencé. Revenons sur terre, les pays susceptibles de faire la fête en Angola et en Afrique du Sud sont connus. Leurs joueurs sont dans les meilleurs clubs d’Europe, alors que notre meilleur espoir se bat pour une place à Marseille après y avoir longtemps fait banquette. L’un de nos plus performants est remplaçant à Valenciennes.

Celui qu’on continue à appeler hypocritement “l’ancien gardien du PSG” a totalisé à peu près zéro minute de jeu dans ce club avant d’atterrir au Mouloudia où il multiplie les bourdes et se fait régulièrement reléguer au banc par de jeunes keepers venus de nulle part. Arrêtons de pavoiser, il n’y a aucune raison de le faire. Ils nous bercent d’illusions et nous mentent avant de nous tuer un jour de rage et de désespoir. Il faut bien que quelqu’un dise qu’ils ne nous font même pas rire, ces gens qu’on paie pour nous faire rêver.

S. L.

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