Une démonstration de charme mutuelle

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De notre envoyé spécial Dalil Saïche

C’est ainsi que les 13, 14, 15, 16, 17 et 18 du mois courant s’est tenue la Semaine culturelle de Béjaïa à Batna. Ont pris part à cette semaine une dizaine d’exposants, des chanteurs, des musiciens, des poètes, des conférenciers, des professionnels des planches, des sculpteurs, des danseurs et des danseuses. Cette caravane a mis, sans nul doute, en relief tout ce qui est originel à Béjaïa et ses régions. Des particularités propres à la Kabylie que la Direction de la culture s’attelle à vulgariser. C’est d’ailleurs, nous dit le directeur de la culture de Béjaïa, Mourad Nacer, l’objectif recherché à travers l’institution de ce festival. “Vulgariser les cultures et les arts populaires de la région à Batna et ailleurs est notre principal objectif “ souligne-t-il. Et cela est devenu possible, soutient-il, grâce à l’institution du Festival culturel local des arts et des Cultures populaires par le ministère de la culture. L’initiative, insiste-t-il, est somme toute louable.

A la vulgarisation des cultures et des arts populaires des différentes régions du pays, s’ajoute la confrontation entre les cultures qui permettra, à coup sûr, aux musiciens, aux chanteurs, aux artistes plasticiens, aux écrivains et à tant d’autres acteurs de la culture et de la création de partir à la rencontre, à la découverte et à l’écoute de toutes les populations à travers le territoire national.

Dans cette veine se profilera, d’une part, la perspective d’un échange régulier entre les différentes régions du pays et permettra la mise en place d’un noyau où se tissera des liens entre les régions d’un seul pays. D’autre part, les mécanismes de l’oubli et du rejet de l’étrange étranger, lesquels ont été longtemps entretenus et érigés en règle par un obscurantisme sans nom, seront, dans le cadre du Festival culturel local des arts et des cultures des différentes régions du pays, automatiquement démantelés. Partant les spécificités régionales en termes d’identités et de cultures ne seront plus des sujets tabous, mais une valeur ajoutée qui constituera dans le futur la richesse d’une Algérie plurielle. En un mot : de la diversité dans l’union pour un épanouissement tant culturel qu’identitaire.

S’inscrivant dans une approche de complémentarité et d’enrichissement, le programme présenté par la caravane de Béjaïa dans la wilaya de Batna du 13 au 18 du mois en cours a été éclectique et à la hauteur des attentes des Chaouis qui sont venus en nombre à la Maison de la culture de la capitale des Aurès pour découvrir les différentes facettes de Béjaïa et rencontrer les artistes, les sculpteurs, les musiciens, les écrivains, les dramaturges, les troupes folkloriques, les leaders du mouvement associatif qui veillent à la préservation des objets traditionnels de la Kabylie, de son manuscrit, bref de sa personnalité.

En témoignent dans ce contexte les travaux de l’artiste créateur Remila A/Krim qui, d’une main de maître, est dans la création et le détournement de matières et leur recyclage pour mettre en valeur, entre autres, le bijou kabyle. Celui-ci compose, il est vrai, des œuvres artistiques d’une beauté unique. « J’ai tutoyé beaucoup d’artistes ici à Batna qui m’ont encouragé à persévérer dans mes travaux, notamment en calligraphie car la mienne à une touche un peu personnalisée. Ma participation a eu beaucoup d’écho « , nous dit l’artiste.

Les stands de l’exposition de la caravane de Béjaïa abrités par la Maison de la culture de Batna se succédaient, se suivaient et se complétaient. Une exposition, soulignons-le, qui a été une vitrine culturelle, artistique et historique de la Soummam. Ainsi de la calligraphie de Remila A/Krim, la population de Batna a pu apprécier à leurs justes valeurs les sculptures de Salah Bouchebah et admirer les fresques de Layachi Haddadi. Les femmes chaouies ont aimé et souhaité enfiler, et pourquoi pas sur place, une robe kabyle aux couleurs vives et porter les bijoux kabyles en argent exposés à l’occasion. Aussi, elles ont sûrement apprécié le tapis kabyle, la vannerie et la poterie de la région. Un autre stand, et non de moindre importance, a accueilli les objets traditionnels de la Kabylie. Des objets préservés jalousement par l’association  » Adrar N Fad  » d’Ath Smaïl.  » Il faut impérativement préserver ces objets  » lance un visiteur à l’adresse du tenant du stand au dernier jour de la semaine, soit le 18 novembre dernier.

Tenant compagnie aux objets kabyles, c’est un autre espace, réservé, celui-là, à la Kalaâ d’Ath Abbas qui renaît, à la faveur de ce festival, de ses cendres et parle d’une époque où la région était la terre d’une cohabitation religieuse et la cité d’une architecture typiquement kabyle.

La Kalaâ attend toujours la mise en branle du plan portant restauration des sites historiques et archéologiques de la wilaya de Béjaïa pour retrouver son lustre. Le reportage-photo réalisé par l’association “Jean El Mouhoub et Taous Amrouche” retrace le patrimoine architectural de la Kalaâ d’Ath Abbas. Aux côtés de la Kalaâ, les manuscrits de la bibliothèque de cheikh Lmuhub Ulahbib et d’El Waghlissi ont permis aux visiteurs chaouis de prendre connaissance qu’à une certaine époque Béjaïa et ses régions étaient des centres de transmission du savoir. En appoint, un autre stand relate l’histoire de Bejaia et sa région à travers les siècles. Il s’agit d’un travail de recherche accompli par l’association ‘‘Gehimab’’. Il est à souligner que l’exposition a drainé beaucoup de monde et a été appréciée à sa juste valeur par les visiteurs chaouis.  » La semaine de Béjaïa est la plus réussie. L’exposition est riche et les exposants ne rechignent pas à nous renseigner sur les menus détails s’agissant de tout ce qui est exposé. Ils sont au passage à féliciter. Personnellement j’ai beaucoup apprécié et ça m’a permis de découvrir les différentes facettes de la culture kabyle d’une part et l’histoire de Béjaïa d’autre part  » estime Soltane, journaliste à la radio locale. En plus d’une exposition permanente, la Semaine culturelle de Béjaïa à Batna a été ponctuée par d’autres animations. C’est ainsi que plusieurs artistes se sont produits à la salle des spectacles de la maison de la culture de la ville-hôte, des conférences ont été animées, des projections de films, une animation théâtrale et des récitals poétiques ont été au rendez-vous au grand bonheur de la population locale.

Des fragments d’affiches

Fidèle à son idéal, celui d’offrir à son public une musique acoustique et inventive, des textes au souffle poétique inégalable d’où ressort une harmonie et la beauté d’un artiste au parcours artistique singulièrement bariolé le mélodiste Djamel Allam, ambassadeur de la chanson moderne kabyle, voire algérienne s’est produit dans la salle des spectacles de la Maison de la culture de Batna juste après la cérémonie d’ouverture, le 13 novembre dernier. Le public a été au rendez-vous pour accompagner en chœur Djamel Allam. Celui-ci, on le souligne au passage, a su et pu propulser la chanson kabyle hors de ses frontières culturelles. A Batna le public a beaucoup aimé la prestation de l’artiste.

La musique chaâbi a été, elle aussi, au programme de la caravane de Béjaïa. Elle a pris le relais deux jours après le premier gala, soit le 15 du mois en cours avec deux chanteurs, à savoir Mokhtar Achouri et Cyria. Les deux artistes ont été accompagnés par l’orchestre, pilote « Tilanya « . Ce soir-là les jeunes qui sont venus assistés au gala, abrité également par la salle des spectacles de la Maison de la culture de Batna, se sont beaucoup servis de leurs jambes pour danser. Les deux artistes étaient, quant à eux, comblés d’avoir pu enflammer la salle et séduit le public chaoui.

Au dernier jour et dans la même salle, le 18 novembre dernier, Abdelkader Bouhi et Kaci Boussaâd du groupe  » Idurar  » ont animé la soirée de clôture. Exceptionnellement et sur insistance du public qui est venu en masse, la chanteuse Cyria y a pris part. Tous les trois, toujours accompagnés par l’orchestre  » Tilanya « , ont en effet séduit le public qui a apprécié leurs prestations.

De la problématique du texte aux planches

« Entre les adeptes du théâtre ‘’texte’’ et du théâtre ‘‘représentation’’ les avis divergent jusqu’à exclure l’auteur du théâtre ou bannir le metteur en scène. Entre création, traduction, adaptation, algérianisation et autres, le théâtre algérien a su présenter des pièces de ‘‘ bonne facture’’ avec des concessions de part et d’autre, de l’auteur ou du metteur en scène  » a estimé le directeur du TRB, Omar Fetmouche, lors d’une conférence animée le 16 novembre dernier à la Maison de la culture de Batna autour du thème « Le statut du texte dans la représentation théâtrale « .

Le conférencier s’interroge à ce sujet sur les facteurs ayant fait en sorte que les représentations théâtrales en Algérie réussissent. « Est-ce la qualité du texte qui est à l’origine ou cela est-il dû à l’ingéniosité et à la créativité des metteurs en scène » a-t-il lancé à l’adresse de l’assistance qui attendait impatiemment de voir les comédiens du Théâtre régional de Béjaïa sur les planches. Le moment tant attendu est arrivé juste après la conférence. A l’affiche une pièce théâtrale intitulée Wouhouch.com était au programme. Celle-ci- traite, dans un style humoristique, la problématique lancinante du trafic d’organes au niveau des structures de santé et ses effets pernicieux sur la société. La pièce théâtrale, faut-il le signaler, a drainé une foule nombreuse. Il est à souligner par ailleurs qu’à chaque fois qu’une troupe du TRB figurait au programme des semaines culturelles de Béjaïa, comme ce fut le cas à Khenchela et Relizane, le public venait assister en nombre à ses représentations. Cela démontre et met en évidence, si besoin est, la qualité des productions et le professionnalisme des comédiens du TRB.

Cheikh Aheddad et l’insurrection de 1871

Adapté du livre de l’écrivain Ali Battache, le film-documentaire sur la vie de cheikh Aheddad et l’insurrection de 1871 intitulé Tanekra et réalisé par Djilali Boukhedad a été projeté dans l’après-midi du samedi, 15 novembre dernier à la salle des spectacles de la Maison de la culture de Batna. Ensuite un débat avec l’écrivain s’en est suivi. Au dernier jour de la semaine culturelle de Béjaïa à Batna le 18 novembre dernier, la même thématique a fait aussi l’objet d’une communication donnée par Ali Battache, enseignant et écrivain.

La communication et le film-documentaire ont pour objectif, selon l’écrivain, le rétablissement de l’une des figures historiques de la wilaya, en l’occurrence cheikh Aheddad. A ses yeux, l’artisan de l’insurrection de 1871 n’est toujours pas connu en tant qu’homme de sciences, de religion, un père spirituel de la tarîqa El Rahmania et une personnalité révolutionnaire. Il en veut pour preuve l’écho qu’avait eu son appel. Un appel à l’insurrection, soutient-il, lancé le 8 avril 1871 à Seddouk qui parvint dans plusieurs régions du pays dont celle des Aurès en date du 21 avril 1871.

Selon lui, à chaque fois qu’il s’agissait de faire face à l’occupant, les Kabyles et les Chaouis se rencontraient. Il cite pour appuyer ses propos, Takfarinès, qui avait combattu les Romains durant leur conquête en dehors de la région des Aurès, à savoir à El Kseur. Et lors de la révolution de Novembre, le colonel Amirouche et Si El Houas étaient ensemble dans les maquis de leurs régions respectives.

Des balcons du Ghoufi à Timgad

De tous les sites archéologiques qui parsèment le territoire de l’Algérie, ceux de Batna sont parmi les plus enchanteurs. L’on cite les balcons du Ghoufi et Timgad. Deux sites archéologiques qui fascinent le visiteur. Le premier, situé à plus de 80 km du chef-lieu de wilaya est l’œuvre des autochtones, les Amazighs des Aurès. Le village, construit dans des vallées en gorges très profondes, offre d’imprenants balcons. Les matériaux utilisés sont les même qu’utilisent les Kabyles, à l’exception de la toiture. Un oued et des palmeraies séparent les deux versants du village. L’oued porte localement le nom de  » Ighzer Amellal « . Présentement il est ‘’noir’’, se désolent nos accompagnateurs. De même que le site est menacé de disparition si rien n’est fait, avertissent-ils. Le deuxième site est Timgad. Sitôt le portail du site franchit, le présent s’estompe et un calme ‘‘olympien’’ s’installe. La cité romaine est construite en l’an 100 après J.C. Ses vestiges témoignent d’une ville qui était florissante et où habitaient quelque 15 000 légionnaires. On l’appelait à cette époque-là ‘‘ la source du bonheur’’. Deux sites archéologiques visités par la délégation de Béjaïa, ainsi que le musée du « Moudjahid » de Batna.

D. S

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