Ce bout de fille était un baume au cœur. De sa silhouette menue et de son sourire tellement discret qu’il devient introuvable, elle remplissait tous les espaces sans jamais les encombrer.
Elle laissait le soin aux mastodontes incultes d’envahir les périmètres vitaux qu’elle savait déserter comme si de rien n’était quand l’air venait à manquer ou devenait irrespirable. Jeune diplômée, elle a pris l’escalier du journalisme par en bas. Elle n’avait pas besoin d’être humble, elle était l’humilité. Alors elle s’était mise à apprendre, y compris ce qu’elle savait déjà. Le métier et tout le reste.
A ceux qui la couvraient de compliments, elle disait simplement merci, avant de passer à autre chose. Elle savait la vanité des louanges quand elles arrivent un peu tôt et elle n’y a, sans doute, jamais prêté attention.
Trop petite pour la grosse tête, trop intelligente pour pavoiser devant si peu. Elle savait sa petite santé handicapante pour un travail si exigeant, alors elle compensait : tout dans la tête de ce bout de fille. Si personne dans son entourage n’a vraiment sondé ses ambitions intimes, tout le monde savait qu’elle était capable d’aller au bout.
Les ressources, Hayat en avait parce qu’elle savait toujours où en puiser. Elle n’est pas née avec une cuillère dorée dans la bouche et elle a lu assez de livres pour savoir que les plus beaux parcours empruntent les sentiers de l’adversité. Et elle s’y est installée, la détermination ne chassant pas vraiment le doute, mais la générosité dans l’effort compensant largement quelques sporadiques essoufflements. Et quand arrive le pire, une saloperie de cancer qu’elle savait redoutable et souvent irrémédiable, elle a découvert le seul ennemi qu’elle ait jamais eu : l’abdication.
Alors, elle a lutté jusqu’au bout, sans jamais renoncer à ce qu’elle avait de plus têtu : ce sourire trop discret pour ne pas être sincère, mais malheureusement impuissant face à la saloperie qui nous l’a enlevée.
S.L.