Un autre écrit dans sa lettre : « Je suis père de famille sans travail depuis dix ans pour inaptitude physique. Je m’adresse aux âmes charitables pour m’aider à subvenir aux besoins de mes cinq enfants. » Encore une autre lettre ou plutôt un appel de détresse d’un jeune, le plus âgé de la famille, qui ne sait plus où donner de la tête pour atténuer les souffrances de ses parents, mais également de ses frères et sœurs. Il lance à l’adresse des âmes sensibles cet appel : « Je suis l’aîné de la famille. A ma charge quatorze frères et sœurs dont quatre sont diabétiques et l’une de mes sœurs est handicapée- moteur. Mon père perçoit 4000 DA /mois et est présentement clouée au sol. Je demande de l’aide pour la prise en charge médicale de mes quatre frères diabétiques et ma sœur handicapée. »
La situation socioéconomique des milliers de familles est préoccupante. Il suffit de sillonner les grandes rues de la ville de Béjaïa pour s’en apercevoir. Il en va de même dans les autres centres urbains aux quatre coins de la wilaya. La vérité est là… la voilà : des mendiants, des S.D.F et autres, qu’importent les appellations, les chiffres, la catégorisation, demandent de l’aide, interpellent les consciences, crient leur misère dans les rues, étirent leurs mains et lancent à la face de tout passant « sadaka fi sabil Allah » en les assaillant même pour obtenir quelques pièces de monnaie. C’est l’attristant quotidien des milliers de familles dans un pays qui dort sur une centaine de milliards de dollars ».
Quémander, émettre un S.O.S sont des signaux de détresse, mais aussi des indicateurs révélateurs d’une précarité sociale, d’un appauvrissement global, d’une misère sociale rampante et d’un pouvoir d’achat en constante érosion touchant de plus en plus la classe appelée communément ‘‘moyenne’’.
De la pauvreté des chiffres
Dans dix-sept communes, est-il mentionné dans le bilan des activités de la DAS durant 2008, il a été recensé — le chiffre est approximatif — soixante-quatre (64) personnes S.D.F (sans domicile fixe) dont quarante-trois (43) sont des malades mentaux (39 hommes et 4 femmes). Seulement, selon toujours le bilan, treize (13) personnes ont bénéficié d’une prise en charge au niveau du foyer pour personnes âgées.
Durant le mois de ramadhan dernier plus de 19157 couffins alimentaires ont été distribués aux familles démunies. Le coût global de l’opération a été évalué à 40.027.850.00 DA. Toujours durant le mois de ramadhan dernier plus de 136073 repas chauds ont été servis dans les quatorze restaurants ouverts à travers tout le territoire de la wilaya de Béjaïa. Aussi, à l’occasion de la rentrée scolaire 2008/2009, il a été procédé à la distribution de 1700 trousseaux scolaires au profit des enfants scolarisés issus des milieux défavorisés. Durant l’été dernier, plusieurs cohortes d’enfants issus de familles défavorisées ont bénéficié d’opérations portant colonies de vacances, sorties sur mer, regroupement thérapeutiques et autres. Ainsi, 39 enfants de la wilaya de Béjaïa ont bénéficié d’un séjour en colonie de vacances à Jijel. 1034 autres ont bénéficié, quant à eux, de sorties sur mer. Le nombre de familles — elles sont nombreuses même si elles ne se manifestent pas — qui peinent à assurer à leurs enfants un loisir, ne serait-ce q’une sortie sur mer, démontre, si besoin est, que leur situation socioéconomique est des plus catastrophiques.
Il parait, à l’aune du nombre de mendiants, des sans abris, d’enfants issus de familles défavorisées, des S.O.S lancés dans les journaux, la radio, que des pans entiers de la société vivent dans la précarité. Laquelle précarité, est la résultante, soit d’un chômage endémique, soit d’une inaptitude physique à exercer une activité professionnelle, soit d’un licenciement, d’un mariage d’une nuit avec comme aboutissement ses regrettables retombées sur la femme répudiée et les enfants …
C’est dire que les ‘‘défavorisés’’ n’ont assurément pas au demeurant choisi leurs situations. Néanmoins, il est vrai, tous les clignotants sont au rouge et la situation implique, comme alchimie, la mise en place d’un plan d’urgence pour enrayer ce qui s’apparente à une dégénérescence du tissu social et fragilise par là même les grands équilibres sociétaux.
Il existe à Béjaïa plusieurs centres spécialisés pour la prise en charge des personnes en difficultés. Ceux-ci sont implantés aux quatre coins de la wilaya. Ainsi, à Béjaïa, le foyer pour enfants assistés, opérationnel depuis 2004 et d’une capacité théorique de cinquante (50) places, prend actuellement en charge trente-sept (37) enfants abandonnés de l’Etat. Autrement dit, des enfants nés hors mariage ou orphelins suite au décès de leurs parents. Toujours à Béjaïa ville, en 2003, un foyer pour personnes âgées a été ouvert. Ce dernier est d’une capacité théorique de cent vingt places. 43 personnes dont 13 S.D.F y sont de nos jours pris en charge. Le centre assure aussi un abri aux personnes qui n’en ont pas durant les saisons hivernales.
Implantée dans la même ville, l’école de jeunes sourds permet à 107 élèves, dont 43 sont des internes, de poursuivre le cursus scolaire de la première année primaire jusqu’à la quatrième année moyenne en passant par un cycle de deux années de démutisation.
La prise en charge en milieu institutionnel
L’école est dotée d’un atelier d’informatique. Récemment, une classe intégrée de mal entendants a été ouverte de concert avec les services de l’éducation nationale au niveau d’une école primaire.
A Timezrit et Akbou : ce sont des centres médico-pédagogiques pour enfants inadaptés mentaux qui y sont implantés. Celui de Timezrit, ouvert en 2005, prend en charge 73 enfants inadaptés mentaux dont l’âge varie entre 6 et 18 ans et fonctionne sous le régime de la demi-pension. Celui d’Akbou, ouvert en 1989 et d’une capacité de quatre-vingt places, prend en charge actuellement soixante-dix-sept (77) enfants dont vingt-quatre en internat. Il est doté de deux ateliers, l’un pour le jardinage et l’autre pour le bricolage. Les filles, quant à elles, s’initient aux activités culinaires, couture et broderie.
Les jeunes en difficulté sont pris en charge au niveau du centre spécialisé de protection situé à Tichy. Celui-ci, d’une capacité théorique de 60 places, a pris cette année en charge pas moins de 24 jeunes en difficulté.
Quoique des mesures salutaires aient été prises par les pouvoirs publics pour prendre en charge les couches défavorisées et atténuer un tant soit peu leurs souffrances, il n’en reste pas moins que le nombre de personnes nécessiteuses qui sont à la recherche d’une place où se nicher ou, au moins, d’être reconnues par les mieux lotis, est en constante augmentation, et ce au fil des années.Partant, l’on est en droit de se poser des questions quant à l’efficience des plans de prise en charge qu’élaborent les pouvoirs publics. En sont-ils circonstanciels ? Autrement dit, intervient-on juste pendant les mois de ramadhan pour servir des repas chauds aux nécessiteux et autres sans qu’il n’y ait une réelle volonté de mettre sur pied une stratégie en vue d’en finir avec cette politique d’assistanat conjoncturelle et travailler de manière à placer et/ou replacer le nécessiteux dans les sphères productives ?
Autre bricolage : des équipes d’intervention sillonnent le territoire de la wilaya pour inventorier les S.D.F. Et pour quelle fin ? Pour les protéger des aléas climatiques durant seulement quelques jours. Et après ? On les laisse choir derechef. D’un bricolage à l’autre le nécessiteux restera toujours dans l’attente des subsides conjoncturels accordés par le ministère de la Solidarité nationale, sans qu’il puisse espérer se prendre en charge un jour, parce que le » wazir » le confine dans son statut d’éternel quémandeur.
Des salaires de misère
Selon la Direction de l’action sociale, quelque 15050 personnes bénéficient, soit de l’indemnité d’intérêt général (IAIG) ou de l’allocation forfaitaire de solidarité (AFS). Ces derniers sont, pour dire vrai, des travailleurs qui exercent généralement à plein temps et sont payés trois fois moins le SMIG, en d’autres termes ils perçoivent un salaire de misère ne dépassant pas les 4000 DA/mois. Sans commentaire. Il en est de même des diplômés des universités. Ces derniers s’inscrivent à l’un des dispositifs d’emploi d’attente et, comme son nom l’indique, attendent des mois, voire des années avant d’être embauchés. Le nombre d’inscrits au programme « PID » est de 10581 alors que le quota de Béjaïa est de 1400. A ce jour ce sont quelque 524 qui ont été placés, dont 35 ont déjà abandonné leurs postes. Pour quelle raison ? Un salaire de misère et une surexploitation! Pour les PAIS, sur les 601 jeunes placés 500 ont désisté après quelques jours seulement. Un véritable fiasco ! Tire-t-on les conclusions ?
Dalil S.
