Tout le monde a encore en tête cette savoureuse boutade d’un dirigeant du RCD après les résultats des premières élections municipales pluralistes: “Nous pensions prendre Oran, ils (le FIS) nous ont pris Draâ El Mizan.” Vingt ans après, le RCD suscite le débat sur la chariâa en proposant un projet de loi sur l’abolition de la peine de mort ! On ne sait pas si l’auteur de la boutade est toujours si inspiré, mais il devrait franchement s’y mettre. Pour qu’une idée aussi généreuse ne trouve que ce genre d’échos et de prolongement est signe qui donne des frissons. Les institutions algériennes et-pire-ses élites sont incapables d’envisager un débat sur la peine de mort en 2009. Plus grave, elles s’en saisissent. Personne, même pas le RCD, ne se faisait d’illusion sur la “majorité” parlementaire dont les réactions, toujours instinctives, sont systématiquement motivées par l’émanation des idées, jamais par leur pertinence. Mais on pouvait espérer mieux comme retombées dans la société. Disons les choses clairement: si peine de mort pouvait trouver sa suppression dans les fondements de la chariâa ou ses états jurisprudentielles, on n’en serait sûrement pas là. D’abord, pour la raison évidente que la chariâa n’est pas un exemple de modernité en matière de droit, ensuite la suppression de la peine de mort ne peut pas se régler dans la recherche d’un quelconque artifice juridique.
Seuls le courage et la volonté politiques peuvent mener à la décision. L’idée- et les exemples ne manquent pas dans le monde- vient toujours d’un homme ou d’un courant d’opinion qui n’ont pas eu peur de braver pouvoir et société avant que l’histoire ne consacre la générosité et la hauteur intellectuelles de leur entreprise parce qu’elle était en avance sur son temps. Et c’est précisément cette générosité et cette hauteur intellectuelles qui soustraient le débat aux considérations juridiques. Discuter aujourd’hui de ses “aspects pratiques”, confronter les “ intérêts” des coupables avec ceux des victimes et jouer sur les sentiments en mettant en avant le caractère abject de certains crimes pour s’opposer à la suppression de la mort n’est pas un signe de disponibilité au vrai débat.
Il y a pire, bien entendu et on l’a déjà entendu. Il consiste à considérer que la peine de mort fait partie des lois dogmatiques musulmanes auxquelles il n’est pas question de toucher. Et pendant qu’on y est, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?
S.L.