Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre un homme et un livre, mais j’ai connu ce bonheur ce jeudi en croisant Boudjemaâ Karèche. Il vient de publier – à compte d’auteur – Juste un mot un recueil de succulents souvenirs qui se laisse lire exactement comme son auteur a vécu ce qu’il raconte : avec énormément de plaisir. En ouvrant ce livre, vous êtes d’abord saisi par l’humilité de l’homme qui vous avertit dans l’avant-propos que vous avez entre les mains un écrit sans prétentions. Il y parle de livre et de la difficulté de lire. Ah le livre ! Première question : comment un homme qui a autant de belles choses à dire, qui a été le témoin privilégié de tant d’évènements, a rencontré les plus grands et les plus pittoresques comment Boudj, la mémoire du cinéma et de plein d’autres choses encore soit contraint de publier à compte d’auteur en puisant dans sa maigre retraite ou en comptant sur l’aide d’amis bienveillants ? N’y a-t-il pas dans ce pays qui marche sur la tête un éditeur qui puisse produire et vendre les souvenirs de Boudj, lui faire signer un contrat, enfin l’éditer tout simplement avec la promotion et la rétribution que ses écrits méritent. Le problème avec Boudjemaâ Boukaréche est qu’il parle du sort fait à son livre comme s’il s’agissait de quelque chose de “normal.” A aucun moment, il ne se plaint. Boudj est un humble, mais ce n’est pas un pleureur. Je préfère les tendresses aux lamentations, alors il en met un max quand il évoque Khadra, l’héroïque caissière de la cinémathèque, en rendant un hommage appuyé à quelques petites gens ou en racontant l’histoire d’une rencontre. La vie de Boudj, son métier et son parcours d’homme sont une vraie passion. Il l’a vécue et il tente maintenant, avec plus ou moins de bonheur, de nous la restituer. D’abord, les faits, qu’il rapporte avec une incroyable fraîcheur, vient ensuite la sensibilité qu’il y met puis quelques projections aux couleurs du rêve. Sur deux cent soixante dix pages, vous pouvez indifféremment rencontrer Werner Herzog, découvrir Jean-Luc Godard dans un film de huit minutes ou voir Ben Aknoun tel que vous ne l’imaginiez pas.
Boudj vous prend par la main pour vous faire emprunter les chemins de (la) et de (sa) vie. Des chroniques comme leur auteur : vivantes mais sans fioriture. Des moments tellement précieux que Boudj les a vécus goulûment avant de nous les restituer. Un livre à lire, un homme à connaître.
S. L.