Balade… sous le soleil

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A l’intérieur de l’agence, le prochain bus en partance pour Bougie était annoncé pour 14 heures. Mais le temps se faisait tellement lent. Des voyageurs se rabattent alors vers la station des taxis d’en face malgré le prix de la place jugé un peu cher quand même. Par car, le ticket est fixé à 150 DA, exactement la moitié du tarif pratiqué par les voitures jaunes. 300 DA c’est de l’argent. Et ça fait hésiter. Pas tout le monde bien sûr. Mais ça fait poiroter les plus pressés. Et les chauffeurs de taxi qui peinent à remplir leurs véhicules. La placette est…jaune de ces dizaines de véhicules qui prennent le départ en «goutte à goutte» faute d’empressement de clients dissuadés par les prix. D’ici, ça démarre pourtant dans toutes les directions. La Peugeot familiale à bord de laquelle on prenait place finira par s’ébranler avec l’appel à la prière du D’hor. Le chauffeur, un jeune, ne laissera pas l’appel aller à son bout. Il enfile ses Ray Ban, enclenche les vitesses l’une derrière l’autre, et engouffre une cassette dans son lecteur qui réduit à néant le son de la radio. Matoub chante… Au départ de Tizi OuzouLa Peugeot s’élance et ralentit au grè de la pénible circulation du centre ville. Mais elle finira par dépasser le centre urbain. Tizi disparaissait alors progressivement dans le rétroviseur. A l’intérieur, on avait du mal à se tenir. Le poste radio était le seul luxe qu’on pouvait espérer… Il ne restait alors qu’à baisser les vitres en quête d’un éventuel rafraîchissement. Mais l’on se rendra vite compte que c’était peine perdue. L’air était brûlant. On se remet alors à manier la manette du remonte glace dans le sens inverse. Puis dans l’autre. La voix de Matoub, elle, était constante, imperturbable. Ca ne discutait pas du tout entre les voyageurs. C’est à peine, cet étudiant, qui avait pris place complètement à l’arrière, osait accompagner le rebelle d’une voix franchement timide. Au fil des kilomètres, un peu plus haut que la ville d’Azazga, avant que la 505 ne s’enfonce dans la forêt de Yakouren, le chauffeur finira par briser le silence en proposant une bouteille d’eau à qui voulait tendre la main. «Elle est presque tiède. Si tu pourrais juste marquer une petite halte à la fontaine fraîche pour souffler un peu», lui rétorquait ce passager juste derrière lui. Ca sera chose faite. De toute façon personne n’y verra d’inconvénient. Escale à Yakouren en compagnie…des singesD’ici, Tizi est déjà loin. Béjaïa n’est pas à coté non plus. Mais on s’en fout. La forêt incite au pique-nique. Le cadre a prolongé l’escale. C’est comme si d’un coup on plongeait dans un tout autre univers. Plus conciliant. C’est vert, ça vit. C’est convivial. Le climat est doux. C’est chaleureux mais pas du tout chaud. Il y’a un marché d’habits, d’ustensiles kabyles, de tas de trucs traditionnels le long de l’accotement de la route. De l’animation. De l’eau fraîche à la source, sans quittance à régler. Des singes…«sympas», qui assurent un spectacle continu, au bonheur des nombreuses familles qui ont eu droit à d’ahurissantes acrobaties, des grimaces des plus insolites, et même parfois à quelques scènes osées que même M6 n’oserait pas hors de la seconde tranche horaire de dimanche en soirée. Ca fait des heureux, du spectacle, des situations de gêne, et à long terme…d’autres petits singes. Ces «cousins» nous ont visiblement pris une sacrée avance dans la quête de la concorde nationale… Les lieux procurent du réconfort, du calme, de la douceur, du repos, du bonheur tout simplement. Et c’est gratuit. On y retrouve des familles venues de partout. En témoignent les plaques de ces nombreuses voitures stationnées le long de la route qui éventrent la forêt. Les émigrés se distinguent de leurs bagnoles flanquées du fameux chiffre 75, de leur accent parisien, de par leurs euros… Leur présence rajoute un petit quelque chose à la carte postale. C’était beau, on ne s’en lassait pas, mais il fallait reprendre la route. Bejaïa à l’heure et aux couleurs d’étéPrès de deux heures après, le taxi aboutit enfin à Béjaïa. Sur place, ce n’était pas la chaleur de Tizi mais on avait déjà bien de la nostalgie pour la douceur de Yakouren. L’heure indiquait 16 heures moins une poignée de minutes lorsqu’on atteignait enfin le centre ville de la cité. L’ambiance était joyeuse. Les klaxons et le vacarme d’incessants cortèges de mariées, qui sillonnaient les artères principales, plongeaient le centre urbain dans une allègre euphorie malgré le poids de la chaleur. C’est à croire que le tout Béjaïa se mariait ce jour-là. La ville était en fête, en couleurs, et bien à l’heure d’été. Tout le monde semblait converger vers le carrefour de la maison de la culture ou des files de voitures chichement ornées ne cessaient de se croiser. A l’intérieur de l’établissement, Aldjia, dans un beau complet classique blanc, déroule son répertoire et enchante la salle. On se déhanche, on transpire, on pousse des youyous, on se lâche à souhait aux rythmes des tubes nostalgiques et nouveaux de la chanteuse. L’assistance n’avait pas d’âge. On est surtout venus en famille avec plein d’appareils photos, mais aussi des bouteilles d’eau à la main. Aldjia alternait volontiers les couplets, et les prises de photos. Les mémés étaient aussi là. Il y’a même celles qui ont osé un petit tour de piste avant de se laisser tomber à la renverse, essoufflées, sur les sièges. Il y’avait de l’ambiance. la salle n’était pas à craquer mais en folie. Et ça a duré. Mais on n’a pas senti le temps se faufiler. Au sortir, on sent le soleil baisser d’intensité. Les trottoirs de la ville se faisaient de plus en plus gagner par l’ombre. Du côté du port, en haut, la place Geuydon grouille de monde. Les Chinois de la place Gueydon On se croirait, de l’autre côté de la rive, à la Bastille. Ca parle arabe, kabyle, français, même…chinois, ya boureb ! Oui ils étaient là. Peut-être, sont-ils parmi les supers maçons ramenés pour les logements AADL. Peut-être qu’ils étaient là en simples touristes. Bref, passons sur ce casse tête chinois. Il n’y avait pas qu’eux. Des bambins faisaient du roller, Les tables de la place étaient toutes prises. Difficile de se dénicher une place. On sirote des limonades, on déguste des glaces, on prend du repos, et on se rince l’œil à la belle vue sur mer, et sur la placette…mixte. Pour descendre, en contrebas, on dévale les escaliers serpentées de la gare, jouxtant le théâtre régional. L’itinéraire est étrangement désert, et sale. Il fait penser à la chanson d’Aït Menguelet, «Avridh tsoun Medene». Dommage! C’est un peu sale et ça ne sent pas bien. Des toilettes publiques sont carrément à l’abandon. Elle n’ont plus de portières. Inutile de s’attarder dessus… Les abords boisés du passage ressemblent à un dépotoir en formation de canettes de bières, cartons de vin et autres détritus. C’est sale, mais la verdure domine quand même…Les rares piétons qui s’y aventurent ne s’attardent point. Pour aller de l’autre coté, vers le littoral Est, il faut emprunter la passerelle qui enjambe les lignes ferroviaires. Là, vous avez le transport à go go, jusqu’à une heure tardive de la nuit, vers l’envoûtante Tichy. Le soleil se laissait coucher quand on dépassait l’hôtel Sophotel, l’université Mira à droite, et l’aéroport à gauche. Tichy où la ville de la tentationDirection la cité de…la tentation. Au nord, la mer s’allongeait avec la route. 20 DA le ticket de car, une petite demi-heure de route, et nous y sommes. Le jour prenait progressivement congé. C’est à ce moment là que l’autre Tichy se lève réellement. La route principale est toute en couleurs. Des terrasses de cafétérias sont improvisées le long des trottoirs. Les lumières colorées qui s’illuminent un peu partout, les grillades d’où s’élèvent d’épaisses fumées blanches, donnent un décor très feutré à la ville. On sent la crevette, l’air marin, le plaisir… Ici l’alcool coule à flots ! Mais ça ne pose pas de problème. Et ce n’est pas donné !.C’est cher. Les établissements Alloui, Syfax, Safir bleu, la Grande Terrasse, La villa d’Est sont renommées. Là, on a tout ce qu’on désire sur…la table. Il suffit de mettre le prix. La chambre au Safir Bleu par exemple revient à environ une demi brique ! A vous donner le tournis… Mais en pareilles périodes il faut réserver de préférence à l’avance. Tout dépend des goûts, mais mis à part le prix, pour les gens disant plutôt souples d’esprit, il n’ y a rien à regretter. C’est comme dans un film de charme. Comme au cinéma où tout le monde est gentil et…galant. Mais là, tout est pour de vrai. Ici, on ne se soucie pas trop du code de la famille. Le business avant tout. La tentation finit souvent par vous emballer graduellement. Le blanc des habits domine sur la petite terrasse du bar, qui s’ouvre droit sur la plage franchement bleue. Le sable fin est à une enjambée des tables. On entend superbement le chuchotement des vagues qui viennent lécher le bord. La parure est agréable au regard. C’est cela l’autre Tichy.Elle a fini par devenir un carrefour privilégié pour les barons friqués, du CD piraté, de l’Est, et les filles de l’Ouest. Ici, les soirées sont en passe d’être plus illuminées que les jours. Elles sont bien arrosées. Aussi, chaudes. Mais autrement qu’à Tizi qu’on avait laissée suffoquer de feux de forêt…

D. C.

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