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“C’est un des privilèges prodigieux de l’art que l’horrible artistement exprimé, devienne
beauté », Charles Baudelaire
La peinture africaine
La légende raconte que le potier Butadès de Sicycone, en utilisant lui aussi la terre, découvrit le premier, l’art de modeler des portraits en argile ; cela se passait à Corinthe. Il dut son invention à sa fille qui était amoureuse d’un jeune homme. Celui-ci partant pour l’étranger, elle entoura d’une ligne l’ombre de son visage projeté sur le mur par la lumière d’une lanterne ; son père appliqua l’argile sur l’esquisse, en fit un relief qu’il mit à durcir au feu avec le reste de ses poteries, après l’avoir fait sécher.
Le mur, toile d’expressions
Le mur a été le premier support de la peinture. Le témoin de la préoccupation de chaque époque et joue un rôle social, crée des repères et favorise l’expression d’un peuple en reproduisant sur les murs des scènes de guerre ou de nature politique.
Les murs sont depuis peu d’années cédés aux tagueurs. Plusieurs espaces sont devenus des terrains d’expressions admirés par des touristes.
Celle des femmes N’debele
Les femmes du peuple N’debele d’Afrique du Sud perpétuent la tradition de la peinture murale, un art aussi beau qu’utile. L’histoire N’debele est celle d’un peuple ancien appartenant aux grandes ethnies d’Afrique du Sud, les Zoulous et le Xhosa et qui a longtemps résisté aux Boers (les colons blancs).Il a réussi à gagner son autonomie malgré les affres subies sous l’apartheid. Cette peinture qui se développe magnifiquement à l’extérieur des maisons est une forme de résistance contre le gouvernement d’Afrique du Sud qui forçait les Africains à quitter leurs maisons pour être parqués dans les réserves.
Les dessins sont une invitation à un dialogue entre les humains par l’intermédiaire des formes et des échos qu’ils suscitent.
Les femmes N’debele excellent dans l’art de la peinture qui, non seulement, les fait vivre mais exprime à la fois leur identité et l’esthétique. Comme partout en Afrique, les hommes construisent les maisons et les femmes en peignent les murs. Elles perpétuent l’art de la peinture murale de mère en fille comme pour que l’histoire se souvienne de leur résistance aux injustices de la race blanche. Les murs des maisons, les façades sont décorés de dessins géométriques, exécutés selon l’inspiration du moment. Cette peinture remarquable met en valeur toute la richesse et la diversité de l’art N’debele.
Les secrets des dessins traditionnels font partie, également des rites d’initiation des adolescents à la vie adulte. Pendant que les adolescents s’exilent dans les collines, pendant trois mois après la cérémonie de la circoncision (pour les musulmans et les animistes), leurs mères repeignent les murs de leurs maisons.
De leurs côtés, les jeunes filles sont initiées à la peinture et au tressage des perles.
Cet art envahit l’intérieur des demeures. Ces dessins sont réalisés avec une plume de volaille. Ainsi se transmet la tradition.
Franco La Cecla, un anthropologue italien de conclure : « La force de caractère des N’debele que l’adversité n’a jamais abattue et l’empreinte féminine marquée de cette tradition sont autant de promesse de permanence comme du renouvellement des formes « .
Des formes, des perles et des couleurs.
La peinture murale des femmes N’debele transmet de la lumière et des émotions fortes.Elle véhicule des messages de paix dans la fluidité des tons mais aussi une violence poétique dans les couleurs qui claquent. Du rouge vif qui symbolise le renouvellement de la vie en passant par le bleu profond, le jaune éclatant à l’orange vif, les murs des maisons chantent un continuel printemps. Cette peinture ensoleillée, se retrouve dans les pagnes des femmes portant anneaux aux chevilles et au cou ; ornées de perles de toutes les couleurs qui descendent jusqu’à la poitrine. Le tissage de perles est une activité qui existe dans certains pays d’Afrique mais qui est plus marquée chez les N’debele à cause de l’audace de leurs couleurs. On appelle les N’debele « le peuple artiste ».
Esther Mahlangu
Esther Mahlangu est la représentante du peuple N’debele. Elle est celle qui, la première, a exporté cet art à Paris, lors de l’exposition des Magiciens de la Terre en 1989.
Elle a reproduit l’art mural sur une toile pour le diffuser dans le monde entier.
Cette peinture qu’elle a promenée de Paris à Washington, lui sert de langage pour revendiquer une identité culturelle et une langue. C’est sa façon à elle, de résister à la domination des blancs. Elle s’affirme dans le langage des formes et des couleurs. Esther qui apparaît à ses expositions couverte de perles de couleur, le cou et les jambes enserrés dans des cercles de cuivre, ressemble à sa peinture.
Cette peinture qui parle pour elle, ondule, éclate et développe un univers rythmé et magique.
Son empreinte est partout, dans les murs des universités jusqu’à l’intérieur des musées, sur les façades des villes ; elle l’a semée en se servant de l’exutoire des souffrances de son peuple. Elle jouit aujourd’hui d’une renommée internationale.
O. H.