Bouteflika défriche le débat

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Jouer les équilibres semble être le premier message livré par Abdelaziz Bouteflika lors de son discours explicatif de samedi dernier à Skikda.Plus qu’un énoncé conjoncturel, ce discours est tout d’abord un exercice d’explicitation d’une entreprise que les uns et les autres ont voulu interpréter, chacun à sa manière. C’est ainsi que le Président a balayé d’un revers de main les thèses qui ont conclu à  » une guerre  » livrée contre l’institution militaire. Loin d’être réductible à un simple hommage, le passage consacré à l’ANP dans le discours présidentiel est pratiquement un rappel à l’ordre de ceux qui ont longtemps  » vilipendé  » l’armée en lui imputant la responsabilité, entière ou partielle, de la crise et des actes terroristes qu’a vécu et connu notre pays pendant la décennie noire, nonobstant les lourdes pertes humaines que l’institution a consenties. Ce rappel à l’ordre est clair dans le sens où le Président parle  » “d’immuniser l’armée contre tout soupçon de nature à nuire à sa réputation « . C’est là un des messages forts qui conforteront surtout le courant républicain qui a toujours clamé que les actes terroristes sont l’œuvre des groupes islamistes armées. Seuls. Et le reste n’est à prendre que sur le compte des erreurs individuelles qui pourraient être commises par des militaires ou des policiers en service.Là entre en jeu une autre thèse portée à bras le corps par les démocrates. Il s’agit du combat contre l’utilisation, sinon de la manipulation, de la religion à des fins politiques.  » L’adoption de cette charte vous permettra d’interdire l’exercice politique à ceux qui ont causé le malheur des Algériens  » a dit notamment le Président sur ce point, avant d’être encore plus explicite lorsqu’il s’est engagé frontalement à ne jamais  » permettre à l’hydre islamiste de renaître de ses cendres « . Les mots ayant leur sens le plus lourd dans un discours politique, l’utilisation du terme  » hydre  » pour qualifier le phénomène terroriste est édifiante à plus d’un titre. Mieux encore, Abdelaziz Bouteflika s’élèvent avec véhémence contre ceux qui  » jouent avec la religion pour imposer, au nom de l’Islam, un Etat théocratique « . Ce qualificatif étant largement usité par les militants démocrates qui se sont élevés, durant toutes les années de crise, contre un compromis avec au moins le courant radical de l’intégrisme religieux, le Président l’a sciemment employé, pour la première fois d’ailleurs, pour mieux expliquer qu’il ne tend à exclure aucun courant de son projet. L’idée de réunir tout le monde est également apparente lors que le Chef de l’Etat parle de  » compromis possible « . Il convient de signaler que c’est aussi une des rares fois où Bouteflika parle d’écoute.  » J’ai sondé les avis des uns et des autres et j’ai écouté les appréciations de nombre d’entre vous avant de proposer mon idée « , a-t-il dit dans ce sens mais avec une précision de taille, qui ne laissera aucun observateur indifférent :  » J’avoue que ce n’est peut-être pas tout. Mais vous devez savoir que c’est la seule solution possible actuellement en vue des équilibres nationaux. Ce qui était impossible hier l’est aujourd’hui. Ce qui ne l’est pas aujourd’hui pourra l’être demain « . Le propos est aussi clair puisqu’il sous-entend que le Président est conscient que son projet n’est pas tout à fait  » complet « , et que des pans entiers de la société seront  » lésés « .C’est justement cet état de fait qui justifie certaines contradictions du genre  » tous les Algériens ont été touchés par cette partie ou cette autre « . Autrement dit, il n’y aurait pas qu’une seule partie du  » conflit « , ce que Bouteflika avait pourtant sous-entendu auparavant. C’est ce que lui reprochent d’ailleurs beaucoup d’acteurs politiques. Même si, en définitive, les compromis ont toujours donné lieu à des concessions, souvent douloureuses, mais salvatrices pour un pays longtemps meurtri comme l’Algérie.

Ali Boukhlef

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