La parole et les armes, awal d’wuzzal (disait la tradition kabyle pour qualifier tout homme d’honneur).
Ath Mokrane Hadj Mohand*
Par Moumouh Icheboudène*
En juillet mille huit cents cinquante sept, l’opération décidée par le maréchal Randon et exécutée par le capitaine Ferchaud eut des conséquences très graves sur l’avenir qui se fixa pour mission de transformer l’Algérie en colonie de peuplement. En multipliant les exaction, les vainqueurs refoulèrent les autochtones vers des terres arides et la soumirent ensuite à une surveillance.
Le pouvoir réactionnaire invite tous les chômeurs et les familles déshéritées à s’inscrire en vue d’obtenir des concessions dans cette région du Maghreb nouvellement conquise.
Débarquant par groupes successifs des hommes, des femmes et des enfants, ils encombrent les ports, avant d’être dirigés sur les domaines qui leurs étaient réservés au prix d’une longue aventure. Physiquement étirés, squelettiques, la veste fripée, le pantalon déteint. Mais fortement imprégnés des recommandations reçus la veille de leur départ. Ils adoptaient une attitude dictée par la suffisance et ne manquaient pas de toiser d’un regard qui se voulait courroucer “les indigènes”.
Certains se sentaient lésés, car, la concession qui leur avait été attribuée était estimée insuffisante. Ils s’armaient et à coups de fusil, chassaient leurs voisins autochtones qui leur abandonnaient leurs biens, pour se mettre à l’abri du danger qu’ils constituent.
Les responsables civils et militaires ferment les yeux et se turent pour ne pas freiner la colonisation.
Le colon perdit sa maigreur, grossit assez vite et finit par prendre de l’embonpoint. Son visage qui était famélique s’enfla et accusa un empâtement qui lui déforma les traits. Ses joues creuses se remplissent, se ramollirent et devinrent pendante, un second menton se dessinait.`
L’Administration de son côté ne demeura pas à l’écart de ces attaques sournoises et dirigées contre le peuple algérien qu’il fallait gruger et écraser à jamais.
Tous ces méfaits en s’accumulant, accentuent la haine qui rongea le cœur des vaincus et les incitaient, à espérer et à préparer la revanche. La misère était grande et la disette hantait tous les foyers, ajouter à cela plusieurs épidémies.
Cheikh El Mokrani, pour pallier la disette qui touche alors, les campagnes, invertit sa fortune personnelle et emprunte. L’empressement de ses créanciers et la pression des autorités l’obligent à hypothéquer ses biens.
L’annonce du remplacement de l’autorité militaire française, dont il avait accepté la dépendance, par une autorité civile, ce changement le décide, alors à se révolter, mais, en homme d’honneur, il en avise le général Augerand, El Mokrani avait compris que le pouvoir civil était le moyen d’asseoir la domination des Européens sur les Algériens et les assujettir, ceci était stipulé par le décret du 24 octobre 1870, voyant que cela allait accroître les souffrances du peuple algérien, aux termes du décret promulgué par Crémeux lui-même juif, du fait des colons et des juifs naturalisés. Une vingtaine de colons ont été tués, jusqu’à ce que la répression très forte soit engagée.
Quoiqu’il en soit, la révolte des spahis fut amplifiée, à partir du 16 mars 1871 par sa prise en main par El Mokrani, dont l’influence était très forte. Elle constitua la plus importante insurrection et la dernière d’Algériens durant l’occupation française.
Le peuple s’est soulevé pour se débarrasser du joug colonial. Des épisodes qui embellirent la résistance, opposée par, des fellahs épris de la patrie, de la liberté et de l’indépendance a transformé en guerriers.
Le mouvement soulève deux cents cinquante tribus, près du tiers de la population algérienne. Après des dizaines de batailles livrées par les moudjahidine, neuf mois de combat sans répit.
Les insurgés sont contraints à la reddition, après l’attaque des Français, et arrêtés à l’Alma le 22 avril 1871 et le 5 mai le Bachagha El Mokrani mourut, au combat.
La répression fut très sévère et se traduit, par de nombreux emprisonnements et déportations ainsi que d’importantes confiscations de terres qui ont obligés de nombreux algériens à s’expatrier.
“Malheur au vaincu», a dit un chef gaulois, avant d’affronter les Romains qui venaient d’envahir son pays.
*El Hadj Mohamed el Mokrani
*M. I. Ecrivain
