Les arts du monde : Yandé Codou Sène, la griotte de Senghor

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Cette diva du chant sérère qui s’est forgé un nom prestigieux dans l’histoire de la musique sénégalaise, de condition modeste, elle a vécu dans son village, Gandiaye, dans une humble demeure où, sur des murs délabrés, sont accrochées des décorations et un portait de Yandé en compagnie de Sédar Senghor.

Yandé Codou Sène est une griotte sénégalaise et une figure emblématique de la culture sérère, une culture au riche folklore où la poésie chantée est significative de la structure sociale de la 2e ethnie du Sénégal à laquelle appartient la célèbre cantatrice

Sa voix rauque, chaude aux nuances multiples est à elle seule un instrument qui interprète, le plus souvent à capella, des chants d’amour chargés de métaphores et de philosophie sur le sens de la vie et l’histoire du peuple ; des chants liés aux récoltes, à la beauté la sagesse des anciens et la force des guerriers. Elle chante la poésie héritée de Amadjigène, sa mère, cantatrice de son époque, qui lui a transmis un riche patrimoine qu’elle lègue à son tour, à sa fille ainée aida Mbaye, qui l’a toujours accompagnée dans ses tournées avant de rejoindre son groupe ; «l’avenir de la musique traditionnelle est toujours entre nos mains, car ce que nous savons, nous l’avons transmis à nos enfants. Donc ce sera à eux d’assurer la relève…», répond Yandé à la question d’un journaliste. Si Yandé Codou a donné une notoriété à son pays et est entrée dans l’histoire de la musique sénégalaise, c’est grâce à sa voix exceptionnelle mais aussi au président poète Léopold Sédar Senghor, chantre de la négritude, qu’elle loue par devoir et amitié par des envolées lyriques qui accompagnaient ses discours et qui a fait d’elle sa première cantatrice en l’emmenant partout dans le monde. Lorsqu’il lisait ses poèmes ou faisait des discours, c’est la voix de Yandé qui l’accompagnait. Il l’appréciait aussi pour son intelligence, sa mémoire, son authenticité et la vivacité de son esprit. Remarquable dans ses prestations, Depuis 1993, Yandé est entrée dans la modernité grâce à Youssou Ndour avec qui elle a collaboré et enregistré un CD en 1990… Touché par la disparition en juillet 2010 à 78 ans de la diva, ce roi du mbalax promet de : «revisiter son répertoire, donner une nouvelle vie aux chansons de Yandé Codou Sène, à travers des images qui traduisent ses paroles», par le biais d’une nouvelle télévision privée, dont il est le promoteur et qui va émettre à partir de Septembre 2010. Née en 1932, mère de 6 enfants, Yandé Codou a, durant 50ans, travaillé pour faire connaitre les traditions et la culture sénégalaise en général et sérère en particulier.

Culture d’échange et de mouvement

La musique sérère des griots est très diversifiée. Le chant est accompagné de la kora, une harpe africaine, ou par les battements des mains. Ces chants sont souvent dédiés à la mémoire des morts, des guerriers des esprits ou des grands chasseurs. Le sérère excelle dans le jeu du tam tam. Dans certains villages a lieu avant la saison des pluies, une cérémonie : «le «fil ».Les festivités durent du samedi au mardi. Il s’agit d’un véritable carnaval où les mages sérères, déguisés, prédisent publiquement les évènements importants de l’avenir : les épédémies, les famines, l’état des récoltes, la mort toujours présente parmi ce peuple qui durant ces cérémonies de chants et de danses, fait des offrandes en faveur des disparus.Ce sont aussi des moments de retrouvailles et de partage. La musique et la danse servent également à évacuer les tensions sociales. A la fin des manifestations, les poètes traversent le village pour libérer leurs paroles qui s’envolent symboliquement dans l’espace ; On lève la bouche de sorte que le poème soit porté par le vent, puisque, dit le sérère, quand la voix est belle, elle n’a pas de maître, elle devient un bien commun».

La musique sénégalaise est essentiellement traditionnelle, c’est une valeur sûre et reconnue dans le monde ; elle est d’ailleurs, la base de beaucoup de genres musicaux en occident. «Le yela», musique des femmes imitant le rythme du pilon dans le mortier à grains, est réputé précurseur du développement du reggae aux caraïbes.

La musique sénégalaise combine à la fois l’art, l’histoire et la danse du pays ; elle est née de la survivance des cultes rendus aux ancêtres pour devenir un langage planétaire, grâce à ces magiciens du verbe et du son, qui l’ont porté haut. Ce fut la mission de Yandé Codou Sène qui, pourtant, n’a pas été récompensée à sa juste valeur.

Une vie au service de tous

Cette diva du chant sérère qui s’est forgé un nom prestigieux dans l’histoire de la musique sénégalaise n’a pas eu une vie facile.

De condition modeste, elle a vécu dans son village, Gandiaye, dans une humble demeure où, sur des murs délabrés, sont accrochées des décorations et un portait de Yandé en compagnie de Sédar Senghor.

Elle a vécu parmi la population qui lui voue un profond respect, et sa grande famille composée de ses 6 enfants, leurs épouses et gendres ainsi qu’un grand nombre de petits enfants et arrières petits enfants, qu’elle n’a jamais cessé de prendre en charge jusqu’à sa mort.

«Ce qui la différencie des autres artistes, c’est qu’elle n’a laissé ni voiture, ni immeuble, ni compte en banque, elle avait un sens inné du partage…», explique son neveu.

Admirée par tout le monde, elle a fait l’objet de 2 documentaires retraçant sa vie. Beaucoup de jeunes artistes sénégalais ont repris ses textes ou réadaptés ses chansons sans jamais lui avoir demandé la permission.

Un rappeur est allé jusqu’à poser la voix de la chanteuse dans l’une de ses chansons. Ce qui fait dire à Babacar, son neveu :

«Tout le monde se reproche quelque chose. Nous n’avons pas donné à Yandé tout ce qu’elle nous a offert. Elle a vécu modestement. Elle a chanté pour nous, mais qui va chanter pour elle ?».

Hadjira Oubachir

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