«Je suis un diplômé de la grande université de la Parole enseignée à l’ombre des
baobabs», écrit Amadou hampâté Bâ, l’écrivain, ethnologue, malien, défenseur de la culture orale en Afrique. Il est l’un des premiers à la fixer sur du papier. C’est aussi lui qui s’est battu entre 1962 et 1970 pour la réhabilitation des traditions africaines par l’Unesco, en tant que source authentique de connaissances et partie intégrante du patrimoine culturel de l’humanité.µ
Cette Afrique, terre de l’oralité riche en histoires, légendes, contes de tout genre transmis de bouche à oreille par des poètes et conteurs anonymes pour sauver de l’oubli le passé et la mémoire des ancêtres, les mettre en valeur et maintenir le lien avec sa langue et sa culture. Le retour aux sources des traditions permet aussi de comprendre l’organisation sociale des anciens et leurs préoccupations et tout ce qui rythme leur vie. Le conte est à lui seul un monument de connaissances, il nous livre des messages profonds sur les grandes questions humaines, divertit les enfants, suscite la réflexion et enrichit l’imaginaire. «Les contes ne sont pas fait pour endormir les enfants mais pour réveiller les adultes.» Aujourd’hui, le conte revient en force pour reprendre sa place dans les préoccupations de la société sous de multiples formes artistiques : recueils, CD, adaptations au théâtre et au cinéma, bande dessinées…
Les contes d’Amadou Coumba
C’est Amadou Coumba, griot, conteur, chanteur, qui a transmis au poète Birago Diop ses contes et légendes sénégalais, bercé par le son du tam tam ou la calebasse, que ce dernier a transcris et publié pour la première fois en 1947, pour revaloriser le savoir des griots et permettre aux générations futurs de s’abreuver à la source des traditions où le conte occupe une place privilégiée car il offre des images colorées, fait connaitre des animaux fabuleux, entretient le rêve et le fantastique et crée un lien entre le passé et le présent. Selon Roland Colin, anthropologue et écrivain français, ancien élève de Senghor, les contes d’Amadou Coumba, «révèlent la fine fleur des griots de l’Afrique de l’ouest.» Rémy Boussengui est conteur aussi., imprégné des contes et légendes de son pays, le Gabon, nourri de souvenirs de son enfance au milieu des siens, pendant les veillées de village en brousse, il anime des ateliers de sensibilisation à la culture orale africaine et se produit dans plusieurs festivals d’Europe. Aujourd’hui ; le conte revient en force. Des associations de conteurs et conteuses à faire éclore la Parole se créent et se produisent partout, pour le bonheur des petits et des grands. A l’intérieur du conte où l’on retrouve ses racines, l’équilibre et l’harmonie universelle, le conteur offre des espaces infinis au spectateur dans un foisonnement de mots et la puissance des images venus des temps immémoriaux ; des espaces peuplés d’animaux qui parlent et qui représentent les différents aspects de l’homme, la majesté du lion ou l’intelligence du corbeau, la ruse du renard et la beauté de la perdrix. La sorcière qui personnifie laideur et méchanceté incarnant le danger ; la princesse symbolisant la beauté la bonté et la grâce ; les pays imaginaires, les montagnes inaccessibles, les épreuves imposées au héros, les fleuves qui débordent, les forets hantées, tout cela avec, présents,les traditions, rites populaires dans le cœur du récit.Le conteur gardien de la mémoire s’efface derrière l’histoire, il devient diseur subtil et fin, de sons, de lumière, de sonorités ; ses inflexions de voix, ses gestes, ses expressions de visage, la richesse de son vocabulaire, font de lui un artiste qui répond aux attentes de son auditoire et captive son attention. Dans certaines ethnies d’Afrique, tout le monde peut conter lors des veillées à condition d’avoir une maîtrise parfaite de son histoire, sous peine de s’attirer les foudres du public. Si le conte émerveille et suscite la réflexion chez l’adulte, il est un repère une thérapie pour le développement de l’enfant.
Le conte à l’école, une thérapie
Destiné à distraire, émerveiller et séduire, le conte est de plus en plus utilisé à l’école pour aider les enfants en difficulté scolaire. Ils sont réceptifs à l’oralité et se laissent glisser dans un monde de magie qui les libère du carcan de l’écrit, les éloigne des contraintes du réel en leur insufflant le courage de participer au déroulement de l’histoire en posant des questions. Le conte devient alors un support à l’acquisition des compétences scolaires. Le conte est également utilisé dans le traitement des enfants en difficulté séparés de leurs parents ; il leur permet d’exprimer leurs émotions, surmonter leurs obstacles, leur ouvrir les portes fermées de leurs frustrations, les libérer et développer la confiance en eux, car le conte les met en présence de toutes sortes de problèmes humains qui finissent par se résoudre. Chaque conte, sous forme de métaphore, a pour mission de soulager d’une peine, modifier un comportement dans les paroles sages qu’il véhicule.
«Tous les dragons de notre vie ne sont peut-être que des princesses qui attendent de nous voir heureux et courageux». Rainer Maria Rilke.
Hadjira Oubachir