Un reportage sur la situation difficile que vivent actuellement les chrétiens en Algérie, notamment en Kabylie, a été diffusé vendredi dernier, par la chaîne Berbère Télévision, dans son émission intitulée “I nezra mazal
ad nzer”.
Ce reportage a montré des images sur la forte mobilisation citoyenne, suivie d’un rassemblement, le 26 septembre dernier, de la communauté chrétienne, devant le tribunal de Larbaâ Nath Irathen, où devait avoir lieu le procès contre quatre chrétiens de cette région, poursuivis pour le chef d’inculpation «création d’un lieu de culte sans autorisation des pouvoirs publics». Nous pouvons voir dans ce reportage, des chrétiens rassemblés devant le tribunal, chantant des cantiques spirituels tout en brandissant des banderoles portant ces inscriptions :«Des lieux de culte pour tous», «Abrogation de la loi de 2006» et «Liberté de culte». Ce sont les quelques revendications que l’EPA (Eglise Protestante d’Algérie) ne cesse de réclamer auprès du ministère des affaires religieuses. Intervenant lors de ce reportage, Maître Benbelkacem Mohamed, avocat au barreau de Tizi-Ouzou, a affirmé que cette cabale judiciaire contre les non- jeûneurs et les chrétiens trouve son arrière fond dans l’article de la Constitution algérienne stipulant que «l’Islam est religion d’Etat». «Tous ces problèmes viennent de l’article qui dit que l’Islam est religion de l’Etat. Car, les autres lois sont l’effet de cet article», a-t-il souligné. Me Benbelkacem donne des exemples du code de la famille, qui s’inspire d’ailleurs de l’Islam. “Un enfant né d’une mère chrétienne et d’un père musulman est considéré selon ce code, comme musulman d’office». Cela est vu comme étant discriminatoire, car, selon cet avocat, le choix d’une religion est «un droit personnel qui concerne Dieu et l’individu», précisant que l’on ne naît pas musulman mais algérien. Aussi, l’avocat a évoqué un autre exemple d’un jugement «discriminatoire», selon lui, rendu par la justice, suite à un divorce entre une femme chrétienne et son mari de confession musulmane, et cela en octroyant la garde de l’enfant au père, puisqu’il est musulman. «La justice a confié sans hésiter, la garde de l’enfant au père en oubliant l’intérêt de l’enfant», s’est-il étonné. « Est-ce que la foi du père prime sur l’intérêt de l’enfant ?», s’est-il encore interrogé.
Sollicité à donner son avis sur la loi de février 2006, relative à l’organisation du culte non musulman, et surtout l’article 11, stipulant que celui qui incite un musulman à devenir chrétien est passible d’une punition de 2 à 5 ans de prison ferme, assortie d’une amende, ce même avocat dira que «le principe d’incitation n’est pas défini, mais seulement les moyens utilisés pour cela». Ce qui laisse cette loi imprécise et non claire.
Pour sa part, Me Boussada Salem, responsable à l’ACEB (association culturelle d’expression berbère), a estimé que les chrétiens en Algérie sont victimes «d’un harcèlement moral plutôt que physique». «Les Chrétiens sont épiés et surveillés, ils (les autorités du pays) trouvent dans cette loi (de 2006) un outil pour attaquer les chrétiens», a-t-il déploré.
Un autre problème épineux que vit la communauté chrétienne en Algérie et soulevé à juste titre, dans ce reportage, est relié aux lieux de culte. Si plusieurs temples protestants sont actuellement utilisés à d’autres fins, comme celui de Béjaïa, occupé par l’UGTA, l’EPA trouve beaucoup de difficultés à obtenir des autorisations pour construire des lieux de culte, dignes de ce nom. On est «ballotté entre les autorités locales et nationales», a indiqué l’invité de BRTV.
Boualem Slimani