«Le cinéma algérien souffre du manque de formation»

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La Dépêche de Kabylie : Qui est Larbi Oudjedi ?

Larbi Oudjedi : Je suis réalisateur de formation, auteur d’un essai sur le cinéma ayant pour titre «Rupture et changement dans la colline oubliée». J’ai aussi, entre autres, joué le rôle principal dans un film long métrage de Bellili Saïd.

Voulez-vous nous parler de votre premier film : la malédiction ?

Je précise que je ne suis pas le réalisateur de ce film mais l’acteur principal. Cela remonte quand même à décembre 2003, époque où j’étais étudiant à l’université de Béjaïa ; j’avais participé au casting de ce film, à l’issue duquel j’ai été retenu pour jouer le rôle principal. Le sujet étant intéressant, j’ai donc accepté le rôle sans hésitation. C’est l’histoire simple de deux jeunes gens, Idir et Ferroudja, qui s’aiment d’un amour sincère. A travers la trame de ce film, c’est le quotidien de toute une génération, celle des années 60, qui est restitué un quotidien fait de contraintes sociales et surtout morales. C’est au moment où Idir pensait sceller définitivement, par le mariage, son union avec Ferroudja, l’amour de sa vie, que son père intervient pour briser son rêve en lui imposant de prendre pour épouse Dahbia, une autre fille pour laquelle il n’a aucun sentiment ! Déçu, Idir décida de partir en France à la recherche de son frère, disparu depuis plusieurs années, et fuir ainsi la misère qui sévit en Algérie, en cette période postcoloniale. Même en exil, la malédiction le poursuit… A travers les péripéties vécues par Idir, c’est un pan entier de l’histoire de la Kabylie des années 60 que le réalisateur Bellili Saïd déroule dans le film : les dures conditions de vie de ses habitants, les coutumes ancestrales sclérosantes, le dénuement social poussant des générations à l’émigration, etc. Ce film constitue un témoignage contre l’oubli.

Vous avez rédigé un essai «Rupture et changement dans la colline oubliée», portant sur une étude comparative entre le roman La colline oubliée de Mouloud Mammeri et son adaptation dans le film d’Abderahmane Bouguermouh. Pourquoi un tel choix ?

Le choix de travailler sur ce film est presque un devoir moral pour moi. La colline oubliée qui est le premier film officiel en langue berbère, m’a fait aimer le 7e art dès la première fois que je l’ai vu. Je me suis dit que finalement dans toutes les langues et dans toutes les cultures on peut avoir son cinéma. Je crois que c’est de là qu’est née cette idée de faire des études de cinéma. Bien évidemment, cela n’était pas possible en Algérie, c’est à Paris que j’ai fait ma formation. Mon livre est une analyse critique de ce film. Longtemps résignés à leur sort, en s’accrochant à un espoir qui n’a pas lieu d’être, celui de voir l’État colonial changer leurs conditions de vie à la limite de l’inhumain, et enfin en se réfugiant dans les superstitions et autres comportements fatalistes, les habitants de Tasga, village où se déroule la trame du film, ont fini par se résoudre à briser leurs chaînes : se libérer de leurs propres inconséquences et de la vaine espérance d’une possible communauté de destin avec la France. La misère, le typhus, les pesanteurs morales rendant tout rêve d’amour – le seul exutoire pour des gens vivant dans un dénuement comme le leur -impossible, l’enrôlement obligatoire des jeunes pour la guerre ont été les détonateurs de cette colère inextinguible des habitants de la Colline Oubliée. Rompre avec les pratiques surannées de la société kabyle de l’époque est un premier pas vers l’émancipation. Vient ensuite cette prise de conscience salvatrice, qui aboutit à la révolution armée, dont les prémices sont déjà visibles dans les dernières séquences du film.

Que pensez-vous du jeune cinéma algérien ?

Le cinéma algérien en général ne rapporte pas d’argent pour plusieurs raisons. Entre autres, l’absence de salles de cinéma et la mauvaise commercialisation des films ainsi que le piratage et j’en passe… Alors que pour assurer une production continue de films, il faut que l’argent rentre. Ajouter à cela le manque de formation dans ce domaine, ce qui fait que nous n’avons pas un bon cinéma.

Avez-vous des projets ?

Oui, j’ai des projets de réalisation touchant à divers thèmes, mais j’avance à mon rythme.

Je vous laisse conclure…

Je remercie vivement La Dépêche de Kabylie de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer.

Entretien réalisé par Tarik Djerroud

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