L’activité économique charriée par les plans d’investissement publics, le volume et le rythme des contractualisations ainsi que la nécessité impérative d’adapter la législation algérienne au nouveau cadre tracé par une multiplication toujours plus grande d’acteurs et d’intervenants dans le champ économique et la sphère commerciale, tous ces facteurs ont conduit le gouvernement à mettre en place une nouvelle réglementation des marchés publics.
Cela s’est matérialisé par le décret n°10-236 du 7 octobre 2010 abrogeant le décret 02-250 du 24 juillet 2002 ainsi que les amendements successifs dont ce dernier avait bénéficié.
Sur plusieurs plans, l’ancien code des marchés a montré ses limites, ce que n’ont pas manqué de déplorer plusieurs acteurs de la vie économique nationale (patronat privé experts et même des ministres de l’actuel gouvernement).
L’un des souhaits de ces derniers était que l’entreprise algérienne, publique et privé puisse accéder à la commande publique loin de la concurrence déloyale que les entreprises étrangères lui ont faite au cours des dernières années aussi bien dans les grandes infrastructures (autoroute, chemins de fer, tramway, barrages hydrauliques, stades de football, immobilier) que dans contrats de moindre envergure.
Sur un autre plan, depuis le lancement des grands projets d’infrastructures et équipements publics inscrits dans le cadre des plan d’investissements quinquennaux, tous les intervenants dans la chaîne de passation des marchés publics- à savoir l’administration maître de l’ouvrage, les partenaires du maître de l’ouvrage (soumissionnaires pour travaux, fournitures ou études), les bureaux d’études chargés du suivi,…- n’ont pas manqué de se plaindre d’une législation dépassée par les événements et qui leur cause moult tracasseries aussi bien dans la manière d’évaluer les offres et de sécuriser les contrats établis que dans la manière d’éviter les soupçons de subjectivité et surtout de corruption qui pèsent généralement sur ce genre de procédures.
Depuis que des scandales relatifs à la réalisation de certaines infrastructures publiques et à d’autres marchés de fournitures ont été portés sur la place publique, les gestionnaires maîtres de l’ouvrage montrent une circonspection quelque peu tatillonne qui grève la marche générale de la procédure. Il y a même des cas d’infructuosité factice- crées de toutes pièces par les parties chargées d’analyser et d’évaluer les offres- qui ont prévalu lorsque des enjeux fort délicats entourent une opération contractuelle.
Lourdes procédures
Au regard des projets d’infrastructures lancés par le gouvernement depuis une décennie- à lui seul, le nouveau plan de développement couvrant le quinquennat 2010-2014 est doté d’une enveloppe financière de 286 milliards de dollars-, les limites de la législation algérienne en matière de réglementation des marchés publics sont apparues au grand jour. Le nombre de contrats proposés à l’approbation des commissions de wilaya des marchés ou, le cas échéant, à la commission nationale des marché sous tutelle du ministère des Finances, a atteint des seuils historiques. Ce sont tous les secteurs de la vie économique nationale qui ont été appelés à déposer sur les bureaux desdites commissions des centaines de cahiers de charges et de contrats de travaux ou fournitures. Tous les programmes initiés par le pouvoirs publics (PSSR, PCSC, Hauts Plateaux, Sud, programmes d’urgence, programmes des zones sinistrées, PSD,…) ont généré des procédures de contractualisation longues, lourdes et éreintantes pour les agents et cadres appelés à les traiter et en arbitrer les processus.
En outre, le nombre de partenaires intervenant dans la réalisation des marchés publics (entrepreneurs, fournisseurs et bureaux d’études) ne cesse d’augmenter au fil des années à la faveur de l’ouverture de l’économie algérienne sur l’entreprise privée. Ce sont autant de porteurs et de soumissionnaires d’offres qu’il y a lieu de faire qualifier ou disqualifier sur la plan de l’offre technique, et dont il y a lieu d’évaluer les offres sur le plan financier. Les cahiers de charges comportent généralement des clauses de voie de recours auprès de la commission de la wilaya ou de la commission nationale selon le cas. Ces recours, aussi justifiés qu’ils soient, ne manquent pas, par l’examen de leur bien-fondé- d’allonger la durée des procédures devant mener à une attribution définitive d’un marché.
La complexité de la tâche s’accentua lorsque certains maîtres de l’ouvrage eurent à concilier entre la législation algérienne des marchés publics et une législation extérieure induite à la faveur d’un prêt. Il en est ainsi des prêts de la Banque mondiale que la bailleur fait accompagner de certaines conditions légèrement différentes de la réglementation algérienne. À un certain moment, il s’est en est suivi une forme de ‘’cafouillage’’ au niveau des commissions de wilaya des marchés qui ont requis des arbitrages de haut niveau.
Avec l’ouverture du marché algérien des travaux, études et fournitures aux entreprises étrangères, les sociétés et entreprises algériennes-qu’elles soient publiques et privées- n’avaient pas assez de capacités pour affronter la compétition qui allait en découler. Le ‘’verdict’’ était prévisible d’autant plus que la déstructuration du tissu industriel national, après la soumission de l’économie algérienne au Plan d’ajustement structurel, était une réalité reconnue aussi bien par les autorités politiques que par les gestionnaires directs de l’économie. C’est ainsi qu’un grand nombre d’entre ces entreprises ont été contraintes de solliciter des segments de sous-traitance auprès des entreprises étrangères ayant obtenu des marchés algériens d’infrastructures ou équipements.
Quelle place pour l’entreprise algérienne ?
Le nouveau code des marchés prévoit une clause dite de « préférence nationale », à concurrence de 25 % de la consultation ou de l’appel d’offres, pour remédier partiellement à cette situation pénalisante. Cette manière d’avantager les entreprises algériennes peut les sauver temporairement de situations complexes dans lesquelles elles se débattent. Cependant, pour le long terme, ces entreprises devraient pouvoir soutenir la concurrence par leurs moyens intrinsèques ; ce qui suppose une nouvelle stratégie d’entreprise, des innovations technologique et un management de qualité.
S’agissant du contexte qui a prévalu jusqu’à ce jour, les entreprises algériennes- à quelques rares exceptions- n’avaient pas des disponibilités financières et en ressources humaine qui leur auraient permis de prendre de grandes parts de marché dans les investissements publics réalisés entre 1999 et 2009.
Cependant, pour faire accéder nos entreprises à une forme de qualification qui les rendrait aptes à jouer dans la cour des grands, peu d’efforts ont été déployés dans le sens d’un encouragement de la part des pouvoirs publics et de la facilitation de l’accès au foncier et aux crédits bancaires. L’idée de la préférence nationale a commencé depuis les trois dernières années à faire son chemin au sein de la haute administration. Vœu qui vient de se concrétiser dans le nouvel amendement du code des marchés publics mais qu’il convient de compléter par la vraie mise à niveau des entreprises algériennes pour qu’elles puissent soutenir la concurrence.
« Les entreprises algériennes méritent davantage d’implication dans les projets de développement économique », soutenait l’année dernière le président de l’Union générale des entrepreneurs algériens (UGEA), Abdelmadjid Dennouni, en ajoutant que « l’entreprise algérienne est parfaitement capable de relever les défis du programme quinquennal 2010-2014 pour peu qu’elle puisse évoluer dans un environnement purement concurrentiel ».
Les choses commencent à évoluer positivement même s’il n’y a pas pour l’instant de situation idéale à portée de main.. Le climat général de l’acte d’investissement tend à mieux être accompagné par les pouvoirs publics même si de grandes difficultés persistent. Ainsi les trois redoutables ‘’F’’ -Financement, foncier et fisc- montrent toujours une certaine rigidité que dénoncent beaucoup d’entrepreneurs et autres capitaines d’industrie.
En plus de l’option de la préférence nationale, le nouveau code des marchés publics fait valoir l’obligation de recourir à l’avis d’appel d’offre exclusivement national lorsque le potentiel national de production ou de prestation de service est en mesure de satisfaire à la demande du service contractant public (maître de l’ouvrage ou client).
Même dans le cas-limite d’un appel d’offre international, le nouveau texte prévoit à ce que l’entreprise étrangère attributaire de marché s’engage à conclure un partenariat d’investissement avec une entreprise algérienne.
Le nouveau code des marchés publics introduit des critères d’appréciation à faire prendre en charge par les commissions d’évaluation des offres à l’exemple du critère consistant à examiner minutieusement la santé financière de la partie soumissionnaire et ce par « l’instauration d’une circulation efficiente des données concernant la situation du soumissionnaire envers l’administration des impôts et de la législation du travail ».
Amar Naït Messaoud

